31 juillet 2007

Retour sur Ingmar Bergman et Sarkozy (le beauf)

Dans mon empressement de parler de Sarkozy et de la faiblesse qu'est pour lui son peu de culture, j'ai oublié quelques éléments, ceci par exemple :

Ce bref billet chez Coming oust mérite d'être mentionné, puisque c'est l'une des rares fois, d'après Google en tout cas, où le lien "Sarkozy beauf" est clairement dit.

Plus sérieusement, il faudrait revenir sur le communiqué de l'Elysée sur la mort de Bergman. Voici la phrase qui me surprend:

Son éducation rigoureuse lui inspirera les thèmes majeurs de son oeuvre austère et âpre : la métaphysique, l'introspection et l'analyse du comportement du couple.

La formulation - son éducation rigoureuse lui inspirera - nous ferait croire que cette éducation était pour lui quelque chose de franchement positif : c'est grâce à cette rigueur qu'il est devenu un génie du cinéma. Voilà un bon exemple des mérites de l'autorité! J'avais ironisé un peu sur le stagiaire qui avait pompé son texte sur Wikipédia (comme d'ailleurs chez Ma vie en narcisse), mais il faut lui reconnaître le mérite de savoir profiter de n'importe quel événement pour l'orienter dans une direction en accord avec les grands axes du sarkozysme. Un peu plus et nous aurions appris que Bergman se levait tôt et travaillais...

D'Ingmar Bergman à Sarkozy le beauf

Via Juan, ce billet amusant de Julien Tolédano qui révèle que le service de com' de l'Elysée s'est largement inspiré de l'entrée Wikipédia consacré au défunt cinéaste.

Pourtant, de telles gaffes ne sont pas si fréquentes à l'Elysée, dont la mission première est justement de nous présenter une communication toujours soignée et lisse. Evidemment, la mort d'un cinéaste suédois n'est pas le genre d'événement à susciter des passions dans l'entourage du Très Grand Homme (TGH). Il nous est permis de supposer que la rédaction du communiqué fut déléguée aux plus bas rangs du service concerné, si ce n'était pas tout simplement un stagiaire qui s'en est chargé.

Si cette histoire dépasse le stade du simple anécdote, c'est qu'elle illustre, à mon avis, l'une des faiblesses du Petit Nicolas, à savoir son manque de culture, ce qui n'était pas très grave quand il n'était que ministre ou même candidat, mais qui peut s'avérer plus déterminant s'agissant d'un chef d'Etat obsédé par la grandeur de la France puisqu'elle est désormais liée à sa grandeur personnelle. On sait qu'il n'a pas osé supprimer le Ministère de la Culture. On a parlé un peu de son déjeuner avec des intellectuels (de droite):

Jeudi 5 juillet, ils étaient cinq à déjeuner à l'Elysée, l'académicienne Hélène Carrère d'Encausse, le philosophe André Glucksmann, l'historien Max Gallo, le cinéaste Claude Lanzmann, et l'essayiste et professeur de littérature à Paris-VII, Eric Marty. Une première organisée par Georges-Marc Benamou. [...] M. Sarkozy sait ce qui lui manque. Ses prédécesseurs disposaient vis-à-vis de cette élite d'atouts qu'il n'a pas : Pompidou avait écrit une anthologie de la poésie française et avait une épouse versée dans l'avant-garde, Giscard pouvait évoquer Maupassant à la télévision, Mitterrand parlait de la mort avec Jean Guitton. Même Chirac, qui cachait ses goûts pour les arts premiers derrière une réputation de butor, a su séduire les historiens d'art et les ethnologues. Sarkozy ? Quelques allusions à Céline et Albert Cohen, une visite à l'exposition du sculpteur Anselm Kiefer mais aussi une passion pour la variété, la télévision populaire... Sa rencontre avec Michel Onfray pendant la campagne pour la revue Philosophie Magazine s'était soldée par une polémique après des propos sur le caractère génétique de la pédophilie.

(Je cite longuement Le Monde puisque ces articles finiront par être payants...)

Sarkozy sait que la culture est une faiblesse, même si ce n'est pas (encore) un gros problème. Il veut quand même être à la hauteur...

Ce qui me fait penser que la culture pourrait devenir l'une des armes dans la lutte anti-Sarko. Il est souvent dit que Sarkozy flatte les beaufs, mais il est beaucoup plus rare, même chez ceux qui le contestent, d'entendre dire qu'il est lui-même « un beauf ». A vrai dire, cela m'est égal d'avoir un président beauf, car je trouve que ce genre de distinction est mesquine. Elle est souvent utilisée contre les dominés, et rarement contre les puissants. Et c'est sûrement pour cette raison que l'on hésite à l'employer dans la guerre des mots. Pourtant, si les rôles étaient inversés, Sarkozy et l'UMP n'hésiteraient pas une seconde à se servir de ce genre d'argument contre leurs énnemis. La guerre médiatique, celle des images, des people, va désormais être très dure. Il faudra prendre des précautions pour ne pas que tel argument ne se retourne contre celui qui l'emploie, ce qui est un risque réel. Il faudra être subtil. Cela dit, je rêve d'un jour où la recherche sur Google de « beauf » renvoie directement au site de l'Elysée, comme celle de « failure » indiquait directement « George W. Bush ».

30 juillet 2007

Bockel

Libération résume un entretien de Jean-Marie Bockel publié dans Marianne. Je n'ai pas trouvé l'entretien sur le site de Marianne et je n'ai pas la version papier; je dois me contenter de ce qu'en dit Libé.

De toute façon, il n'y a rien de neuf. Ou presque.

Bockel nous sert le même plat que nous avons déjà eu tant de mal à digérer. La réforme pour la réforme, l'action pour l'action. Peu importe l'orientation politique, si ça bouge. Bockel, Besson, Lang semblent s'être concertés.

Voici la version Bockel:

Il est «nécessaire d'avoir un chef de l'Etat engagé qui donne une ligne claire à la politique gouvernementale».

Ou encore:

L'ex-responsable socialiste estime qu'«il faut qu'il se crée (en France, ndlr) un sentiment d'adhésion à quelque chose, sinon nous risquons de stagner dans l'autocritique à force de répéter que nous sommes de mauvais élèves».

« Adhésion à quelque chose ». A quelque chose ? Peu importe la chose? C'est admirable, comme vision politique. Effectivement, le style Sarkozy est en train de remplacer absolument tout, car il y a plus de gésticulation que de « réformes » réelles. Peu importe où on va, à condition de rouler en BM.

Le papier de Libé termine sur une note étrange, toutefois:

Il indique que le chef de l'Etat est «un démocrate ; des personnalités du PS, comme Julien Dray ou Manuel Valls, en sont aussi convaincues que moi».

Primo, ce n'est jamais bon signe quand il faut indiquer qu'un chef d'Etat « est un démocrate », car en général on le dit que s'il y a un doute. « Vladimir Poutine est un vrai démocrate », « Berlusconi est un démocrate ».

Secundo, Bockel implique nommément Dray et Valls. Valls a déjà dit plusieurs bêtises censées montrer sa pugnacité mais qui confirmaient en fait la suprématie du Très Grand Homme (TGH), et j'ai déjà vu des rumeurs sur la complicité de Dray. Est-ce là une nouvelle variante sur la kouchnerture : on ne débauche pas les responsables PS, mais on les impllique. Et s'il y avait une sorte d'accord, ou mini-débauchage de Valls ou de Dray, quelle serait pour eux la contre-partie ?

Et, dernière question : cette ligne de la réforme pour la réforme, l'action pour l'action, le bruit pour le bruit, est-ce celle-là que Sarkozy a vendue à ses débauchés ? Est-ce cette idée là qui leur paraissait si séduisante ? (Je dis cela comme s'il y avait forcément une explication politique.)

28 juillet 2007

L'amour du pouvoir

Non, l'amour du pouvoir n'est pas celui que porte Sarkozy à la fonction qu'il habite, c'est la fascination, le coup de foudre permanent qu'exerce le Très Grand Homme (TGH) sur les journalistes.

Voici un exemple tristement banal, un papier dans Le Monde signé Jean-Baptiste de Montvalon : "RSS" ("Rien sinon Sarkozy"), ou la semaine - presque - ordinaire d'un "hyper-président".

Je préviens : il n'y a rien d'explosivement pro-Sarkozy, pas de capitulation particulièrement visible devant le pouvoir. Il y a même quelques signes d'esprit critique, comme la mention de l'« hyperprésident » dans le titre, ou encore l'accent mis sur l'habilité médiatique « Les images (hautes en couleur) de l'accueil que lui réserve le colonel Kadhafi viennent à point nommé pour nourrir les journaux télévisés. ». Mais ce ne sont là que les signes d'un esprit critique, dont la fonction est d'apaiser la colère naturelle du lecteur devant ce qui est par ailleurs, sous ses airs vaguement journalistiques, une longue reprise des différents points forts de la représentation narcisso-mythologique du président : énergique, partout, bosseur, etc.

Quelques exemples. Je cite:

  • LE "TSS" ("Tout sauf Sarkozy") qui se répandait sur la Toile pendant la campagne présidentielle n'est plus qu'un lointain souvenir. Depuis l'élection du nouveau chef de l'Etat, il a de facto cédé la place au "RSS" ("Rien sinon Sarkozy").
  • Chassé-croisé dans le (vrai) couple exécutif : Cécilia Sarkozy rentre de Libye - via Sofia, où l'avion de la République française a déposé les infirmières bulgares ; son mari annonce qu'il s'y rendra le lendemain.
  • Tandis qu'à la "une" du Monde le premier secrétaire du PS, François Hollande, dénonce - à défaut de pouvoir la contrer - la stratégie du "coup d'éclat permanent", l'après-midi se poursuit au même rythme.

La blague tout simplement nulle du RSS à la place du TSS, censé paraître encore plus moderne - et donc approprié pour le TGH - par confusion avec les fils d'information (Really Simple Syndication), concrétise cette fascination pour la manipulation médiatique qui ne révolte que superficiellement le sage journaliste du Monde, qui très évidemment admire cet exercice du pouvoir de communication. La communication sarkozyenne se résume finalement à un style, et avoir du style, c'est bien. On admire. Le fait que ce « style » est une manière de détourner tous les obstacles démocratiques (y compris la presse).

Que le vrai « couple exécutif » soit désormais Nico et Cécilia n'est qu'un problème mineur largement compensé par « l'éclat » que dénonce le pauvre François Hollande, forcément représenté comme un frustré qui ne peut que parler dans son coin, « faute de pouvoir [...] contrer » la force médiatique du TGH.

Est-ce parce que les journalistes comprennent si bien qu'ils sont manipulés qu'ils sont si admiratifs?

27 juillet 2007

Lire

Via CSP, un article de Serge Halimi qui résume très, très bien le cas Sarkozy.

Il faut une gauche combative, ni utopiste, ni centriste. Ou encore : presque n'importe quelle gauche, si elle est combative.

