28 novembre 2008

La guerre contre les sachants

Nicolas Sarkozy n'aime pas les "sachants". Juan a le clip d'un TGH triomphant. C'était au mois de mai. Les derniers chiffres sur la croissance et le chômage étaient légèrement moins mauvais que prévus. Sarkozy s'exulte et s'en prend au "sachants".

"Je le dis à tous ceux qui m'expliquaient que tout était foutu et qu'on serait à moins de 2%", lance le président. "2,2% je ne m'en satisfais pas, il n'y a pas que quoi faire de l'autosatisfaction. Mais enfin, à tous ceux qui, à longueur d'articles et de commentaires, expliquaient que rien n'était possible, j'envoie ce chiffre", ajoute-t-il.

[...]

Dans sa démonstration, Nicolas Sarkozy ne s'est pas privé de dénoncer "le consensus des économistes, ceux qu'on appelle des sachants", en évoquant les chiffres de la croissance au premier trimestre 2008. "Il disaient que ça serait 0,3%, circulez il n'y a plus rien à voir. On a eu 0,64%", a-t-il relevé.

C'était seulement quelques mois avant qu'il ne se rende compte, avec quand même du retard sur certains des sachants, qu'il vivait alors les derniers jours d'une bulle dont l'éclatement allait faire de lui le grand critique des abus du capitalisme financier. Il avait raison d'en profiter pour pavaner un peu, lui qui aime tant pavaner.

Si je parle de cette journée à Melun, c'est à cause de ce mot : "sachants". Sarkozy s'en prend aux sachants. Les sachants étaient pessimistes, le Très Grand Homme avec son énergie légendaire et son Paquet invincible pensait avoir établi sa supériorité. L'ennemi, ce sont les sachants. Et j'en viens à la question du jour : pourquoi Sarkozy s'en prend-t-il à la recherche ?

Sous Raffarin, Les Inrockuptibles avait lancé une pétition pour dénoncer la "guerre contre l'intelligence". C'était un peu prétentieux, mais l'analyse n'était pas si erronée : la droite "décomplexée" reconnaît avoir perdu la guerre de la culture. Cette méfiance, inaugurée avec Raffarin, devient une déferlante avec Sarkozy, l'ennemi juré de la Princesse de Clèves (voir ici également). On n'imagine pas chez le TGH une passion pour quelque chose comme l'art japonais. La culture se limite à la télé, et encore.

Mais la recherche, c'est quand même pas pareil que les Scènes Nationales. La recherche, c'est censé être utile. Elle est même censée être une source de richesse pour un pays. Nicolas Sarkozy a même dit : "Si la France gagne la bataille de la recherche, elle gagnera la bataille de la croissance et la bataille de l'emploi". Alors pourquoi tant de haine ? Pourquoi obliger les chercheurs à descendre dans la rue, alors que ce sont justement eux qui devraient être les fantassins dans la "bataille de la recherche". Faut-il gagner la guerre contre les chercheurs pour ne pas perdre la bataille de la recherche ?

Si on regarde ce que les chercheurs reprochent à la réforme, on relève, entre autres, ceci :

Ils s'opposent notamment: [...]

à une modulation des services qui se traduira par un alourdissement des services d'enseignement pour la plupart des enseignants chercheurs

à la dépossession du CNU de tout rôle de gestion nationale des carrières des enseignants chercheurs (promotions, congés sabbatiques).

Autrement dit, on précarise les chercheurs et on leur enlève leur autonomie.

Par ailleurs, on voit qu'il s'agit de soumettre les chercheurs non seulement au "pilotage" gouvernemental mais aux lois du marché. Et on ne crée aucun poste :

Le projet de budget 2008 prévoit 6 millions d'euros supplémentaires (moins que l'inflation) pour la recherche universitaire, et aucun emploi nouveau permettant de favoriser l'activité de recherche, d'améliorer l'encadrement pédagogique et de faire face aux nouvelles missions dévolues à l'enseignement supérieur (orientation, professionnalisation).

Le but est visiblement de dompter les chercheurs, les gérer comme on gère le personnel d'un hypermarché, en essayant d'en sortir le maximum de bénéfices ou moindre coût : précarisation, concurrence, perte d'autonomie, absence de postes. Que des nouveautés pour endiguer la fameuse fuite des jeunes cerveaux ! Comme si le problème véritable était la paresse des enseignants-chercheurs. Or, je ne sais pas s'il y a une catégorie professionnelle où l'on se met, tout seul, autant la pression, où l'on passe autant d'heures "sup'" le soir devant son ordinateur, où il y a autant de concurrence pour si peu de gain personnel. Mais le pouvoir se méfie de l'intelligence, de l'autonomie. Le pouvoir préfère le pouvoir, la mise sous tutelle. Le pouvoir préfère affaiblir ses interlocuteurs plutôt que de les renforcer.

