14 juillet 2007

Comment ne pas réagir à l'ouverture

Quand j'avais écrit ce billet sur la politique dite d'ouverture de notre Très Grand Sarkozy (TGS), je n'avais pas encore lu ce Rebond d'Alain Duhamel. Curieusement, Monsieur Duhamel n'a pas réussi à me faire changer d'avis, même s'il semblerait que nous sommes -- encore plus curieux! -- d'accord sur un point.

L'autre jour, donc, je disais qu'en se peignant en victime de l'ouverture sarkozÿenne, le PS ne faisait que confirmer l'idée selon laquelle Sarkozy réussissait son coup, qu'il affaiblissait vraiment le PS. En somme, l'ouverture atteint le PS seulement dans la mesure où le PS se comporte en victime. De même, Duhamel écrit:

En fait, le PS, vigoureusement bousculé, a réagi en victime ou plutôt en vaincu au lieu de se comporter en opposant revigoré et décomplexé.

Mais, dans ce cas, que faire? Certainement pas ceci:

Le PS n'a pas trouvé la bonne réplique. Il a réagi avec aigreur à la nomination de Bernard Kouchner, de Jean- Pierre Jouyet, de Martin Hirsch et d'Eric Besson. Il aurait mieux fait de se féliciter bruyamment du recrutement d'Eric Besson par celui-là même qu'il accablait dans un libelle encore récent. Il aurait dû souhaiter sincèrement bonne chance à Martin Hirsch qui ne cherche pas à faire carrière et ne prend en compte que l'intérêt des plus démunis. Il aurait eu plus de classe et de panache en annonçant que Bernard Kouchner et Jean-Pierre Jouyet seraient jugés à l'empreinte qu'ils laisseront, à leur influence réelle sur la politique gouvernementale plutôt qu'en les désignant à la vindicte populaire avec des mines de dévots offusqués.

Le problème avec l'ouverture -- et ce pourquoi c'est une stratégie parfaitement diabolique pour la gauche --, c'est que l'idée est si profondément ancrée dans des bons sentiments (qui peut être contre l'ouverture?), ces mêmes sentiments que François Bayrou et même Ségolène Royal avaient mis au goût du jour pendant la campagne, les téléspectateurs ne faisant pas la distinction entre des grands accords politiques et la chasse aux têtes que pratique Sarkozy, même si une partie de ces téléspectateurs apprécient l'image de Sarkozy en chasseur, justement. Le piège est fait de cette ambiguïté : critiquer l'ouverture revient à se montrer mesquin, politicien, petit. Mais l'accpeter, c'est malgré tout donner le beau rôle à Sarkozy, l'Empereur Magnanime avec ses ennemis vaincus.

La réaction que propose Duhamel, c'est-à-dire laisser partir les socialistes à la soupe avec une petite pique d'ironie, aurait effectivement validé la politique d'ouverture de Sarkozy, et lui en aurait donné absolument tous les bénéfices, sans aucune retombée positive pour le PS.

Pire encore, en ne disant rien, ou si peu, le PS laissait installer cet univers UMP, où même la distinction droite-gauche n'a plus de sens, car les gens "compétents" travaillent ensemble dans la paix et la fraternité. L'opposition aurait bel et bien besoin d'un "statut" dans ce cas. Avec une résistance farouche à "l'ouverture", le PS à au moins sauvé quelques meubles, dont sa crédibilité en tant qu'opposition, ce qui n'est pas rien.

Et pourtant, le PS reste dans le piège, dans le rôle de la victime abattue et en désarroi, ennemi, de surcroît, de l'ouverture.

Le problème, c'est que l'ouverture n'est que l'un des rouages dans la mécanique sarkozyste du pouvoir, dans ce système où tout est soumis à la communication, et où tout le vrai pouvoir est centralisé dans quelques bureaux de l'Elysée. J'en ai parlé hier. Le gouvernement, ces postes de toutes les convoitises, n'ont désormais qu'une fonction de parade, ou, éventuellement, de trasmission : relayer les ordres venus de plus haut, en donnant l'illusion (en laquelle il n'y a plus grand monde à croire) d'un fonctionnement démocratique plus ou moins ordinaire. Déjà que les transfuges occupent des postes peu politiques et loin des grands thèmes et des pilliers essentiels du pouvoir du TGS, mais même les ministres UMP pur sang, n'ont en réalité que des marges de manoeuvres très étroites.

Le PS avait raison de sentir que l'ouverture n'avait de valeur qu'en termes d'image. La seule réponse véritable, ce serait de démonter l'intégralité du système de com' du Président. Ce qui ne sera pas facile. C'est très difficile de mettre ensemble tous les morceaux, et de communiquer, via des médias eux-mêmes complices, cette image du pouvoir sarkozÿen. En attendant de pouvoir le faire, il faut éviter d'en devenir soi-même un rouage.

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