Fusibilité

Revenons brièvement à ce que je disais ce matin des risques que courent notre Sarkozy national à ne pas respecter les hiérarchies diplomatiques et politiques.

Jacques Chirac était le mentor politique de Sarkozy, mais quand ce dernier l'a trahi, ils n'avaient pas dû traiter le chapitre sur les fusibles dans Le Grand Livre du chiraquiétude. Que de sagesse perdue pour notre Très Grand Homme (TGH) ! Car sur cette question, Chirac fait partie des meilleurs. Mitterrand, avec le suicide de Béregovoy, c'était un amateur à côté.

Juppé fut condamné, et Villepin le sera sûrement. Chirac plane.

Qui ferais autant pour Sarkozy? Qui pourrait le faire, puisque, pour être efficace, un fusible doit avoir des grandes responsabilités. Sinon personne ne le tiendra pour responsable.

« Le fusible, c'est moi. »

Brûleur d'étapes

La réunion des ministres européens des finances, où Sarkozy s'est présenté à la place de sa ministre des finances, était le premier exemple. L'hyper-omni-people-président décide de ne pas respecter les hiérarchies. Il sait d'ailleurs, on suppose, que sa ministre à lui va avoir du mal à soutenir le feu des autres ministres, pas contents qu'il renvoie aux calendes grecques l'équilibre budgétaire de la France. Donc il y va, confiant que sa supériorité hiérarchique et son élan de nouvel élu et sa bonne mine lui permettront de se tirer d'affaire. Or, Sarkozy se fait engueuler par le ministre allemand et doit faire des promesses qu'il n'avait pas l'intention de faire (et encore moins l'intention de tenir). Première claque.

Maintenant, après avoir envoyé sa chère et tendre épouse sauver les infirmières Bulgares, Sarkozy lâche beaucoup. Voici la liste, via La France de demain:

  • Fourniture d'un réacteur nucléaire
  • Accord de coopération dans le domaine de la défense et d'industrie de défense
  • Accord de coopération dans le domaine de la recherche scientifique
  • Accord de coopération dans le domaine de l'enseignement supérieur
  • Programme triennal de mise en oeuvre de la coopération culturelle, scientifique et technique
  • Projet de programme de recherche d'Uranium

Je suppose qu'il y a derrière tout cela une ambition de resserer les liens avec la Libye (voir l'édito du Monde). C'est tout de même un gros cadeau, ou plusieurs gros cadeaux.

Voici enfin ma question : Sarkozy a-t-il été obligé de lâcher beaucoup de choses justement parce qu'il avait à ce point personnalisé l'affaire en envoyant Cécilia négocier avec le dictateur ?

Si c'est le cas, c'est non seulement un échec du style personnel du Très Grand Homme (TGH), mais également un échec de l'« ouverture ». Pouvait-il vraiment donner à Kouchner (pourtant dévoué) un si beau rôle ?

Le problème, c'est que la hierarchie a du bon. Elle instaure des distances qui permettent de mieux négocier sans débourser autant. C'est ça la diplomatie avec tous ses codes et ses arcanes. Cela existe pour des raisons, c'est un système éprouvé. En voulant brûler toutes les étapes, Sarkozy (ou plutôt la France) paie un prix à chaque fois.

25 juillet 2007

Énvervements à gauche

Oui, encore des énervements, mais cette fois c'est avec le PS. Trop de choses énervantes en même temps, ça devient difficile à supporter.

Commençons avec celui qui, que je le veuille ou non, depuis le billet de CSP sera désormais pour moi la Momie, c'est-à-dire, oui, Michel Rocard, qui se montre moins sage et plus actif que je n'avais pensé. Il s'est gentiment proposé pour remplacer Ségolène Royal, et la garce, elle lui a dit « non » en plus! Quel manque de respect pour un homme de son âge, avec une santé si fragile en plus! Quand on pense à ce que cela lui aurait coûté, d'être Président de la République! Vraiment tout fout le camp!

Au moins un peu toujours se venger en disant des choses comme, avec DSK "au moins, la défaite n'aurait pas été certaine". Sauf qu'il s'était déjà vengé, et bien, pendant la campagne. Histoire d'être sûr d'avoir eu raison...

Mais passons aux choses qui sont réellement plus sérieuses. Parlons de la Pensée Elle-même.

Le Monde nous rapporte le séminaire du PS, qui a fait beaucoup moins de bruit que celui de Ségolène Royal, d'ailleurs. D'après Christophe Caresche (député parisien semble-t-il) le Parti serait « complètement nécrosé . Que dirait Aimé Jacquet? Un manque absolu de « gnaque ». Toutefois, le pire n'est pas la simple autoflagellation dépressive, mais une autoflagellation beaucoup plus grave, une autoflagellation carrément sarkozyste. C'est encore Manuel Valls, qui, dans ce registre, n'en loupe plus une. Le PS est

« en décalage avec la société française », selon M. Valls. « L'immobilisme est la marque du PS », déplore le député de l'Essonne, jugeant que, « ce qui a miné ce parti ces dernières années, c'est son incapacité trancher sur un certain nombre de sujets majeurs ».

Sur l'incapacité à trancher sur certains sujets, il n'a pas tort je suppose, mais pour le reste, il semble avoir adopté le même langage qu'Eric Besson, voire de François Fillon dans son célèbre discours au meeting de Lyon, ou encore Copé et ses cloportes. (Quand on s'appelle « Copé » on évite de balancer « cloporte » comme insulte, non?) Immobilisme, mais surtout « en décalage avec la société ». Ils n'ont pas plus d'échine que ça? Finalement, cloporte, ce n'est peut-petre pas si loin de la marque... Pensent-ils gagner en crédibilité en allant le plus loin possible dans l'autohumiliation ? Et même si une telle manoeuvre était profitable, il ne faut jamais prendre pour soi les critiques de l'adversaire!.

Enervement. Enervement.

Je ne sais plus si c'est encore pire, mais dans leur séminaire, ces socialistes réfléchissent aux idées qu'il va falloir trouver pour un jour pouvoir rivaliser avec le Très Grand Homme (TGH). Rocard, d'ailleurs, dit la même chose : il va falloir des décennies, j'exagère, "...des années pour construire une pensée critique de l'économie de marché". Et puis quand ils auront trouvé leurs idées, le TGH, ou Nain II, ou quelqu'un d'autre encore, les piquera avec un slogan bidon. Ni les autocritiques, ni les idées vont remplacer le pouvoir des images. Il a des idées, Sarkozy? Pourtant il a gagné.

En revanche, François Hollande, pour qui je n'ai pas d'estime particulière, a fait un bon entretien dans ce même Monde, où il fait les critiques qu'il faut de Sarkozy.

Bonne nuit!

Update: ai mis le lien vers l'entretien de Hollande.

Sarkozy et la Révolution culturelle

Dagrouik publie un très bon billet qui nous ramène au discours prononcé par Christine Lagarde, le 11 juillet, devant l'Assemblée nationale pour défendre le Paquet de son Patron. Je n'avais pas alors lu l'intégralité du discours, mais aujourd'hui je conseille vivement cette lecture, tant elle permet, par sa maladresse (reconnue, d'ailleurs, d'après le Canard par la Ministre elle-même), de comprendre quelques rouages de la théorie et de la pratique du pouvoir sarkozÿen.

Je commence à avoir le soupçon que Christine Lagarde, tout en étant sans doute une spécialiste compétente dans son domaine, n'est pas une experte de la communication politique, et que, pour l'occasion de ce discours, elle a voulu en faire trop, histoire de montrer qu'elle avait bien digéré ses leçons d'économie à la Sarkozy, c'est-à-dire en maniant des idées ultra-simples sans trop se préoccuper des réalités sous-jacentes. Mais c'est justement cela qui est bien, car, comme le montre Dagrouik, la Ministre n'y va pas de main morte, et finit par sortir une série d'imbécilités qui ont dû être difficile pour certains députés ex-centristes obligés de garder le sourire et d'applaudir. Et ces imbécilités dessinent un peu ce que notre avenir avec Sarkozy nous réserve.

La presse a largement relayé ces phrases de Christine Lagarde que je voulais commenter à l'époque mais que j'ai laissé filer:

Voilà ce que nous ont dit les Français : ils ne veulent pas plus de loisirs, mais plus de travail. Ils ne veulent pas de rentes aléatoires, mais un salaire mérité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ! Ils ne veulent pas du pain et des jeux, mais les fruits de leur labeur (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen) ! Ils en ont assez de voir leurs efforts quotidiens méprisés par quelques bobos à la mode ! M. Sarkozy les a entendus et a gagné leur confiance.

Je trouve gonflé qu'une ministre dans un gouvernement UMP-TF1 ose nous parler "du pain et des jeux", alors que le premier de leurs souhaits est de voir une population qui travaille sans se plaindre et se plante devant la Star Ac' le soir. Mais ce n'est pas tout, puisque Lagarde oppose très bizarrement le "pain", censé représenter l'assistanat, et les "fruits" du labeur de ces braves travailleurs, pourtant préoccupés à gagner leur croûte en espérant qu'ils leur restent quelques miettes pour se payer Canal. Ce sera le thème principal du discours : la gauche, ces détestables "bobos à la mode" qui méprisent le travail des honnêtes gens, cette gauche composée uniquement de la gauche caviar et d'une vague cohorte d'assistés, paresseux et profiteurs en tous genres, la gauche, donc, contre les braves gens qui ne demande que de se "retrousser les manches" et travailler encore plus dur.

Ici, par exemple, elle associe la gauche, censée mépriser le travail, et donc cherchant à réduire sa pénibilité et sa durée, et un esprit "aristocratique":

Plus près de nous, le mythe post-industriel de la fin du travail entretient l'illusion suprême selon laquelle l'homme pourrait être complètement remplacé par les machines ! La loi sur les 35 heures (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) est l'expression ultime de cette tradition qui fait du travail une servitude. Comment ne pas voir les préjugés aristocratiques qui nourrissent une telle idée !

Lagarde pousse cette idée jusqu'au ridicule en faisant une éloge du travail d'inspiration presque soviétique. Normal, vous me direz, les premiers à proposer la "valeur-travail", c'étaient les communistes. Ainsi :

L'idée du travail est la condition nécessaire, naturelle et honnête de l'humanité. Le préjugé ne doit pas être contre lui, mais pour lui : tel est le choix que notre pays doit faire aujourd'hui !

Oui, dans une démocratie, c'est le travail qui, pour tous, fonde la réussite (« Et le chômage ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Oui, le travail est une chose naturelle, essentielle à l'homme, et non un pis-aller destiné à subvenir aux nécessités quotidiennes.

L'homme est travailleur par essence; le salaire est une récompense normal, mais ce n'est pas une nécessité puisque le travail est aussi une question d'honneur. Dagrouik inclut des statistiques comparant le salaire horaire moyen en France, en Inde et en Chine, pour montrer à quel point les ouvriers de ces pays considèrent que c'est une honneur de travailler, au delà des considérations bassements matérielles, selon lesquelles ce ne serait qu'une servitude.