Il faut écraser les sachants. Tant pis pour la recherche après tout.

26 novembre 2008

Malaise

Martine Aubry est "élue" au poste de Première Secretaire ; la foire médiatique arrive à sa fin.

J'éprouve un étrange malaise, en tant que blogueur de gauche, blogueur d'opposition au sarkozysme triomphant. Permettez-moi quelques lignes de nombrilisme.

Au départ je pensais que le rôle des blogs politiques de gauche serait de seconder le PS dans sa lutte contre le sarkozyzme. Je constate maintenant combien j'étais naïf. Après une première année passée dans la critique quotidienne du Très Grand Homme (TGH), il m'est apparu que, dans cette Vème République quinquenassée où l'opposition n'a en général pas mieux à faire que de se quereller de toute façon, l'opposition des mots n'était utile qu'en présence d'une véritable et viable opposition politique.

C'est à partir de ce moment-là que j'ai commencé à essayer de réfléchir, avec une forte dose de naïveté, sur ce que pouvait être une pensée de gauche un peu renouvellée. Depuis la désignation de Martine Aubry hier soir, je suis un coupé dans mon élan. Pas envie d'être une opposition à l'intérieur de l'opposition. Ce n'est pas la peine de tirer sur sa propre ambulance. Pas envie de simplement rallier cet appareil, la machine, que je fustige depuis longtemps. Pas envie de rejoindre le jospinisme qui a réussi à se survivre encore. François Hollande va nous manquer, parce qu'au moins avec lui rien ne se passait, on pouvait donc tout espérer.

Alors qu'est-ce qu'il faut faire ? Le traître anti-aubryste parmi les socialo-traîtres ? Je ne sais pas encore. D'où le malaise. Je sais seulement que cette designation me pousse vers un nouveau virage. Vers des réflexions un peu plus détachées du PS, vers une sorte de gauchitude plus abstraite. Peut-être. Je réfléchis.

25 novembre 2008

Rage against the machine

AFP :

"Il y aura une première secrétaire mardi soir, un nouveau vote est exclu", prédisait un haut responsable du Parti pour qui la décision sera "politique". Il ne se prononçait cependant pas sur l'issue de l'épreuve de force engagée par les royalistes. (C'est moi qui souligne, o16o.)

Chouette. Bravo le PS. La décision sera "politique".

J'espère que ces "responsables" mesurent les conséquences de ce qu'ils sont en train de fabriquer. Et la première victime sera Martine Aubry. Un doute permanent planera sur sa légitimité. Et elle sera plus que jamais reconnue comme une femme d'appareil, la représentante et le symbole d'une machine politique aux méthodes douteuse.

Seconde victime collatérale : le PS dans son affrontement avec la droite. Préparons-nous à des moqueries incessantes : qui êtes-vous, pauvre imbécile socialiste, à venir nous faire des leçons, alors que vous n'êtes pas capables de faire une simple élection chez vous ? L'argument fonctionne à toutes les sauces imaginables, dès que la moindre question morale se présentera.

Je suis sûr que Lefebvre a déjà une équipe au travail pour développer l'argumentaire. J'imagine Brice Hortefeux qui s'entraîne déjà à l'utiliser par écrit, à la radio et à la télé.

Pire encore, les militants PS seront une nouvelle fois les victimes de leurs instances. Et là je ne parle pas d'une moitié ou de l'autre, mais de tous. Si notre "haut responsable du Parti" a raison, et que la décision sera en fait "politique", ce sont tous les militants qui auront été privés de leur voix, puisque finalement aucune voix n'aura compté.

Martine Aubry sera donc une première secretaire affaiblie. Et elle aura à gérer la colère des militants que l'on n'aura pas écoutés. La rage contre la machine en est sans doute à ses débuts...

(La lecture de ce document devrait faire rager d'ailleurs tout le monde.)

23 novembre 2008

La démocratie n'est pas légère

La démocratie n'est pas quelque chose de légère. C'est tout ou rien.

Et l'UMP ?

En cette période trouble, on lit à peu près partout que l'UMP se délecte, se gausse. Lefèbvre sort un communiqué à peu près toutes les heures. On ne va pas leur en vouloir, c'est même le cadet des soucis de la gauche.

