7 février 2008

Jouer perso : Sarkozy, le Tchad et la pipolisation

Nicolas J. a raison d'insister sur le fait que la dégringolade de Sarkozy dans les sondages n'est pas due à sa liaison avec Carla Bruni, mais qu'elle est bien politique. Tout expliquer par l'effet de la pipolisation revient, finalement, à excuser la politique en minimisant son importance, pour, encore une fois, concentrer toute notre attention sur la vie privée du Très Grand Homme (TGH) et, peut-être plus encore, sur sa capacité à communiquer, voire à manipuler l'information. Pour dire, en somme : Sarkozy fait tout bien, mais il s'est planté avec son marriage. Merci, donc, à Nicolas (J., pas S.) de mettre les points sur les i : la chute, elle est politique. Point.

Ce qui ne veut pas dire que l'énervement suscité par la surexposition de la vie privée n'ait pas eu l'effet de cristalliser l'opinion contre lui. Une grande partie du succès électoral de Nicolas Sarkozy était due à sa capacité d'incarner pour chacun de ses électeurs (je suppose, ou presque) Celui qui pourrait tout remettre comme il faut dans ce beau pays. Sa personnalité politique a donc beaucoup joué, voilà qu'elle est abîmée, bousillée après huit mois. La bulle spéculative sarkozyste vient de se dégonfler.

Mais concrètement, pourquoi la peoplisation à la sauce sarkozyste est-elle néfaste? Les récents événements au Tchad fournissent une démonstration que je trouve assez spectaculaire. Hier, Juan a publié un billet très fort sur le rôle de la France au Tchad, avec cette perle:

"Chacun doit bien y réfléchir, il faut laisser le gouvernement légitime faire son travail" a-t-il [le TGH] déclaré en condamnant l'attaque rebelle.

On dirait même que c'est un gouvernement qui se lève tôt pour faire son boulot. Pas de fainéants dans le gouvernement de Deby!

Les rebelles accusent la France d'être intervenu militairement et de façon offensive:

Le principal chef de la rébellion tchadienne, le général Mahamat Nouri, a affirmé mardi que l'aviation française avait "bombardé" les positions des rebelles pour protéger le régime du président Idriss Deby Itno.

"L'aviation nous a bombardés depuis hier matin jusqu'à ce matin une heure du matin", a affirmé le général Nouri sur Europe 1.

Je n'ai aucune idée s'il faut croire les rebelles. Admettons, pour l'instant en tout cas, que ce qu'ils affirment est faux et que l'aviation française n'est pas intervenue de la sorte. Il s'agirait alors de simple propagande.

Le problème créé par Sarkozy, c'est que son intervention éclair pour sauver les hôtesses de l'air et les journalistes arrêtés en même temps que les Arche de Zoé, qui laissait supposer un arrangement quelconque entre les deux chefs d'état, rend beaucoup plus crédible le récit des rebelles.

En voulant agir directement, prendre les choses en main, Sarkozy a sûrement renforcer son image et peut-être sa popularité dans l'immédiat. Le prix de cette envie d'être à la fois Président, Roi, sex-symbol et super-héros, ce sont des situations comme celle-ci. Au long terme, sa crédibilité s'évapore, on encore il crée des situations diplomatiques inextricables et beaucoup plus graves.

Finalement, la personnalisation de la politique se heurte à un problème : être Président de la R., c'est malgré tout représenter un collectif. Jouer perso est une stratégie qui a des limites de toutes sortes.

UPDATE: Je suis un peu en retard sur l'info. Le fait que Deby maintenant cherche à grâcier les Arche de Zoé devrait nous dire quelque chose sur le contenu de sa discussion avec Sarkozy au mois de novembre.

3 commentaires:

Juan a dit…

je vais cesser de te remercier pour les citations car cela va devenir louche. Je suis débordé par l'actu.
Le déroulement des affaires tchadiennes me semblent surprenant. Sans être parano à l'extrême (quoique), les hommes politiques français ont des expressions terrifiantes. et sur place, on parle de morts, de disparus, de guerre.

Nicolas Jégou a dit…

Juan,

o16o serait-il amoureux de nous en secret ?

Anonyme a dit…

De l'Arche de Zoé, on se retrouve en pleine guerre civile avec la France en soutien du régime.
Il me semble que la question serait de savoir depuis quand est géré ce dossier par les conseillers des ministères...
:-)