Donc, si on reprend la logique de la lutte des classes, qui est devenue selon Madame Lagarde une notion tout à fait caduque -- "La lutte des classes est un concept essentiel... aux historiens et à eux seuls" --, on dirait que les travailleurs continuent à être dominés, victimes en quelque sorte, mais la classe qui les domine n'est pas celle des patrons ou des actionnaires, c'est plutôt la gauche, les "bobos à la mode", qui ne reconnaissent pas la valeur du travail. C'est tout de même pas mal!

Bref, Lagarde brasse les concepts, les détourne de leurs socles socio-économiques, sans aucune gêne. Je commence à penser que ce ne sont pas là simplement des élucubrations de droite censées faire passer la pillule, mais plutôt le signe que nous sommes entrés dans un nouveau combat culturel. La droite, s'appuyant sur cette décision historique du peuple français, se croit porteuse d'une nouvelle Evangile, une nouvelle vision de la société qu'il serait tout simplement ringard de critiquer. Sarkozy, c'est la modernité; sans Sarkozy, on est forcément un has-been. (Tiens, je devrais rajouter cela à la Prière Sarkozyste.).

Surtout, je ne serais pas inquiet s'il n'y avait pas des signes que cette idée, celle de la modernité de Sarkozy, n'était pas en train de s'imposer, y compris à gauche. Manuel Valls, qui comme tout le monde, veut moderniser le PS, estime que le défaut du PS était d'être

en décalage par rapport aux attentes des Français et aux évolutions de la société, sur le travail ou sur l'autorité républicaine.

Mais surtout:

Concernant les 35 heures, il a estimé que «parfois, cela a été perçu par beaucoup de nos compatriotes comme un frein à gagner plus, comme une répartition du travail qui ne correspondait pas à leur envie de travailler plus pour gagner plus».

Comme ça, on reprend le slogan électoral de Sarkozy comme une véritable expression des désirs du bon peuple! CSP pense que Valls cherche encore un poste d'ouverture, et c'est vrai qu'à reprendre ainsi les talking points du Très Grand Homme (TGH), on peut avoir des doutes légitimes. Plus grave encore que l'éventuel débauchage de Valls, cependant, est cette idée qu'il est en train de valider, de solidifier dans la perception publique, selon laquelle Sarkozy aurait vraiment compris les enjeux de la situation, et que pour rivaliser avec lui il faudrait devenir plus comme lui.

Autre exemple, cet éditorial ridicule, publié on ne sait pourquoi (mais on devine quand même) par Le Monde, Génération centriste (ou comme le dit CSP, Génération soumission; voir aussi la réaction de Dagrouik). Les autres lui ont déjà suffisamment cassé la figure, je ne m'y attarderais pas. L'idée de rassembler sous l'étiquette d'une "Génération" la modernité de Sarkozy, à laquelle on, c'est-à-dire les jeunes membres de cette génération si branchée, ne trouve pas le moyen de s'opposer, est un indice de plus que la Révolution Culturelle Sarkozÿen est non seulement en marche, mais qu'elle a déjà lavé un bon pourcentage de cerveaux.

22 juillet 2007

Ouverture du vide

Au cours d'une scéance de rattrappage sur Sarkofrance, je me rends compte petit à petit que cette tant vantée ouverture sarkozÿenne, pourtant cousue de fils blancs, pourtant annoncée comme technique pour « asphyxier » la gauche et « vider » le centre, pourtant détachée de toute action politique réelle (l'action étant l'un des thèmes constitutionnellement réservés au Président de la R.), je me rends compte donc que, du point de vue des médias en tout cas, ça marche à fond.

Ces derniers temps, je ne fréquente pas assez TF1. Il ne faut pas m'en vouloir. Quand on se renseigne en dehors des réseaux habituels, finalement, on risque de passer à côté de l'Esprit du moment. Et il est évident qu'actuellement dans l'Esprit médiatique, Sarkozy passe pour la réincarnation simultanée de Jaurès, de Gaulle et de Jésus Christ. (Il faut bien savoir être partout.)

S'il fallait une démonstration vraiment solide de ce succès, il suffit de lire ce gluant éditorial de Nicolas Beytout. (N'ayez pas peur, le lien est vers le billet de Juan.) C'est un texte franchement étonnant pour bien des raisons, à commencer par le degré auquel il est partisan. Beytout est le directeur de la rédaction du Figaro, mais son autosatisfaction et son ton condescendant, son identification non à des idées mais tout simplement à un camp, font que son... j'allais dire "billet" car il aurait visiblement sa place dans la blogosphère de droite... son papier change de genre, cesse d'être un éditorial pour devenir une sorte de tract sarkozyzte. Surtout, en quelques lignes, Beytout réunit tous les clichés possibles sur la gauche et son humiliation aux pieds du Très Grand Homme (TGH). Échantillons:

D'ailleurs, étant de gauche et donc lucide, je conviendrais que si nous nous sommes fait kidnapper quelques beaux symboles, nous sommes parvenus en retour à arracher son sobriquet à la droite pour devenir la gauche «la plus bête du monde». Si maintenant j'étais de gauche et combattant, j'essaierais de voir comment nous pourrions désormais subtiliser à nos adversaires quelques uns de leurs thèmes favoris, exactement comme ils nous ont piqué certaines de nos plus belles valeurs, à commencer par la défense du pouvoir d'achat.

Ainsi, de gauche et utopique, je me prendrais à imaginer que cet abandon réciproque de l'anathème pourrait nous valoir un jour un climat plus apaisé. En tout cas, étant de gauche et large d'esprit, je serais avide de ces débats et de ces échanges de vues. En somme, si j'étais de gauche et lecteur de Libération, j'adorerais le Figaro.

La gauche devrait être de droite; l'anathème, ce n'est pas la volonté de Sarkozy d'asphyxier la gauche, c'est la résistance de la gauche aux vertus de l'ouverture. Et ainsi de suite. Il faut le lire, car vraiment tout y est.

Alors, pour revenir à ce que je disais, les choses vont mal, car en temps normal, un tel parti-pris ne devrait pas être recevable, même auprès des dignes lecteurs du Figaro. Et pourtant, si.

Et puis la question : comment est-il possible d'en être là?

Côté TGH, c'est tout de même assez intéressant. Je l'ai déjà dit, mais je pense que c'est l'une des clés de la question : la présidentialisation du pouvoir et l'ouverture font parti d'un même système. Sarkozy a procédé, dès son élection, à un recentrement du pouvoir à l'Elysée. Aussi bien du pouvoir politique que du pouvoir opérationnel, y compris la police, la diplomatie et les renseignements. Le gouvernement dans son ensemble subit le même sort que le premier ministre, comme une sorte de vestige du lointain passé parlementaire qui aujourd'hui sert surtout à faire de la com', voire de la comédie. Et c'est là qu'arrivent les figurants de gauche, qui, quitte à faire de la figuration, préfèrent la faire à droite avec voiture, chauffeur et tout le reste. Jamais l'ouverture n'atteindra les vrais centres du pouvoir sarkozyen.

Autrement dit, Sarkozy a réussi à détacher le pouvoir réel de l'image du pouvoir. Le parlément, le premier ministre, le gouvernement avec ces débauchés sont des acteurs dans un soap : nous allons nous émouvoir de leurs drames personnels, ricaner quand le Très Grand Metteur en Scène (TGMS) les dresse les uns contre les autres, distribue des bons et des mauvais points, les traiter comme s'ils participaient vraiment à l'exercice du pouvoir parce qu'il le faut bien justement pour préserver le sien, mais toute cette reality show n'aura que très peu d'impact sur la réalité des choses. Dans ce contexte, « l'ouverture » était bien sûr un coup de génie, car, hormis quelques fidèles sarkozystes de la première heure qui en sont sortis bredouilles, cela ne mange pas de pain!

Côté PS, toute la difficulté est dans la façon d'expliquer aux téléspectateurs ce grand montage du spectacle politique. J'en conviens : ce n'est pas facile du tout, surtout que, pour le faire, il faut bien diaboliser Sarkozy, qui profite du fait que l'on n'ose pas l'imaginer, médiatiquement parlant, si machiavellique.

21 juillet 2007

Gratuit

Il est tout de même navrant que, jusqu'à présent, Sarkozy n'a payé aucun prix politique pour ses gestes en faveur de l'extrême droite pendant la campagne.

Quand on pense aux réactions qu'avait suscitées l'alliance de Charles Millon avec le FN après les régionales de 1998, c'est assez étonnant. C'est à croire que seules les personnes comptent : s'allier avec Le Pen, c'est la pire chose que l'on puisse faire; reprendre le programme de Le Pen, c'est même admirable.

Enfin, c'est évident que seules les personnes comptent, car seules les personnes existent sur le plan de l'image.

20 juillet 2007

La mauvaise foi en quantité industrielle à prix d'ami

C'est Eric Besson dans Le Monde. Je ne sais même pas où commencer, il faudrait commenter tout l'entretien, phrase par phrase, et même alors, je serais sûr de manquer des morceaux de choix.

Commençons par la question qu'on lui pose:

Ayant rallié Nicolas Sarkozy dès la campagne présidentielle, vous avez été parmi les premières personnalités de gauche nommées au gouvernement (secrétaire d'Etat chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques) au titre de l'ouverture

Est-ce vraiment au titre de l'ouverture que Besson est entré au gouvernement, lui qui avait « rallié » Nicolas Sarkozy pendant la campagne, donc bien avant que l'on parle d'ouverture ? Au moment d'entrer au gouvernement, Besson était-il encore un homme de gauche? Mais passons, ce n'est pas encore Besson qui parle.

J'avais reproché au Parti socialiste d'être devenu un parti du statu quo, qui refuse d'assumer son réformisme car le réel trouble sa grille de lecture. Nous nous adressons désormais à ceux qui se disent que Nicolas Sarkozy incarne aujourd'hui des valeurs, une ambition et une soif d'action que nous étions allés chercher à gauche.

Voilà un thème bien sarkozyen : l'action pour l'action. Il est compréhensible que l'on puisse faire la critique de l'immobilisme à propos du PS, encore qu'il eût fallu que le PS soit au pouvoir pour ne pas être immobile, et que l'opposition est naturellement dans une position de freiner qu'autre chose. Mais ce qui est malhonnête, c'est de dire que, puisque le PS ne change pas les choses, on va aller chez Sarkozy. Peu importe le sens du changement, pourvu que ça bouge! L'action pour l'action, la « réforme » pour « la réforme » sans justification politique, c'est la suppression pur et simple de la politique. Seul compte, comme le parcours de Besson le montre, le pouvoir, en somme.

La tonalité dominante du "bouclier fiscal" n'est pas vraiment de gauche...
La gauche n'aurait effectivement pas porté ce projet, mais ce dernier traduit la cohérence de la pensée du président de la République, qui veut que la France retrouve toute sa compétitivité et son attractivité.