J'aimerais pourtant voir une vraie élection à l'UMP. Car quand ils veulent, nos responsables de droite sont assez forts pour le crêpage de chignon et autres méchancetés. Quand on dit que c'est la droite qui a dénoncé le HLM parisien de Juppé pendant qu'il était premier ministre...

Donc une vraie élection à l'UMP, Devedjian contre Copé, par exemple. Pas un vote soviétique :

En novembre 2004, Nicolas Sarkozy avait été élu président de l'UMP avec 85,1% des voix, contre 9,10% au député souverainiste de l'Essonne Nicolas Dupont-Aigna et 5,82% à la député des Yvelines Christine Boutin.

Ou encore Sarkozy désigné candidat avec 98,1 % des suffrages. Voilà qui est beau, qui est fort. 50%, c'est un score de gonzesse. 98,1% c'est la démocratie en marche.

Le problème

Le problème, c'est que la démocratie ne se résume pas à glisser un bout de papier dans l'urne. Il faut aussi une certaine culture, des institutions.

Personne ne semble contester le fait qu'au PS, il n'y a pas si longtemps, les pratiques n'étaient pas particulièrement démocratiques. Sans parler du non-respect fabiusien du vote sur le TCE, les pratiques électorales suivaient en général les rapports de force plutôt féodaux. Les militants étaient là pour donner une légitimité à des décisions prises par les seigneurs.

Cette fois-ci, ce n'est pas pareil. Comme pour la designation de la candidate de 2007, vendredi soir le choix était vraiment laissé aux militants. En soi, vu de loin, c'est une très bonne chose. Un progrès. De l'avance sur l'UMP.

Seulement, par malheur, le vote est très serré. Bien trop, car nous arrivons aux limites de la précision électorale dont le PS est capable. C'est sûr qu'à 98,1 %, on peut oublier une section ou deux. A 42 voix, une pression énorme est mise sur chaque acte de chaque responsable dans le décompte du scrutin de vendredi soir. La machine n'est pas assez fiable, tout simplement. Jamais dans l'histoire du PS il n'a été nécessaire d'avoir une précision à la centième d'un pourcent.

Et là je ne parle que des "erreurs". Car l'autre problème avec la démocratie, ce que l'on constate dans les "démocraties émergentes" (catégorie dans laquelle il faudrait désormais inclure le PS), c'est qu'il est compliqué de protéger le processus des intérêts des uns et des autres. Ceux qui organisent l'élection ont des intérêts quant à l'issue. Le soupçon n'est jamais très loin.

Ainsi, quand on commence à être démocratique, il faut l'être jusqu'au bout. Il faut compter toutes les voix, il faut être rigoureux.

Pourquoi il est important d'avoir une vraie élection et pourquoi l'unité n'est pas tout ce qu'on dit

Il faut compter toutes les voix. Et il faut respecter le resultat. Il suffit d'une majorité d'une voix. Si toutes les parties sont confiantes que la voix qui sépare les deux camps est en réalité une voix. Sans cette confiance, tout est au mieux aléatoire, au pire truqué.

On entend beaucoup de cris en faveur du rassemblement, de l'unité. Allez, il faut oublier tout ça et commencer à bosser ensemble. Il faut protéger l'image du PS. Mais cette image est en lambeaux. Aujourd'hui il n'y a pas grand'chose à sauver en termes d'image de marque.

Depuis des années on fustige les synthèses molles à la François Hollande. L'unité que l'on nous propose aujourd'hui serait la plus molle de toutes, l'unité fabriquée dans une crise bien plus grave que le désaccord sur le TCE au Mans. Une synthèse paralysée, paralysante. Non, il faut une victoire et une défaite. Il faut une certaine clarté pour sortir de la confusion actuelle.

Car le niveau de colère produit par les récents évenements ne s'explique pas par une simple préférence de personnes. Depuis longtemps, on dit sans cesse : "au PS, il n'y a plus de débat d'idées, seulement des guerres de personnes". Si ce n'est pas entièrement faux, le vote de vendredi soir et les émotions qu'il a produites montrent à quel point nous sommes à un moment décisif, devant un choix entre deux façons de concevoir la politique et la gauche. Même les socialistes ne s'énervent pas autant pour une différence de coupe de cheveux ou couleur de tailleur. Une question de style ? Oui, mais le style est important, le style est fondamental, le style n'est pas léger.

Aujourd'hui la synthèse est impossible. Il est impossible de "se remettre au travail" puisque personne n'est en mesure de déterminer comment ou vers quoi exactement il faut travailler.

Il est essentiel de trancher. Il est tout aussi essentiel de que la décision prise cette semaine soit légitime et authentique. Chaque heure, ou presque, apporte son lot de nouvelles abérrations électorales. Nous ne pourrons pas reconstruire, même avec des techniques chirurgicales très avancées, le vote d'hier en rajoutant ici et en retranchant là. Il faut donc un vrai vote.

Tant pis si l'UMP rigole. Leur tour viendra un jour.

22 novembre 2008

42 voix

Sur l'issue du vote au PS, lisez Marc Vasseur.

Si j'étais socialiste je ne serais pas fier.

Mais je ne suis pas fier de ne pas être socialiste. A supposer que mon vote aurait compté...

21 novembre 2008

Avec le changement les choses sont différentes

Ce matin Nicolas J. (qui n'aime pas beaucoup Ségolène Royal... je crois qu'il ne m'en voudra pas de le dire ainsi), regrettait son score à peu près correct dans le vote d'hier soir :

je suis déçu car c'est une certaine idée de la gauche que j'avais en moi qui disparaît.

Une certaine idée de la gauche...

Je comprends le sentiment même si je ne le partage pas. (Son blog ne s'appelle pas "partageons mes sentiments" après tout.) Personne ne peut dire exactement ce que cela signifie d'être à gauche, de gauche, et pourtant nous avons chacun une certaine idée. Ou plutôt un ensemble assez vague d'idées, de souvenirs, de valeurs, de références historiques (Jaurès n'aurait jamais dit ça...).

Notre idée de la gauche est quelque chose d'assez flou, nécessairement. C'est tout juste ce qu'il faut pour s'y reconnaître.

Pourtant, depuis des années, et surtout depuis deux ans, il y a comme une évidence : il faut changer les choses au PS. A un moment je n'en pouvais plus d'entendre parler d'un "changement de logiciel". Même Martine Aubry promet de tout rénover (mais en gardant la même équipe). Il semble essentiel d'arrêter de perdre les élections nationales. Et voilà : le socialisme dans lequel depuis longtemps on a pris l'habitude de se reconnaître, en y croyant quand même, s'avère incapable de gagner des élections autres que locales. Certaines des analyses de la gauche ne sont plus pertinentes depuis la fin des Trente Glorieuses. Le consensus est qu'il n'est pas prudent de continuer comme ça.

Le problème avec le changement, c'est que ça change. Quand on change quelque chose, après ce n'est plus pareil. On risque de ne pas s'y reconnaître au début. Pire encore, avec le changement, on sait ce qu'on perd mais on ne sait pas ce qu'on gagne.

Si on ne se reconnaît pas, socialistiquement parlant, en Ségolène Royal, c'est qu'elle représente un vrai changement. Avec les risques que cela représente. Mais si elle paraissait aujourd'hui parfaitement à gauche, au sens où l'on entend la gauche depuis quinze ou vingt ans, c'est qu'elle n'aurait qu'un plat réchauffé à proposer.

Il n'y a plus le temps de tout développer, mais je reste persuadé que le champ d'action de l'État (de gauche) et les moyens d'intervention dont disposerait un État aux intentions gauchisantes vont se modifier profondément dans les années à venir, vers un modèle bien moins centralisé et étatiste. C'est en modifiant les paramètres des acteurs économiques, notamment les entreprises, qu'une véritable politique sociale pourrait voir le jour. Cette gauche là ne va pas ressembler, à à la surface en tout cas, celle que nous avons connue.

Et c'est pour cette raison que je souhaite que les militants socialistes choisiront Ségolène Royal ce soir, contre une pensée et une pratique du socialisme qui ne sont plus d'actualité.

20 novembre 2008

Tiercé

Le Congrès était loupé, et moi j'ai loupé le Congrès. Hormis le premier soir, je n'ai pas pu le suivre du tout. Un peu frustrant ce sentiment de ne pas avoir vécu, fût-ce de loin et à travers les témoignages et analyses, lus après coup, des Left_blogueurs intrépides qui ont fait le voyage.

Ce soir les militants socialistes vont encore une fois voter et si j'ai bien compris, ils auront sans doute à voter une nouvelle fois si aucun candidat ne dépasse les 50%. Des mauvaises langues s'élèvent déjà pour dire que quelle que soit le choix des militants, aucune des deux premières secretaires potentielles ne sera légitime, et l'on nous promet encore des années de chamailleries.

Reveillez-moi en 2022. Ou pourra-t-on encore entendre des anciens au bistrot en train de dire : "... mais le vote dans les Bouches du Rhône..." ou encore : "ce n'était rien à côté du vote au canon dans la fédé du Nord" ?