Ah, la cohérence! Autre idole sarkozyen. Encore une fois : peu importe ce que le gouvernement fait, du moment que c'est cohérent. Mais puisque cette mesure, de droite (car la gauche ne l'aurait pas fait, il concède), est si admirablement cohérente avec le reste du programme du Très Grand Homme (TGH), n'est-ce pas que l'ensemble du programme est tout autant de droite ?

Par ailleurs, je ne dis pas que Nicolas Sarkozy est devenu un homme de gauche. Mais comme il se moque de savoir si telle ou telle mesure est estampillée à droite, à gauche ou au centre, on peut discuter de solutions potentielles sans tabou, ce que ne s'autorise pas la gauche. Il y a chez le président un très grand pragmatisme que l'on retrouve dans les discussions que l'on peut avoir avec lui. Au demeurant, je ne sais plus, sur un certain nombre de sujets, si le clivage droite-gauche est vraiment opérant.

«... sans tabou » Il va falloir commenter cette petite formule, qui est devenue si fréquente dans les discours du nouveau pouvoir décomplexé que cela ne peut qu'être louche.

Mais le pire dans cet éloge du Très Grand Sage (TGS), qui comme Bayrou n'est ni de droite ni de gauche, c'est cette façon de gommer toutes les distinctions. La politique n'existe plus, il est même impossible de s'opposer à Sarkozy parce qu'il est déjà de chaque côté de chaque point sur lequel on pourrait même envisager une opposition.

Bref c'est insupportable, c'est dangereux, et tout le reste.

19 juillet 2007

La démocratie participitative peut-elle être providentielle?

Bref retour sur ma longue digression ségoléniste de l'autre jour, un peu à la lumière de la vive discussion qui s'est tenue chez Partageons mon avis.

L'idée de la démocratie participative me pose problème parce qu'elle me plaît. Une bonne dose démocratie participative serait salutaire pour cette bonne vieille Ve République, quinquennatisée aux calendriers renversés, où presque tout se décide en un bref instant de démocratie, et où ensuite tout se bloque pendant cinq ans, sans opposition réelle possible sans descendre dans la rue.

Avec le temps qui passe, et les défaites qui passent, mon critère politique presque absolu, pour n'importe quelle idée de gauche, devient : permet-elle de gagner des élections ? Efficacité. Rendement électoral. Efficacité, pas le juste milieu, juste quelque chose qui marche. Surtout avec la Constitution que nous avons, il faut d'abord gagner.

La question, avec la démocratie participative, devient clairement celle-ci: est-il possible de gagner une élection présidentielle en proposant la démocratie participative? Ou bien : la démocratie participative est-elle tellement à l'opposé de l'esprit de nos sacrosactes institutions, tellement étrangère à l'esprit «Ve République» qu'elle empêche de prendre le pouvoir, même si c'est pour modifier la « Ve » ? Peut-on être perçu(e) comme un leader fort(e), providentielle même, tout en proposant d'affaiblir le pouvoir que l'on souhaite obtenir ?

Peut-être qu'après 5 ou 10 ans de Sarkozy, la démocratie participative se vendra toute seule...

18 juillet 2007

Autopersuasion institutionnelle

En poursuivant ma lecture matinale du Monde, je trouve ceci dans un tchat avec Dominique Chagnollaud, « directeur du centre d'études constitutionnelles et politiques ».

Question: Le retour à un régime parlementaire est-il envisageable ?
Je ne le pense pas. Le taux de participation à la dernière élection présidentielle a traduit un phénomène d'adhésion renouvelée au principe de l'élection du président de la République au suffrage universel, qui a été confirmé aux législatives. Ces deux scrutins ont balayé toutes les idées de retour à un régime parlementaire classique.

Dommage d'entendre cela de la bouche d'un spécialiste, qui par ailleurs semble assez raisonnable. Je suppose que cette idée s'est imposée globalement.

Pourtant, il est assez évident que le taux de participation de l'élection présidentielle était la conséquence très logique du quinquennat et de l'inversion des calendriers. Le bon peuple a très bien compris que désormais une seule élection compte. Ce réalisme ne devrait pas être pris pour le signe d'une grande volonté populaire de présidentialiser la République.

Fillon se prépare un avenir de fusible?

Quand on est premier ministre, voici le genre de chose qu'il faut éviter de dire:

La démonstration qui sera faite de l'efficacité du dialogue social dans les transports peut ensuite servir de modèle pour être étendu dans d'autres secteurs, dont l'éducation nationale.

Cette phrase m'intrigue. « La démonstration qui sera faite...» Fillon est déjà sûr de son immense succès avec ce dossier, déjà en train d'imaginer des succès futurs sur des dossiers semblables. C'est mauvais signe. Il est en train de compter ses poules trop tôt. Il est parti avec les boeufs, et la charrue est restée à l'Elysée...

« ...l'efficacité du dialogue social... » Drôle de choix de mots : efficace pour qui ? pour quoi faire ? Cette réduction du droit de grève va rendre le dialogue social plus efficace ? Parfait exemple d'une expression qui ne veut pas dire ce qu'elle dit : l'efficacité n'est pas celle du dialogue lui-même, les salariés pouvant bizarrement mieux s'exprimer depuis qu'on leur a supprimé une partie de leurs moyens de faire pression. Non, l'« efficacité » dont il s'agit est plutôt le rendement du service en question, même par temps de (mini) grève. Les trains à l'heure et tout le reste. Efficace malgré la grève.

Là où Fillon, dans cette même phrase, est enfin honnête, c'est quand il imagine cette formule étendue à l'ensemble des secteurs, au syndicalisme en général, finalement. Autrement dit : à des secteurs dont le pouvoir de blocage est moindre. Autrement dit (bis): à des secteurs où le recours au service minimum n'est pas justifié par les mêmes arguments que dans les transports (capacité à nuire à l'ensemble de la société, etc.). Dans le lendemain chantant de Fillon, il n'y a plus que des grèves qui ne gènent personne.

17 juillet 2007

Un peu de ce que je pense de Ségolène Royal

Depuis une semaine ou deux, j'ai envie de refaire le point sur ma position vis-à-vis de Ségolène Royal. Aujourd'hui elle est revenue sur le devant de la scène, alors je me lance.

Certains de mes amis considèrent que je suis un inconditionnel de Ségolène Royal, un ségoléniste pur jus, peut-être même amoureux. Ils se trompent, bien sûr, même si je continue à soutenir l'ex- et future candidate. Pourquoi ? La réponse courte, c'est que, dans l'écurie PS, elle est la seule à avoir repensé la communication politique de gauche. Ce n'est pas pour moi une question de positionnement plus ou moins près du centre, ou même de sociale-démocratie. Les guerres politiques, à l'ère des inondations médiatiques permanentes, de l'image tout puissante, de la peoplisation universelle, les guerres politiques ne sont plus des guerres de position, mais de mouvement, si je puis me permettre la métaphore. Il ne suffit pas de trouver une position d'équilibre entre la gauche et le centre pour voir affluer les électeurs, qui sont, et on ne le dit pas assez, politiquement déboussolés, et qui ont perdu, pour la plupart, toute conscience de classe.

Sarkozy a battu Royal grâce à un programme finalement très flou. Les ambiguïtés de son programme lui permettait justement d'occuper plusieurs positions contradictoires dans la gamme politique, notamment en récupérant les voix du FN et même temps que la moitié des électeurs de Bayrou. Depuis, le Très Grand Homme (TGH) a fait la démonstration de sa capacité à être partout: «médiatiquement», politiquement, idéologiquement.

Le jeu politique est désormais ainsi fait. La nostalgie ne sert à rien. Et c'est mon avis que Ségolène Royal est, pour l'instant, l'unique personne, à gauche, à comprendre les nouvelles règles de la lutte médiatico-politique. Certes, de ce point de vue, elle est moins bonne que Sarkozy, qui est lancé dans une échappée de cinq ou dix ans, tel un coureur carburant à l'EPO tandis que ses rivaux sont restés encore avec des stimulants homéopathiques et des remèdes de grand'mère.

Pourtant, me direz-vous, nous n'avons pas retenu l'image d'une Ségolène Royal maîtresse de sa représentation dans les médias, mais plutôt celle de Ségo-la-gaffe. Effectivement, trouver de nouvelles bases à un discours politique de gauche n'est pas quelque chose qui s'invente en l'espace de quelques mois. Cinq ans suffiront-ils ? Je n'en sais rien. Le plus souvent, les problèmes de communication étaient liés à ses relations difficiles avec le parti, et, plus profondément, avec la tradition idéologique du parti. Il est déjà difficile d'inventer une nouvelle approche de la politique censée plaire un public plus large que les 29% du PS, puis de la vendre aux électeurs, sans avoir en plus à la justifier contre son propre parti. On peut comprendre, d'ailleurs, le désarroi des cadres du PS qui devaient soutenir un Pacte Présidentiel qui tranchait beaucoup avec les traditions, et dans lesquels ils avaient du mal à se reconnaître. Il me semble, cependant, que la cause de ce décalage n'était pas que la position de la candidate était trop à droite, trop proche du centre. Le texte même du Pacte est, dans l'ensemble, très à gauche. Je me souviens de l'avoir défendu contre des amis qui le trouvaient trop à gauche, alors que plus tard ils trouvaient que Ségolène Royal était trop à droite...

Hormis les rivalités de personne, qui ont bien sûr fait leurs dégâts, la cause du malaise idéologique est plus dans le style de la candidate et de ses propositions que dans leur contenu. (A quelques exceptions près, sur lesquels je reviendrai.) Pourtant, cette question du style est tout sauf superficielle, elle est au coeur du problème. Le style, c'est la femme... Quand j'entends Laurent Fabius parler encore du rôle du capital dans la société, je me prends la tête des deux mains : ce vocabulaire ne convainc plus que ceux qui sont déjà convaincus, qui ont déjà une vision du monde dans lequel "le capital" signifie quelque chose. Ce qui ne veut pas dire que Fabius a tort dans son analyse. A la rigueur, je suis d'accord, sauf qu'il faut aussi prendre en compte l'internationalisation de l'économie, ce que Marx n'avait pas eu besoin d'aborder. Sarkozy est en train de remettre au goût du jour la lutte des travailleurs contre le capital. Mais est-ce qu'il dit «nous allons prendre de l'argent chez les pauvres, en les précarisant, pour le donner aux riches» ? Non, il ne le dit pas. Ce ne serait pas efficace.

Pour en venir aux points forts et faibles de la campagne, je pense que le plus gros échec était sans doute possible la démocratie parcipitative. Et pourtant, ce thème aurait dû être porteur : après 12 ans du cynisme politique de Chirac, adepte du dos rond en toute circonstance, ignorant défaite électorale sur défaite électorale, n'infléchissant jamais sa politique, bousillant le TCE, et ainsi de suite, après tout cela l'idée d'impliquer davantage les gens dans les décisions, d'être davantage à leur écoute, cela aurait dû créer de la demande pour la démocratie parcipitative. Et pourtant c'était un flop, et même pire qu'un flop, puisque l'idée même d'une écoute à fini par nuire à l'image autoritaire qu'il est nécessaire pour être vu comme présidentiel. L'élection a montré, encore une fois, que les raisons d'un vote sont le plus le fruit des différentes psychoses collectives. Être à l'écoute, gouverner en réponse aux volontés du peuple, toutes ces bonnes idées ont été retournées contre Royal, ont diminué sa crédibilité et rendues floues bon nombre de ces propositions.