Le triste spectacle de ce congrès me fait penser à une institution qui essaie de ne pas changer, qui est prêt à tout pour éviter de changer. L'alliance fabiuso-DSKïste derrière Martine Aubry montre à quel point ce ne sont plus du tout les idées, les courants, les théories du social-ci ou de l'économique-ça, ou même le positionnement plutôt à gauche-gauche ou plutôt à gauche-droite qui déterminent les alliances. Tout simplement, un clan, un caste fait de la résistance.

Enfin, pas seulement. Pas seulement un clan, mais un ensemble d'idées, une certaine culture de groupe, qui n'ont rien de détestable, mais qui ont contribué à maintenir le PS dans la situation où elle se trouve.

Juan nous demande de donner notre "tiercé" pour le vote de ce soir. C'est facile :

  1. Ségolène Royal. Elle n'est pas forcément la femme providentielle, mais elle est la seule qui bascule véritablement les choses. C'est pour cette raison que la carpe socialiste et le lapin social-démocrate se liguent contre elle.
  2. Benoît Hamon. Il représent malgré tout une nouvelle génération, son élection aurait une bonne influence sur le parti. A condition qu'Hamon résiste à sa récupération par les éléphants encore trop puissants. Sur le plan idéologique, il est regrettable en revanche qu'il ne fait qu'occuper un créneau néo-fabusien qui n'apporte rien de neuf.
  3. Martine Aubry. Loin derrière les deux autres, Aubry représente la survie du jospinisme, le maintien au pouvoir des mêmes, toujours les mêmes. Son ancrage à gauche se résume à dire que le PS continuera à faire comme il a toujours fait. Plus encore que feu Bertrand Delanoë, Aubry représente à mes yeux le système en place.

Et voilà. Faute de placer un bulletin dans l'urne, j'aurai rempli mes cases PMU.

14 novembre 2008

Marché du travail (2) : désordre dynamique

Avant hier, j'ai commencé à parler du travail, en mettant un petit "(1)" à côté du titre, comme si j'allais revenir. Autant dire les choses tout de suite : j'ai le sentiment que la question du rapport capital-profit-travail va être, ou devrait être, l'une des grosses questions socialistes des années à venir.

Je ne veux pas dire pour autant que c'est ainsi qu'il faille poser la question, avec ces mots : "capital", "profit", "travail", mais en tout cas c'est avec eux que nous commençons à comprendre le problème.

En néophyte je suis en train de lire Adam Smith, La Richesse des nations, l'origine de la fameuse "main invisible". Il paraît que ce sont les les néo-classiques qui ont fait de cette main celle du libéralisme bienfaisant, le chaos économique devant être magiquement bénéfique à tous. Smith lui-même ne l'aurait utilisé trois fois dans toute son oeuvre. Ce qui ne m'étonne pas beaucoup : Smith me paraît étrangement conscient des souffrances des uns et des autres. Quand il parle des écossaises qui mettent une vingtaine d'enfants au monde pour en voir deux atteindre l'âge adulte, et qu'il y voit une conséquence du marché du travail, on se dit qu'il n'est pas si optimiste sur les intentions de la Main qu'il a inventée. On était en 1776 quand même.

Mais ce qui est intéressant chez Smith, et là malheureusement je n'ai pas le bouquin sous la main pour donner des citations, c'est que son analyse de la rémunération du travail insiste bien sur le fait que c'est un marché, et qu'un salaire ne reflète pas nécessairement la valeur produite par le travail du salarié, mais simplement ce que cela coûte d'acheter ce travail sur le marché, ce que cela coûte pour trouver quelqu'un pour faire tel ou tel travail. Et ainsi, la valeur du travail n'est pas directement liée à la valeur de ce que le travail produit. Naturellement, l'employeur a tout intérêt à payer le moins possible.

C'est en lisant cette représentation assez simple du marché du travail que j'ai compris, soudain, que m'est apparue comme une supercherie l'idée selon laquelle une augmentation de la productivité est la condition nécessaire pour une hausse des salaires. Si l'augmentation ne transforme pas le marché du travail, elle n'aura d'effet que sur les profits, l'intérêt de l'employeur étant encore une fois de payer le moins cher.

Qu'est-ce qui détermine la nature du marché du travail ? Par exemple, si on ne paie pas ses ouvriers assez pour qu'ils puissent se reproduire (voir plus haut l'exemple des mères écossaises), leur nombre diminuera, ce qui rendra plus cher leur travail, entraînant une hausse de leur rémunération, un taux de survie un peu plus élevé, mais pas trop.