Personnellement, je suis assez séduit par l'idée de la démocratie parcipitative. Le problème, c'est de «vendre» l'idée.

Et la deuxième mauvaise idée de la campagne, c'était les tentatives de ratrapper les thèmes identitaires. Non seulement les dérives chevénementistes ont décrédibilisé la candidate auprès des électeurs de gauche, mais, plus grave encore, en ayant l'air de suivre Sarkozy sur ce terrain, mais en plus «soft», Ségolène Royal a permis à Sarkozy d'aller pêcher les voix de l'extrême droite. Il faut adresser le thème sécuritaire, car c'est une question qui concerne en premier lieu l'électorat populaire, bien entendu. Cela devrait être une question de gauche. Mais il faut trouver le moyen de l'aborder sans avoir l'air d'imiter le discours autoritaire (et inefficace en réalité, mais efficace en politique) de Sarkozy.

Bon, j'arrête ce billet-fleuve qui va devenir un discours de politique générale si je ne m'arrête pas. Il y aura des occasions de revenir sur ces questions, je crois...

16 juillet 2007

Lectures (bonnes ou mauvaises)

Je viens d'ajouter une petite liste (à droite... de la page) de mes dernières lectures sur le web. Elle se tiendra à jour de façon semi-automatique. Ça devrait bouger assez vite, aussi vite que mes lectures en tout cas. Malheureusement, pour l'instant, c'est limité à cinq références, ce qui me paraît insuffisant, mais je n'ai pas le courage de chercher comment dépasser cette limite imposée par Blogger.

15 juillet 2007

Énervements du dimanche

CSP est énervé avec Polnareff qui souhaite que Sarkozy nous amène au paradis. Moi aussi, ça m'énerve. Cette idée de paradis, ce n'est pas un hasard. Depuis le début de son mandat, depuis sa campagne, Sarkozy a employé ce vocabulaire de la révélation politique, sorte de religion du pouvoir, adoration de l'État fort. J'ai du mal à croire que Polnareff ait deviné tout seul qu'il fallait renforcer cet aspect là du personnage.

La Garden Party de Sarkozy est en elle-même énervante, surtout transformée en spectacle, surtout avec le Président-Présentateur qui loue la beauté de la première femme et de sa belle-fille. On dirait JackJacques Martin en train de dire : « oui, elles sont très belles ».

Cet énervement-là en rappelle un autre, d'il y a quelques jours. Sarkozy fait de la femme de Devedjian une chevallière de la Légion d'Honneur, pour soutenir « toutes celles et à tous ceux qui accompagnent une destinée ». Elle ne serait pas une salope, Madame Devedjian, paraît-il. Enervant parce que c'est une manière pas très subtile de dire que Devedjian avait raison de traiter Anne-Marie Comparini, ou qu'en tout cas il n'avait pas tort. Une vraie femme, donc pas une salope, c'est celle qui soutient son mari à l'UMP. Pour le meilleur et le pire, c'est-à-dire quand il n'est ni ministre ni secretaire d'état.

Soyez belle et taisez-vous. Le message de Sarkozy aux femmes.

Dernier énervement pour l'instant, Sarkozy parlant du concert de Polnareff :

Ce soir, peut-être qu'avec le Premier ministre, on va enlever nos cravates. Ce soir seulement, n'exagérons pas dans la rupture, il ne faut pas en faire trop», a lâché Nicolas Sarkozy (Ne peux pas faire de lien permanent, désolé, o16o).

Enervante, cette façon princière de faire le type sympa, mais toujours aussi rigide : « il ne faut pas en faire trop ».

J'arrête, parce que sur ce thème il y évidemment trop à dire.

Bon dimanche quand même. Doc Gynéco s'est fait entarter, c'est toujours ça de pris.

14 juillet 2007

Comment ne pas réagir à l'ouverture

Quand j'avais écrit ce billet sur la politique dite d'ouverture de notre Très Grand Sarkozy (TGS), je n'avais pas encore lu ce Rebond d'Alain Duhamel. Curieusement, Monsieur Duhamel n'a pas réussi à me faire changer d'avis, même s'il semblerait que nous sommes -- encore plus curieux! -- d'accord sur un point.

L'autre jour, donc, je disais qu'en se peignant en victime de l'ouverture sarkozÿenne, le PS ne faisait que confirmer l'idée selon laquelle Sarkozy réussissait son coup, qu'il affaiblissait vraiment le PS. En somme, l'ouverture atteint le PS seulement dans la mesure où le PS se comporte en victime. De même, Duhamel écrit:

En fait, le PS, vigoureusement bousculé, a réagi en victime ou plutôt en vaincu au lieu de se comporter en opposant revigoré et décomplexé.

Mais, dans ce cas, que faire? Certainement pas ceci:

Le PS n'a pas trouvé la bonne réplique. Il a réagi avec aigreur à la nomination de Bernard Kouchner, de Jean- Pierre Jouyet, de Martin Hirsch et d'Eric Besson. Il aurait mieux fait de se féliciter bruyamment du recrutement d'Eric Besson par celui-là même qu'il accablait dans un libelle encore récent. Il aurait dû souhaiter sincèrement bonne chance à Martin Hirsch qui ne cherche pas à faire carrière et ne prend en compte que l'intérêt des plus démunis. Il aurait eu plus de classe et de panache en annonçant que Bernard Kouchner et Jean-Pierre Jouyet seraient jugés à l'empreinte qu'ils laisseront, à leur influence réelle sur la politique gouvernementale plutôt qu'en les désignant à la vindicte populaire avec des mines de dévots offusqués.

Le problème avec l'ouverture -- et ce pourquoi c'est une stratégie parfaitement diabolique pour la gauche --, c'est que l'idée est si profondément ancrée dans des bons sentiments (qui peut être contre l'ouverture?), ces mêmes sentiments que François Bayrou et même Ségolène Royal avaient mis au goût du jour pendant la campagne, les téléspectateurs ne faisant pas la distinction entre des grands accords politiques et la chasse aux têtes que pratique Sarkozy, même si une partie de ces téléspectateurs apprécient l'image de Sarkozy en chasseur, justement. Le piège est fait de cette ambiguïté : critiquer l'ouverture revient à se montrer mesquin, politicien, petit. Mais l'accpeter, c'est malgré tout donner le beau rôle à Sarkozy, l'Empereur Magnanime avec ses ennemis vaincus.

La réaction que propose Duhamel, c'est-à-dire laisser partir les socialistes à la soupe avec une petite pique d'ironie, aurait effectivement validé la politique d'ouverture de Sarkozy, et lui en aurait donné absolument tous les bénéfices, sans aucune retombée positive pour le PS.

Pire encore, en ne disant rien, ou si peu, le PS laissait installer cet univers UMP, où même la distinction droite-gauche n'a plus de sens, car les gens "compétents" travaillent ensemble dans la paix et la fraternité. L'opposition aurait bel et bien besoin d'un "statut" dans ce cas. Avec une résistance farouche à "l'ouverture", le PS à au moins sauvé quelques meubles, dont sa crédibilité en tant qu'opposition, ce qui n'est pas rien.

Et pourtant, le PS reste dans le piège, dans le rôle de la victime abattue et en désarroi, ennemi, de surcroît, de l'ouverture.

Le problème, c'est que l'ouverture n'est que l'un des rouages dans la mécanique sarkozyste du pouvoir, dans ce système où tout est soumis à la communication, et où tout le vrai pouvoir est centralisé dans quelques bureaux de l'Elysée. J'en ai parlé hier. Le gouvernement, ces postes de toutes les convoitises, n'ont désormais qu'une fonction de parade, ou, éventuellement, de trasmission : relayer les ordres venus de plus haut, en donnant l'illusion (en laquelle il n'y a plus grand monde à croire) d'un fonctionnement démocratique plus ou moins ordinaire. Déjà que les transfuges occupent des postes peu politiques et loin des grands thèmes et des pilliers essentiels du pouvoir du TGS, mais même les ministres UMP pur sang, n'ont en réalité que des marges de manoeuvres très étroites.

Le PS avait raison de sentir que l'ouverture n'avait de valeur qu'en termes d'image. La seule réponse véritable, ce serait de démonter l'intégralité du système de com' du Président. Ce qui ne sera pas facile. C'est très difficile de mettre ensemble tous les morceaux, et de communiquer, via des médias eux-mêmes complices, cette image du pouvoir sarkozÿen. En attendant de pouvoir le faire, il faut éviter d'en devenir soi-même un rouage.

13 juillet 2007

La droite contre la droite (encore)

Quand je parlais de la paranoïa sarkozÿenne l'autre jour, je me demandais si le Président de la R. avait plus peur de la droite, de sa droite, que de la gauche. C'est l'un des mystères des temps modernes : comment la droite peut-elle contenir autant de rivalités, de mesquineries, de sales coups ? La gauche fait ce qu'elle peut pour rivaliser, mais comment rivaliser avec des gens capables de monter l'affaire Clearstream. Ça demandais de l'imagination, du dévouement...

Bref.

Tout le monde parle de l'hyperprésidentialisme, de la disparition de Fillon. En même temps, tout le monde parle de la politique d'"ouverture", la chasse au têtes de gauche. On parle même des déçus à droite, comme le pauvre Pierre Lelouche, qui auraient tant aimé faire partie de ce majestueux gouvernement qui va tout réformer.

Sauf que, ce gouvernement, Sarkozy n'en a, visiblement, rien à foutre. Le vrai gouvernement est à l'Elysée. Chaque ministre a son double à l'Elysée, qui lui dicte sa vraie marge de manoeuvre. Au tout début du mandant du TGH, on avait noté les manoeuvres pour centraliser certains pouvoirs à l'Elysée, la police et la diplomatie notamment (j'en ai parlé ici par exemple). Cette tendance se confirme : il y a, à l'Elysée... j'allais dire un "shadow gouvernement". Mais en réalité, le "shadow gouvernement" c'est Matignon et les ministres. L'authentique est à l'Elysée.