Plus intéressante encore, est la relation entre le caractère statique ou dynamique d'une économie et la valeur du travail. Dans une économie très statique comme celle de l'Angleterre du XVIIe siècle, même si beaucoup de richesse est produite, les salaires sont assez bas par comparaison avec les colonies de l'Amérique du Nord, où l'expansion économique permanente crée une demande sans cesse croissante de main d'oeuvre avec une augmentation spectaculaire des rémunérations.

Quand je réinterpréte tout cela dans des termes qui me sont familiers, il me semble que le risque pour l'emploi, c'est le figement des structures de l'économie. Une économie dominée par des grosses entreprises, toujours les mêmes, toujours à la recherche d'économies par la réduction du nombre de postes, se fige. Même si des richesses sont produites, le marché du travail ne sera pas favorables aux salariés.

L'une des solutions au problème c'est bien sûr le syndicalisme. On objectera que la Main Invisible n'aime pas le syndicalisme, qui pourrait fausser la libre concurrence. Curieusement, Adam Smith fait remarquer que les arrangements entre patrons sont bien réels et que, en 1776, personne n'en parlait, tandis que toute forme de syndicalisme était interdite.

Plus profondément, il me semble qu'au moins une partie de la solution est dans l'organisation de l'économie. Je me place à nouveau du côté des petites structures : les PME contre les grands groupes, les logiques de proximité contre la centralisation capitaliste. Dans une économie où les initiatives de plus faible échelle ont leur chance, on peut espérer retrouver un marché de travail en mutation permanente.

C'est là où l'on pourrait espérer des innovations de la part du Parti Socialiste. La concentration du pouvoir économique n'est pas favorable au salarié. Un peu de désordre innovant pourrait être propice.

9 novembre 2008

Le marché du travail (1)

Avec chaque nouveau plan social qui se présente, avec chaque série de licenciements, ceux qui ont soutenu Nicolas Sarkozy en 2007 doivent se demander comment il est possible qu'en ce temps de crise, le nombre de fainéants et d'assistés augmente, alors que justement la pauvreté et la précarité généralisées devraient leur donner plutôt envie de se lever tôt et de bosser dur.

Etrange comment le rétrecissement du marché du travail va de paire avec une expansion de la fainéantise. C'est de la psychologie économique. Il faudrait créer une nouvelle branche de la science pour expliquer comment l'envie de rester dormir le matin est motivée par d'obscures réalités économiques. C'est peut-être un peu comme la relation entre les planètes et la vie des hommes...

Il me faudrait une rubrique qui s'appelerait Qu'on m'explique... Voici ma première question : lorsqu'il n'y pas assez de postes à pourvoir pour tout le monde, quel intérêt y a-t-il à rendre tel ou tel groupe plus compétitif, les jeunes, les seniors...? N'est-ce pas simplement pour prendre des postes à d'autres ? Je comprends l'intérêt de rendre plus compétitifs ceux qui sont les plus exposés à l'exclusion. Mais la formation, ou même les coups de pieds aux fesses ne peuvent jamais être une solution globale, lorsque ce sont simplement des postes qui manquent. Je pense que l'idée fondamentalement sarkozyste selon laquelle c'est le travail qui crée le travail va être mise à rude épreuve. Par contre, le chômage qui crée le chômage, peut-être.

7 novembre 2008

Sur l'abstention des militants PS

Très brièvement... Dans son billet sur le vote des militants, Nicolas soulignait le fait que seulement 55% des militants s'étaient exprimés, ce qui a l'air d'être un score bien tristounet. Et Nicolas peut ainsi dire :

on se retrouve avec 85% des membres d'un parti politique qui n'ont pas soutenu la ligne maintenant présentée comme majoritaire !

Je ne vais pas prétendre être un expert sur le fonctionnement interne du PS, mais je viens de tomber sur ce Tchatte au Monde où le journaliste interrogé explique :

Lors du congrès du Mans, le taux de participation était bien supérieur puisqu'il était de l'ordre de 80 %. Toutefois, il faut prendre en considération le fait que ce taux de 55 % se rapporte aux membres du PS qui avaient la possibilité de reprendre leur carte au dernier moment. Or, parmi cette population, on compte un grand nombre d'anciens adhérents à 20 euros qui, pour certains d'entre eux, n'ont fait que passer et qui se sont depuis longtemps déjà éloignés du PS. Il faut donc relativiser ce taux de 55 %, mais il ne faut pas non plus le passer par pertes et profits. D'ailleurs, tous les dirigeants du PS considèrent que c'est un niveau de participation qui est préoccupant et qui est le signe d'un malaise des socialistes.