En écumant le Canard de cette semaine, on trouve deux morceaux assez révélateurs:

  1. La Mare aux Canards : "Darcos reçoit une leçon". Où l'on apprend que la suppression de 10,000 postes était l'idée de Darcos, tandis que l'Elysée en voulait 17,000. Colère de Fillon : "Darcos a fait exprès de parler de la suppression de 10 000 postes de fonctionnaires [...]. Il tente d'éviter qu'on ne lui en impose 17 000 comme le veut la règle du un sur deux. [...] C'ets honteux de pratiquer comme cela, cette manière de faire pression pour gagner ses arbitrages." Il a raison, c'est honteux ! Colère aussi de Sarkozy, qui est toujours aussi délicat : "Certains membres du gouvernement ont l'air de se foutre de la gueule du monde [...] ils veulent oulbier la règle du un sur deux parce qu'ils ont peur de se mettre les syndicats à dos." La colère syndicale est bonne pour les ministres, moins bonne pour un Président. 10 000 postes, c'était un cadeau.
  2. Page quatre : "Benamou pousse la note à Aix" Une histoire assez drôle, assez cocasse. La ministre de la Culture est invitée, avec toutes les formes, par la mairie d'Aix pour assister à l'inauguration du Grand Théâtre de Provence. Georges-Marc Benamou, conseilller pour la Culture et l'Audiovisuel à l'Elysée, envoie une lettre à la mairie pour les prévenir qu'il comptait venir aussi, pour qu'on lui réserve voiture, hôtel (de charme) et tout le tralala. Recevant déjà la Ministre de la Culture, la mairie refuse. Benamou revient à la charge, avec une lettre signée par Sarkozy lui-même. La mairie accepte. Et pour finir, ni la municipalité, ni Benamou, ni l'Elysée ne règlent la note à la Villa Gallici où Benamou a séjourné.

Ce dernier exemple est assez étrange, car il montre que ces conseillers de l'Elysée ne veulent pas rester dans l'ombre, se contentant de tirer les ficelles du pouvoir réel, mais cherchent aussi à rivaliser publiquement avec le gouvernement. Il ne suffit pas d'avoir le pouvoir, il faut aussi que tout le monde le sache. Il faut que ce pouvoir soit symbolisé.

Quand on parle d'"ouverture", il devient clair qu'il ne signifie pas grand'chose d'être ministre sous Sarkozy. Les places sont pas si chères, finalement.

Institutions

Bon billet de versac sur le discours du TGH.

J'avais écrit hier que je ne pensais pas que Sarkozy bougerait vraiment sur la question de la Constitution (française). J'avais tort peut-être.

Là où je ne suis pas d'accord avec versac, c'est que je pense qu'avec notre hyperprésident et toute sa hyperprésidentialité, ce n'est pas le moment de tout remodéler. On se laisse tellement influencer...

Et si c'était une femme...

Hier, Dagrouik observait qu'aucun des Ségo-basheurs n'avait relevé ce que Jean Quatremer venait de signaler comme difficulté possible pour DSK au FMI:

Le seul vrai problème de Strauss-Kahn est son rapport aux femmes. Trop pressant (et non pressent, j'ai vérifié), il frôle souvent le harcèlement. Un travers connu des médias, mais dont personne ne parle (on est en France). Or, le FMI est une institution internationale où les moeurs sont anglo-saxonnes. Un geste déplacé, une allusion trop précise, et c'est la curée médiatique. Après Jacques Attali et ses goûts somptuaires qui lui ont coûté la présidence de la BERD, la France ne peut pas se permettre un nouveau scandale.

Sur le fond de la question, je n'ai pas grand'chose à dire. La Banque Mondiale vient de sortir d'un épisode grotesque avec Wolfowitz et sa copine. La France n'aurait pas de monopole en cas de débordement strauss-kahnien.

Dagrouik a raison cependant de signaler l'hypocrisie des médias et des blogueurs sur ce point. Je me suis mis à imaginer ce qui arriverait si une femme politique, destinée à un poste d'importance, avait une réputation d'être « facile », et comment cette question éclipserait absolument tout autre sujet de débat. J'imagine les inquiétudes des gens : « si elle couche avec quelqu'un et lui donne des secrets ? », « si elle tombe enceinte avec un dignitaire d'un autre pays ? ». Etc., etc., ad naseum.

Pour une femme politique dans ce pays (et peut-être dans les autres aussi), il vaut mieux être une Madonne qu'une putain. Pour les hommes, c'est selon...

12 juillet 2007

Comment réagir face à l'« ouverture »?

Nicolas Sarkozy est sûrement au maximum de ses capacités quand il s'agit de la lutte. Moi contre toi. A la mort. Comme avec Villepin. Je pense à cet épisode que raconte Guy Birenbaum, Sarkozy en train de raconter ses relations avec Villepin :

Nicolas Sarkozy, qui se mit alors à me mimer la scène, se montra en tout cas explicite au sujet du rôle qu'il prêtait dans l'affaire à son successeur au ministère de l'Intérieur : "J'ai pris Villepin comme ça [par le col] et je lui ai mis le nez dans sa merde. Comme ça !" me lança-t-il, brutalement. Presque comme s'il l'avait vraiment fait. Le tout était accompagné d'un drôle de rictus qui me laissa penser que cette véritable guerre irait finalement jusqu'au sang entre ces deux hommes.

Je pense aussi à ce moment un peu étrange lors de l'entretien/publi-info à l'Elysée, sur TF1, quand PPDA interroge le Très Grand Homme (TGH) sur sa politique de l'ouverture, et dit, d'un air très complice, quelque chose comme « ça ne plaît pas beaucoup aux socialistes ». Le regard de Sarkozy s'assombrit, il lève les yeux au loin et répond : « ce n'est pas à moi de leur rendre la vie facile ». Il cesse d'être le « président de tous les français » pour ne plus être que l'adversaire des socialistes. Jusqu'à leur destruction. Enfin, j'exagère un petit peu peut-être, mais c'est quand même à peu près ça.

Tout le monde, y compris Jack Lang, sait bien qu'il veut « asphyxier la gauche ». Il l'a dit. C'est pour cela que c'est en effet énervant d'entendre Manuel Valls dire:

Je me réjouis qu'il y ait un président actif et omniprésent. Ce qui ne signifie pas, évidemment, accaparement de tous les pouvoirs.

Ou encore :

Au-delà des craintes que sa démarche [à NS] peut susciter, je veux prendre cela comme une invitation à l'initiative

Ou encore pire, mais là c'est Jack Lang:

Mais sur la forme, il faut bien reconnaître que Nicolas Sarkozy dirige le pays avec un sens aigu de l'action au service d'une idéologie qui n'est pas la mienne. On va dire que c'est de l'hyperprésidentialisme. Oui, et alors ? On redécouvre une réalité en France : le président concentre tous les pouvoirs. La logique ne serait-elle pas d'instaurer un véritable régime présidentiel : un pouvoir exécutif contrôlé par un vrai Parlement, doté de réels pouvoirs. Puisque Nicolas Sarkozy dit qu'il a le sens de l'audace, alors, qu'il nous surprenne et qu'il propose une démocratisation profonde du système !

Entre l'apaisement et l'acceptation de l'hyperprésident, d'un côté, et crier au scandale, façon Hollande, de l'autre, ce n'est pas évident. Je suis néanmoins de ceux qui trouvent que cette nouvelle ouverture, notamment le FMI pour DSK, est l'occasion de faire table rase de cette génération d'éléphants. Il ne reste plus que l'ex-couple Hollande-Royal, le papa et la maman du PS. Et le Canard de cette semaine nous informe que si Hollande réussit à perdre quelques kilos pour l'université PS, c'est qu'il se prépare à être candidat lui-même en 2012. Ça lui laisse du temps pour faire du jogging en attendant. Enfin une façon concrète de procéder à la rénovation.

Je disais, donc, qu'entre l'apaisement, qui revient à oublier que Sarkozy veut asphyxier la gauche, et qui, pire encore, a pour effet de l'innocenter tout à fait (« le président de tous les français, grand rassembleur, etc. »), et crier au scandale, ce n'est pas si évident. Ne pas voir les tentatives de débauchage comme une violence faite au PS, c'est naïf à tel point que l'on doit soupçonner tout ceux qui épouse cette voie de chercher à se faire confier des miettes de pouvoir par le TGH. On ne devrait pas avoir à le dire.

Il y a un risque semblable, cependant, à crier trop fort au scandale. Chaque fois que la presse aborde la question, nous entendons systématiquement que le PS est très déstabilisé, que c'est dur pour eux de voir les camarades partir à l'UMP comme ça, etc. En général, c'est mon impression en tout cas, ces lamentations ne sont pas des citations, mais des intuitions des journalistes. Idem pour la question complice de PPDA que j'ai mentionnée plus haut. Le mot du jour, c'est que les socialistes sont à terre avec cette histoire. Voilà pourquoi il ne faut pas crier (trop) au scandale. Crier au scandale ne fait que renforcer les dégâts, en les validant. Il n'y a aucune autorité morale supérieure qui va intervenir pour redresser les torts que Sarkozy fait au PS. Le bon peuple, dans la mesure où il suit ces développements, les suit pour voir qui gagne et qui perd. Le Tour de France, en somme, mais avec des quinquagenaires. Le PS n'a rien à gagner en se montrant la victime, et plutôt tout à perdre. En se victimisant, il valide l'efficacité des coups portés contre lui.

En revanche, il est essentiel que tout le monde comprenne que ceux qui partent à la soupe chez Sarkozy le font à leur dépens, que le PS ne les suit pas, qu'ils cessent de représenter le PS, que c'est pas bien, pas bien du tout, etc. Il est essentiel de dénoncer la substance de l'ouverture. Ce sont des personnes qui partent à la droite, sûrement par intérêt personnel, ce n'est pas toute la gauche ou tout le PS.

Noyauter le poisson

Noyauter n'est pas tout à fait le bon terme, mais cela ressemble. Selon le Trésor, noyauter veut dire:

Introduire clandestinement des éléments isolés dans le but de désorganiser, d'infléchir l'action et éventuellement de prendre le contrôle de.

Techniquement, c'est plutôt le jeune Jospin chez les socialistes. Mais...

Peut-on « noyauter » une loi ? C'est en tout cas la stratégie assez évidente de Sarkozy. Premier exemple : plutôt que de supprimer les 35 heures, il ajoute son système d'heures sup' qui rend les 35 heures caduques. Surtout si le refus de faire des heures sup' reste une justification de licenciement, ce que souhaite la majorité, comme yrduab l'a souligné l'autre jour. Désormais un employeur pourra imposer une semaine de 40 heures à tous ses employés, et il sera même récompensé, ayant moins de charges sociales à règler.

J'avoue que jusqu'à aujourd'hui, je ne comprenais pas bien les enjeux du bouclier fiscal, hormis un article du Canard qui disait que les vrais riches en général n'en voulaient pas parce qu'ils ne voulaient pas repasser par un contrôle fiscal, pensant avoir plus à perdre ainsi (pouvant gruger moins) qu'à gagner avec le bouclier. Tout a changé aujourd'hui (pour moi) grâce à ce billet très pédagogique de Damien B. à la France-de-demain. Allez voir, c'est très clair et très utile. Pour résumer : le bouclier fiscal, du fait qu'il est indexé sur les revenus et pas sur la fortune, revient à peu près à supprimer l'ISF. Pas tout à fait, mais presque.

On « noyaute » des mesures en introduisant juste ce qu'il faut pour renverser entièrement leur signification. C'est très habile.

Pourtant, une droite vraiment décomplexée ne devrait pas avoir peur de dire: « ça y est, on revient à 40 heures, vive la République ! », ou : « on supprime l'ISF, vivent les riches ! » Non, c'est encore une droite tout à fait complexée, qui doit tout enrober ses pillules pourtant très amères en sucre populiste. Mais plus encore que le sucre, cette droite enrobe ses mesures avec une épaisse couche de confusion. On commence à comprendre, ça fait partie de la méthode du Très Grand Homme (TGH) : la politique de la confusion.

A suivre.

11 juillet 2007

Pour mémoire

Juste pour mémoire, Christine Lagarde dit bel et bien que la présence des riches sur le sol français est intéressant parce qu'ainsi ils vont dépenser davantage:

Que les choses soient claires, il ne s'agit ni de supprimer la fiscalité ni de créer un paradis fiscal pour les riches mais simplement de bâtir un pays où l'on peut revenir, faire circuler son argent et fonctionner l'économie.

C'est un très vieil argument. Les riches dépensent, ça aide tout le monde. Alors que les riches sont par définition même ceux qui gardent leurs sous.

Que les choses soient claires: Madame Lagarde raconte n'importe quoi pour vendre son paquet.

10 juillet 2007

La Sarkozième République

Je reviens sur le sujet d'une « réforme » (toute action de l'Etat est désormais « réforme »... on ne peut plus traverser la rue sans que ce soit une réforme d'une manière ou d'une autre) de nos chères institutions. La question est un peu moins chaude que la semaine dernière. J'en ai déjà parlé (ici surtout) mais il reste quelques éléments qui continuent à m'inquiéter.

Voici ce que disent deux blogueurs que je respecte, et qui sont, malgré tout, de gauche.

D'abord, Hugues Serraf, de l'excellent Commentaires et vaticinations, qui écrit:

Moi, personnellement, l'idée d'un régime présidentiel authentique ne me dérange pas. C'est un système qui en vaut un autre et, à tout prendre, je me satisferais tout autant d'un régime réellement parlementaire. Mais c'est cet entre-deux bâtard qui me pose problème. Qu'un président élu au suffrage universel sur un programme clair s'entoure d'une équipe capable de le mettre en oeuvre, c'est la moindre des choses. Qu'il conserve la haute main sur une assemblée de godillots, pour la plupart membres d'un parti qu'il contrôle en direct, et qu'il soit capable de la dissoudre sur un simple caprice, c'est une autre paire de manches.

Et un peu plus loin:

Ce que j'accepte mal, en revanche, c'est la présence de 314 mini-Sarkozy au palais Bourbon. 314 courroies de transmission surnuméraires dont nous n'avons que faire. Allez, président Sarkozy, Claude Guéant dégagera bien cinq minutes dans votre emploi du temps pour une petite réformette constitutionnelle susceptible de rendre un peu de vigueur à nos députés et de donner sa chance à une Nancy Pelosi en VF !

Et, chez Versac, le même son de cloche:

Si mon goût personnel me pousse vers un système parlementaire, le réalisme et le précédent créé par l'élection au suffrage universel direct du président de la République semblent imposer de passer en mode présidentiel. Soit. L'enjeu principal est bien celui d'une effective séparation des pouvoirs, qui reste le principal point noir des institutions française. Et, au delà du cas du pouvoir judiciaire (on pourrait imaginer que la révision de la constitution consacre le terme de "pouvoir" et non de simple "autorité"), au delà de la rationalisation de l'exécutif (il serait sain que le président assume effectivement seul la fonction de responsable de l'exécutif), il s'agit donc bien de donner au pouvoir législatif l'autonomie et le rôle de limiteur et contrôleur qui devrait être le sien.

Les deux aimeraient mieux un système plutôt parlémentaire, mais sont prêts à accepter un virage vers un régime présidentiel sur le modèle américain, si c'est le prix à payer pour avoir une plus franche séparation des pouvoirs.

Ce qui m'inquiète, ce qui me surprend, c'est que les premières semaines du premier mandat du Très Grand Homme ont suffi à faire basculer le fond même du débat institutionnel.

Lors du débat, Sarkozy avait du qu'il ne voyait pas de raison de passer à une VIème République. Et Ségolène Royal est restée dans une logique plutôt parlementaire. Et voulait plutôt imposer des nouvelles contraintes au Président:

Le Président de la République sera responsable. Le statut pénal du chef de l'Etat sera réformé. En cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat, le Président de la République pourra être destitué à l'initiative de l'Assemblée Nationale. Il ne présidera plus le Conseil supérieur de la magistrature et ne nommera plus les membres du Conseil constitutionnel. Le quinquennat ne sera renouvelable qu'une seule fois. (Du site DDA.)

En revanche, les pouvoirs du parlément (face au gouvernement) devaient être renforcés :

La souveraineté du Parlement sera établie par une co-maîtrise de l'ordre du jour avec le gouvernement, suppression du vote bloqué et de l'article 49-3, stricte limitation de l'article 38 sur les ordonnances et des recours à la procédure d'urgence (art.45

Il me semble qu'elle aussi voulait pouvoir s'adresser aux députés, mais je ne trouve pas trâce de cette idée dans le programme. J'ai eu la tête sarkozifiée déjà? Peut-être. Mais même dans ce cas, il est clair que Ségolène Royal ne préparait pas un régime présidentiel à l'Américaine, et l'on peut guère l'accuser d'avoir fait glisser le débat dans ce sens. Sans parler de la démocratie parcipitative.

Ce qui laisse, me laisse en tout cas, une seule explication à ce changement, au fait que désormais, chez les gens qui y réfléchissent, une réforme des institutions irait très logiquement dans le sens d'une présidentialisation, comme si c'était la chose la plus normale du monde. Et pourtant, si on essaie de revenir seulement quelques mois en arrière, à l'époque légendaire où Jacques Chirac était Président de la R., et DDV (comme l'écrivait Rondot) le premier ministre, il est difficile d'imaginer que l'on propose une telle réforme. Personne, ni à droite ni à gauche, ne l'aurait souhaitée. C'aurait été tout simplement ridicule. Aujourd'hui c'est dans l'air du temps, mais profondément dans l'air du temps. (Pour ainsi dire.)

A vrai dire, je ne pense pas qu'il y aura une réforme des institutions. Sarkozy a déjà tout le pouvoir, il ne gagnerait rien à en donner au Parlément, qu'il domine moins que son gouvernement. Un telle proposition pourrait vite devenir une évalution publique de sa façon de gouverner, ce qui ne pourrait être que négatif pour lui. Je continue à penser que c'est de l'air, que c'est une façon pour François Fillon de justifier son non-existence, en disant qu'il est d'avant-garde, et que bientôt il n'y aura plus de premier ministre du tout mais juste un ordinateur. Plus sérieusement, c'est une idée qui arrange Sarkozy tout autant, car son style hyperprésidentiel s'en trouve justifié par anticipation. Il va diriger sa boîte comme si c'était la VIème, en plaçant la « légitimité » du suffrage au-dessus de ses pouvoirs constitutionnels.

Pourtant, c'est dommage que la piste parlementaire soit abandonnée. Le problème avec le régime présidentiel tel qu'il pourrait exister en France, c'est qu'il serait toujours un régime à la Sarkozy, c'est-à-dire avec un président qui maîtriserait tout, à partir du moment où il maîtriserait son propre parti. La situation aux Etats-Unis est très différente, pour mille raisons historiques et même géographiques. Les partis politiques eux-mêmes sont moins centralisés que les partis français. La branche judiciaire a beaucoup plus de pouvoir d'intervention sur les lois et sur les actions de l'exécutif. Je reste persuadé qu'un régime présidentiel en France reviendrait à préserver le statut quo sarkozien, tout simplement.

Et surtout, si nous allons nous lancer dans des modifications constitutionnelles, pourquoi ne pas le faire sur la base d'une véritable réflexion, plutôt qu'en réaction aux personnalités politiques du moment?

Psycho-Psarcho : le nouveau contre-pouvoir

Non, l'Assemblée Nationale ne s'est pas soudainement rebiffée contre l'hyperprésident. Cependant, on commence à voir se dessiner l'ombre de ce qui pourrait être le seul contre-pouvoir dont le pays disposera pendant ce quinquennat.

J'explique.

Depuis que les Très Grand Homme (TGH) a commencé à "habiter sa fonction", ses amis et ses nombreux ennemis ont pu constater sa grande capacité à gérer les différents obstacles qui se présentent, ou justement qui ne se présentent pas, parce qu'il les a anticipés et neutralisés. Même la résistance syndicale, qui pourtant devrait être féroce au vu de ce qui est proposé (nouveau contrat de travail, suppression du droit de grève), ne semble pas se cristalliser. Le dossier de la réforme des universités a été conduit pour éviter à tout prix (ou presque) la confrontation directe, notamment sur la question de la sélection en première année. Ou plutôt: tout a été fait pour éviter que le conflit se durcisse, que le partage entre les pro- et anti- sarko se fige pour que la vraie bagarre puisse commencer.

Les convertis au sarkozyzme diraient que c'est là le signe de son grand pouvoir de rassembler le peuple, et de sa très grande ouverture politique. Oui, mais...

Sur la scène européen, Sarkozy continue à être celui qui veut dire "oui" à tout le monde. Les autres pays s'inquiètent (évidemment!) de la fiscalité et des déficits français ? Pas de problème! Ou en tout cas : promis, je ferais de mon mieux.

[Les ministres des finances éuropéens] ont répété à la France qu'elle devait tenir les engagements pris dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, et face à cette pression, de plus en plus forte depuis son élection en fait, le chef de l'Etat a commencé à donner quelques gages, notamment en affirmant qu'il ferait tout son possible pour atteindre l'équilibre budgétaire en 2010, même s'il n'a pas renoncé à la date de 2012 qui suscite des critiques dans les différentes capitales européennes. (chat avec Philippe Ricard dans Le Monde)

Bien sûr, ces promesses faites à l'Europe peuvent toujours être utiles en France, si le Président décide de supprimer quelques postes de plus à l'Education Nationale. Mais ce qui me semble plus important, c'est que Sarkozy est toujours prêt à aller assez loin, du moins dans les paroles (mais puisqu'il fait toujours tout ce qu'il dit... a-t-on le droit de douter de sa Très Grande Sincérité ?), afin d'éviter qu'on puisse lui adresser des reproches.

Sur le plan bien plus trivial (mais hautement symbolique) de la carte bancaire de Madame Sarkozy, l'Elysée a fait une retraite quasi instantanée à partir du moment où la question a franchie le seuil des contestataires (Le C. Enchaîné et Rue89) pour arriver sur la grande scène médiatique. Une histoire de carte bancaire ne pouvait pas être la première ouverture dans l'armure médiatique.

Est-ce simplement la bonne gestion de l'image? Oui, ils sont habiles en com', c'est évident. Ils ont appris beaucoup grâce au cas Juppé (en premier ministre), qui, lui, n'a pas su éviter que l'opinion se renverse contre son gouvernement. Tout de même, c'est étonnant, de la part d'un président qui visiblement veut projeter l'image de quelqu'un de très fort, qui veut "vider le centre" et "asphyxier" la gauche.