Les 55% correspondent donc à l'ensemble des votants possibles, y compris ceux qui ont laissé tomber définitivement le PS et n'auraient jamais voté de toute façon, surtout ceux qui étaient entrés à 20 euros et qui n'ont pas envie de règler la cotisation bien plus salée qui les attendait.

Il faut donc relativiser, et relativiser la relativisation.

Vote des militants : tant mieux !

Tant mieux. Ségolène Royal a déjoué les pronostics, les militants socialistes, même un peu fatigués de tout cela, ont montré que, plus ou moins, ils n'étaient pas vraiment satisfaits du status quo à l'intérieur de leur parti.

Tant mieux. Je parlais l'autre jour de l'attente que nous, peuple de gauche, commencions à avoir vis-à-vis des dirigeants et des (ir)responsables de gauche, attente rendue plus vive par tout le symbolisme de la victoire d'Obama. Mais même sans Obama, cette attente était légitime, naturelle. Elle aurait dû être assourdissante, si nos médias écoutaient un peu plus les militants et un moins les chefs et sous-chefs. Le fait que Ségolène Royal était si longtemps, pendant des mois, présentée par les médias comme la grande perdante du vote d'hier soir est là pour nous rappeler à quel point la représentation dominante de la politique dépend des avis d'un tout petit groupe d'élus. Et pour nous rappeler qu'ils peuvent se tromper.

Le succès et Ségolène Royal et celui, tout relatif, de Benoît Hamon, montrent aussi que les militants du PS ne veulent pas reprendre les mêmes pour recommencer. La page du jospinisme commence à tourner.

Malgré un taux d'abstention assez élevé, les militants n'ont pas, la plupart du temps, voté selon des consignes féodales. La direction actuelle est sanctionnée. Tant mieux. C'est l'intérêt des élections : les chefs ne peuvent pas décider des resultats à l'avance. Marc Vasseur s'inquiète tout de même :

Deuxième source d'inquiétude pour moi, la balkanisation du PS. En effet, j'ai énormément de mal à comprendre, ou trop bien, les écarts à la moyenne des différentes motions dans certaines fédérations... Bouches du Rhône, Nord, Pas de Calais, la liste est longue où ces écarts sont supérieurs à 30%... pour moi ce n'est pas une bizarrerie ou la faute à pas de chance ; c'est le signe d'une démocratie interne qui va mal très mal et la trop grande prégnance des élus et des potentats locaux.

Aujourd'hui je suis d'humeur optimiste. La féodalité du PS n'est pas morte, mais on peut quand même espérer que ce vote contre la direction, contre les attentes de la direction, contre le dauphin choisi par François Hollande, fera que les nouveau responsables seront désormais de prêter un peu plus d'attention aux militants en les considérant moins comme des pions à placer que comme une interface avec la société.

Je suis optimiste aussi parce qu'il me semble que Ségolène Royal semble avoir compris que le PS doit s'agrandir, devenir un parti de masse. Rendre le statut de militant plus accessible, ouvrir les portes et les fenêtres aux sympathisants : voilà ce qui pourrait endiguer la tendance dangereuse d'une notabilisation du parti.

6 novembre 2008

La blogoss attitude, c'est quoi ?

Juan m'a tagger. C'est l'heure de la Blogoss attitude. Voici ce que je dois faire, ce que je risque :

Principe : Sur la base de 5 définitions de la blogoss-attitude, tu dois nommer un blog ami ou pas et dire pourquoi …

Tu dois informer les blogs nommés, charge à eux de continuer la chaine … si par malheur, tu venais interrompre la chaine, ton blog sera frappé des pires malheurs … poursuite en justice par l'UMP, plus aucun visiteur, une suppression immédiate du classement WIKIO, plus aucun réferencement dans GOOGLE et un mal de crane pendant 3 jours ...

C'est donc grave. Qu'est-ce que la Blogoss attitude? C'est multiple, il faut répondre par des blogs. Alors...

Blogoss Bad

"Bad" au sens de "Bad-ass" comme disait Juan, ou encore "Bad" comme le chantait Michael Jackson.

J'aurais mis Dagrouik dans cette catégorie, pour son mode "attack-total" lorsqu'il s'en prend à quelqu'un. Mais Dagrouik a promis une punition particulièrement sévère à tous ceux qui pourraient le mettre dans une quelconque chaîne. Mais Dagrouik n'est pas l'unique option pour cette catégorie. Il y a heureusement d'autres options. Comme Donatien, qui ne doit pas souvent écouter Michael Jackson ces jours-ci. On n'a pas forcément envie d'être la cible de Donatien. Les UMPistes sont prévenus.

Blogoss Mad

"Mad" comme "fou" ou comme "en colère" ? Ce n'est pas précisé dans le mode d'emploi, mais comme c'est dans cette rubrique que Juan m'a classé, je vais choisir celui-ci plutôt que celui-là. Mais au vu de son pseudo, avec kamizole on peut mélanger les deux. Kamizole n'est pas contente. Kamizole propose un "indice de la connerie" pour accompagner les autres indices financiers.

Blogoss top

Gaël se la joue modeste. C'était pour mieux dissimuler ses super-pouvoirs. Et désormais c'est loupé : on a enfin reconnu son statut de zinfluent. Gaël mérite cette rubrique parce qu'il respire la blogosphéricité et il en maîtrise, avec son style de Boulet, toutes les techniques. (Ah zut ! c'est lui qui avait taggé CC... Tant pis, c'est peut-être moi le boulet.)

Blogoss life

Monsieur Poireau est blogueur politique. Mais pas seulement (et je ne parle même pas de ses autres incarnations). Surtout, il a le don d'articuler langage, politique, vie et web dans une tonalité que l'on ne trouve que chez lui.

Blogoss attitude

Jon a commencé à bloguer il n'y a pas si longtemps, mais il était déjà connu, en tant que commentateur de luxe, et en tant que touitteur au Tinyurl plus vite que son ombre. Car à fréquenter Jon, on se rend compte qu'il toujours un lien pertinent qu'il peut déclencher en quelques secondes. Mais de lecteur, Jon est devenu blogueur avec son blog militant qui aurait pu figurer dans toutes les autres catégories de ce classement.

Et voilà, ouf. Suis quitte, j'évite la malédiction. Pour l'instant.

5 novembre 2008

L'attente

Les récupérations du succès historique de Barack Obama avaient commencé bien avant l'élection d'hier. Nicolas Sarkozy l'avait déjà appelé son "copain" il y a quelques mois, et Mediapart a mis en avant les tentatives UMPistes de tirer la couverture Obama vers eux. Et on connaît bien la rengaine sur l'idée qu'en France, les conservatismes sont à gauche.

Il faut d'abord répondre à notre Très Grand Homme (TGH) qu'il est difficile d'être à la fois le "copain" de George W. Bush Jr., worst president ever, et le copain de Barack Obama, élu dans l'espoir qu'il pourra réparer les dégâts provoqués par son prédécesseur. Cette opération de com' élyséenne ne mérite même pas la réfutation, et il semble bien qu'il s'agisse d'une énième tentative d'occuper un créneau dans l'imaginaire politique français pour y précéder les éventuels socialistes qui pourraient songer à établir la comparaison en leur propre faveur.

Et c'est à gauche que la question a une importance véritable. Non pour décider qui, entre Martine Aubry ou Bertrand Delanoë, ressemble davantage à Barack, mais sous la forme d'une exigence un peu plus aiguë, une attente un peu plus forte : il serait tellement bien que quelque chose de positif sorte du Congrès socialiste. Le succès d'Obama, sa valeur symbolique, l'image optimiste qu'il projette ne peuvent que souligner l'aspect blafard du débat politique de gauche, du moins au plus haut niveau. (Je ne veux pas dire que le niveau du débat soit supérieur à droite : la droite semble s'en passer très bien.)

Malheureusement, le Congrès de Reims va sans doute fournir les bases de la conduite du PS au moins jusqu'en 2012. Il y a de temps en temps quelques petits signes encourageants, mais dans l'ensemble rien ne laisse espérer qu'un nouvel élan se prépare. Pourtant, il le faudrait. Les jeux mesquins de positionnement ne produiront rien de bon. La politique en 2007, en 2008, en 2012 ne sera pas une guerre de position mais une guerre de mouvement. Le PS ne retrouvera pas des électeurs grâce à la technicité d'un programme assez subtile pour satisfaire l'ensemble des égos de la gauche, mais grâce à un message qui pourra se communiquer.

Il faudrait que cela tienne dans une phrase. "Travailler plus pour gagner plus" était ridicule, mais efficace. "Yes we can" n'est pas un programme, et pourtant...

Mon souhait pour ce Congrès de Reims est ceci : le contraire d'une synthèse molle. Si pour y arriver il faut se crêper le chignon, s'entredéchirer entre camarades, tant pis. L'illusion de camaraderie ne trompe plus personne. L'équilibrisme gestionnaire ne peut plus rien donner. Les enjeux sont énormes.

Enfin

C'est tout de même énorme.