La question que je voudrais poser est donc celle-ci : de quoi Sarkozy a-t-il peur ?

On dit qu'il prépare déjà sa réélection, ou qu'il veut éviter une déconvenue aux municipales. Oui, certes. Mais est-ce si important? Une mini-claque aux municipales ne l'empêcherait pas de faire ce qu'il veut. Non? Son pouvoir serait si fragile qu'une vaguelette vaguement rose pourrait le balayer? Jamais un président de la Ve n'a disposé d'autant de contrôle sur les différentes branches de l'État et sur son propre parti. (Dans Le Monde: "le vrai président de l'UMP, c'est Nicolas Sarkozy pour une majorité écrasante des militants", ont assuré plusieurs ténors et militants du parti.) Sait-il quelque chose que nous ignorons ? Un talon d'achille quelque part ?

J'ai deux hypothèses. Elles n'en font qu'une, peut-être. La première, c'est que Sarkozy a surtout peur de la droite. Il sait qu'il y a des requins qui lui tournent autour, qui ne disent rien pour l'instant, mais qui n'hésiteront pas à mordre à la première goutte de sang dans l'eau.

La deuxième hypothèse est un peu plus subtile. Nous commençons à comprendre un peu le personnage. Sarkozy a deux défauts qu'il transforme en forces: le narcissisme et la paranoïa. C'est le schéma habituel : l'homme qui doit paraître grand parce qu'il sait qu'il est petit; l'homme qui doit paraître fort parce qu'il sait qu'il est vulnérable. Il est très certainement moins vulnérable qu'il ne le croit. Il a quand même résisté à l'imbroglioi Clearstream, mais ça n'a pas dû le guérir de sa paranoïa. Plus profondément, au fond du psyché sarkozïen, il y a une blessure profonde, un trou qu'il faut à tout prix combler avec des symboles de puissance. Il faut donc plaire à tout le monde, et presque littéralement à tout le monde. C'est un défaut qui est un avantage en politique, lorsqu'on est habile comme lui. Si on réussi à se faire aimer de tout le monde, on est élu.

En revanche, on peut imaginer que lorsque cette bulle éclate, il y aura des dégâts.

9 juillet 2007

Prière sarkozyste

le choeur:
Sarkozy est le pouvoir.
Il n'est de pouvoir qu'en Sarkozy.

Le pouvoir est dans Sarkozy
Le contre-pouvoir est dans Sarkozy.
Sarkozy est le gouvernement.
Sarkozy est le premier ministre.
Sarkozy est chacun des ministres.
Les opposants à Sarkozy sont dans Sarkozy.
La contradiction de Sarkozy est dans Sarkozy.
Sarkozy est chaque chose.
Sarkozy est le contraire de chaque chose.

le choeur:
Sarkozy est le pouvoir.
Tout pouvoir vient de Sarkozy.

La droite est dans Sarkozy.
L'extrême droite est dans Sarkozy.
Le centre est dans Sarkozy.
Le nouveau centre est dans Sarkozy.
L'opposition est dans Sarkozy.
La gauche est dans Sarkozy.
L'extrême gauche sera dans Sarkozy.
L'Europe est Sarkozy.
Le FMI est Sarkzoy.

le choeur:
Sarkozy est le pouvoir.
Sarkozy est le pouvoir de tous les pouvoirs.

La carotte est Sarkozy.
Le bâton est Sarkozy.
Le beau temps est Sarkozy.
La pluie est Sarkozy.
Le temps est Sarkozy.
L'argent est Sarkozy.
Le beurre est Sarkozy.
L'argent du beurre est Sarkozy.
Sarkozy est l'argent.

le choeur:
Sarkozy est le pouvoir.
Sarkozy est le pouvoir de l'argent.

Céline est dans Sarkozy.
Cohen est dans Sarkozy.
Le Pen est dans Sarkozy.
Guy Môquet est dans Sarkozy.

le choeur:
Sarkozy est le pouvoir.
Sarkozy est le pouvoir du pouvoir.

6 juillet 2007

Sept secrets

Juan de Sarkofrance m'invite à prolonger la chaîne des bloggeurs appelés à dévoiler sept secrets. Alors, on y va...

  1. Je n'ai jamais eu le moindre contact avec le moindre homme ou femme politique. Pas de numéro de téléphone. Rien. Nitchevo. Niet.
  2. Je n'ai jamais adhéré à un parti.
  3. A douze ans, j'étais un marxiste convaincu.
  4. C'est peut-être pour cela que j'ai fait deux années de russe à la fac.
  5. L'ironie, donc, c'est que j'ai vécu, étudié, travaillé plusieurs années aux Etats-Unis.
  6. J'ai eu des boulots de prolo (pêche, batîment) et de bourgeois (prof, libéral).
  7. Je n'ai pas encore la quarantaine.

Ca va ? Oui, il y en a bien sept. Etrange exercice pour un anonyme...

Et maintenant au tour des sept suivants. (On verra qui passe par là.) J'appelle : Damien, de la France-de-demain, Martin de Sauce, Stéphanie la cloporte, yrduab de 100 idées, Pataxagore, le mystérieux Patrick des Cahiers, et Nicolas J.

Amusez-vous bien.

Le paquet

A lire chez Cent idées pour, une analyse point par point du paquet fiscal.

5 juillet 2007

17,000 postes. Une hypothèse.

D'abord, un délicieux billet de CSP.

Ensuite, une hypothèse : Darcozy est passé de 10,000 à 17,000 postes... parce qu'à 10,000, ils ont rencontré si peu de résistance.

Les enjeux de la carte judiciaire

Fillon contre l'idée même d'un premier ministre (suite)

Bref retour sur le cas Fillon, tandis que Le Monde publie quelques extraits du chat du Premier Ministre.

Il y a l'ironie évidente d'un Premier Ministre qui cherche à s'affirmer et de s'affranchir de son Très Grand Patron (TGP) en proposant la suppression de son propre poste. Mais on peut s'interroger sur les motivations immédiates de cette position.

Il a souvent été reproché à la Constitution de la Ve République d'avoir été écrite sur mesure pour de Gaulle. Et maintenant, Fillon voudrait la retailler pour la personnalité hyperactive de Sarkozy. Est-ce une raison suffisante pour enclencher des réformes de cette envergure ?

A court terme, le fait d'évoquer une telle réforme présente l'avantage de justifier par anticipation les abus constitutionnels que la bande à Sarko sont déjà en train de commettre. Si on n'est pas d'accord avec le déséquilibre des institutions actuels, c'est que nous sommes opposés à la marche de l'Histoire.

A court terme, cela permet de répondre à tous les reproches. Le Parlément ne sert plus à rien ? Nous devons renforcer ses pouvoirs (que nous sommes en train de saborder en quittant le régime parlementaire). Le président remplace à lui seul le premier ministre et tous les ministres, même quand c'est lui qui a composé tout seul son gouvernement ? C'est la modernité, c'est l'efficacité.

Est-ce imaginable, aujourd'hui, que l'Assemblée vote la non-confiance au gouvernement ? Et même si elle le faisait, (et c'est peut-être là le plus grave), imagine-t-on que cela aurait un impact quelconque sur la politique gouvernementale, puisque celle-ci est décidée par l'Elysée ? Avec l'effacement du gouvernement, un autre contre-pouvoir parlementaire disparaît.

Et la réponse sera toujours : oui, c'est terrible, voilà pourquoi il faut réformer nos institutions, les présidentialiser. Mais pour quoi faire ? Fillon croit-il qu'il faille limiter les pouvoirs du président? Non, visiblement. Alors, sa VIe république, sa vraie VIe république, c'est maintenant. Le projet d'une réforme n'est qu'un bouclier politique pour renvoyer toute critique dans les brouillards d'une politique-fiction dont l'unique raison d'être est de défendre et légitimer et rendre permanent le rapport de forces en place en ce moment.

La VIe République : c'est l'intention qui compte...

4 juillet 2007

A lire

Des détails intéressants sur cette fameuse Commission des Finances à l'Assemblée, dont l'UMP fait si gracieusement don de la présidence à la misérable opposition.

Et pendant que vous êtes chez Cent idées pour..., jetez un coup d'oeil sur le billet suivant.

La résistance est possible : Cécilia rend sa carte!

C'est dans le Figaro.

Certaines victoires sont vraiment petites. Mais cette retraite stratégique montre, une nouvelle fois, le désir du pouvoir Sarkozyen de ne pas laisser l'attention des téléspectateurs se figer sur des symboles forts. La carte bancaire qui puisait directement dans les caisses de l'Etat, c'était un symbole très fort.

Fillon milite pour la disparition de son poste

Si je résume ce que j'ai compris de la com' associée au grand discours de notre Premier Ministre, je me retrouve avec ce qui suit:

  1. C'est faux que je n'existe pas ou que je ne sers à rien.
  2. La preuve, je vais proposer une grande réforme radicale qui ne fait pas partie des thèmes du TGH.
  3. Je propose de passer à un régime présidentiel, à l'Américaine, pour que les structures de notre Etat correspondent à la réalité politique.
  4. Ainsi, le poste que j'occupe disparaîtrait.

3 juillet 2007

Le MoDem, pas si confiant

Olivier Bonnet n'avait pas tout à fait raison, mais pas tout à fait tort. Le Modem n'a pas voté la confiance au gouvernement Fillon, mais le Modem n'a pas voté contre non plus. Le Modem s'abstient. Pour reprendre ce que disait OB : Bayrou a trouvé comment être encore plus « le cul entre deux chaises » : l'abstention.

Bon.

Le MoDem n'est pas donc un parti parlémentaire, même si son chef voudrait réhabiliter le Parlément. Ils ont des députés parce qu'il faut, parce que ça fait bien, parce qu'il faut bien s'occuper pendant cinq ans.

Je sais que François Bayrou ne veut pas être dans l'opposition, rejette l'idée d'être de droite ou de gauche, etc. Je sais.

Il y a pourtant un problème avec leur abstention aujourd'hui. Comment peut-on, lorsqu'on est un parti à l'Assemblée nationale, n'avoir ni confiance, ni « pas de confiance » ? Comment le Modem peut-il, logiquement, ne pas être concerné par ce vote ? Bayrou dit qu'il faut laisser sa chance au gouvernement. Olivier Bonnet avait raison de penser que cela voulait dire qu'ils allaient voter la confiance. A vrai dire, le gouvernement aurait pris sa chance, même avec quatre voix de plus contre lui.

Tout simplement, je ne sais pas ce que veut dire une abstention à un vote de confiance. L'abstention n'exprime même pas le « ni-ni ». Dans un vrai « ni-ni », on vote contre la confiance, et puis quand c'est l'autre bord qui est au pouvoir, on vote contre aussi. Négation des deux côtés.

S'abstenir dans ce cas, c'est la seule solution que je vois pour comprendre, veut dire qu'en réalité le MoDem s'abstient globalement, s'abstient de l'Assemblée en général. Après tout, c'est compréhensible, quand on sait à quoi sert l'Assemblée.