24 novembre 2009

Besson et la purification symbolique de la nation

Besson fait un entretien au JDD. (Juan en parle aussi.) C'était dimanche dernier. Pour une fois les questions étaient un peu dures, surtout sur la relation entre le « Débat » sur l'Identité Nationale et l'immigration. Exemple :

Comment organiser l’identité nationale, quand on est le gendarme de l’immigration?

C’est une fausse perception. [...] Mais tout se tient. Pour consolider l’intégration, il faut lutter contre les filières de l’immigration clandestine et les mafias qui l’organisent…

Comment ça, une fausse perception ? Besson est bien « gendarme de l'immigration » (et des Expulsions, des Rafles et des Charters), et il est bien chargé de nous vendre l'Identité Nationale. « Tout se tient », en effet, comme il le dit si admirablement. La tentation est grande d'aller droit au but : tout se tient, Monsieur, c'est-à-dire votre identité nationale et la xénophobie, c'est-à-dire identité nationaliste et électeurs du Front National. Mais comme nous voulons être sages et poli, essayons de décortiquer un peu plus.

Pour au moins 50%, le programme IdentNat d'Éric Besson tourne autour de l'immigration. Sous prétexte de réussir l'intégration. Si vous allez sur le grand site du débat (hashtag #xenophobie_2.0), vous trouverez en ce moment les deux premières propositions du gendarme-propagandiste. Voici la première :

Faire connaître et partager l’identité nationale.

Notre Nation s’est constituée au fil des siècles par l’accueil et l’intégration de personnes d’origine étrangère. Ce grand débat doit permettre de valoriser l’apport de l’immigration à l’identité nationale, et de proposer des actions permettant de mieux faire partager les valeurs de l’identité nationale à chaque étape du parcours d’intégration.

Pour aboutir à la question :

Comment mieux faire partager les valeurs de l’identité nationale auprès des ressortissants étrangers qui entrent et séjournent sur le territoire national ?

Dans la stratégie de communication de Besson, il y a d'abord son côté gentil : aidons les pauvres immigrés à s'intégrer, apprécier leur apport à la Nation, blah blah blah. Et l'argument, à la base, est qu'en faisant ici, sera résolu l'autre problème, le vrai problème, celui qui revient tout le temps, y compris dans la bouche du Très Grand Homme (TGH) : le communautarisme.

De la circulaire bessonienne :

Ce débat répond aussi aux préoccupations soulevées par la résurgence de certains communautarismes, dont l’affaire de la Burqa est l’une des illustrations. Au moment même où l’Union européenne franchit une nouvelle étape de son intégration, et où la crise économique et financière internationale démontre combien la mondialisation rend l’avenir des Nations interdépendant, ce débat a pour objectif d’associer l’ensemble de nos concitoyens à une réflexion de fond sur ce que signifie, en ce début de 21ème siècle, « être Français ».

Le communautarisme avec, comme dans les discours de Sarkozy, le Burqa : quel stratège UMPiste aurait jamais pu imaginer meilleur épouvantail, chiffon rouge à agiter devant les yeux des Républicains old-school, y compris de gauche. Le sarkozyzme apprécie les débats qui divisent le parti adverse ; le voile, la burqa sont des sujets de rêve pour semer la zizanie chez les bien pensants. De même que le communautarisme, avec, en toile de fond, la question de l'Islam qui permet de mettre provisoirement dans le même caps les laïques purs-et-durs et les catholiques qui ont peur que la France deviennent un pays musulman.

De fil en aiguille, donc, on arrive à la question policère. Lutter contre les immigrés en situation irrégulière c'est valoriser, ou disculper, ceux qui sont en situation régulière. Et pour enfoncer le clou, Besson, dans le JDD, cite Patrick Lozes :

Le président du CRAN Patrick Lozes dit à juste titre que "rien ne ressemble plus à un étranger régulier qu’un étranger irrégulier"... La lutte contre l’immigration clandestine est peut-être politiquement incorrecte, mais elle est profondément républicaine, puisqu’elle met fin à cette confusion.

Je disais « de fil en aiguille » : mais au fait, me dira le lecteur attentif et critique, quel rapport y a-t-il entre immigration, légale ou illégale, et communautarisme ? On sait qu'en France, le communautarisme est toujours en « montée ». Le communautarisme est toujours un truc qui va nous engouffrer demain, et la Nation et la République (et l'Église...) avec. Mais le chaînon manquant dans cette « pensée », c'est que « la montée du communautarisme » ne concerne pas les immigrés. Et encore moins les immigrés clandestins. Le communautarisme se pratique d'abord chez des jeunes français dont les parents ou les grands-parents étaient immigrés. En quête d'identité, sans doute, mais pas parce qu'ils ne savent pas ce que c'est d'être français, mais plutôt parce qu'ils ont beau être français, on les voient encore comme des « immigrés ».

C'est un thème sur lequel je suis souvent revenu : la lutte contre l'immigration dans ce grand cadre nationaliste, est avant tout symbolique. L'identité nationale chez des gens comme Hortefeux et Besson est en panne depuis la décolonisation ; les « immigrés » qu'ils voudraient expulser ne sont pas ceux de 2009 mais ceux des années soixante et soixante-dix qui sont en grande partie aujourd'hui des citoyens français. Il n'y a pas si longtemps le programme du Front National proposait de revenir sur toutes les naturalisations depuis 1973, je crois. Hortefeux et Besson sont un peu plus raisonables : ils ont trouvé une parade symbolique.

19 novembre 2009

Beau travail, beau travailler

Depuis que ce blog existe, l'un des mes critères essentiels, ou principes, ou orientations, est l'efficacité : il faut d'abord battre la droite et prendre le pouvoir avant d'imaginer un monde idéal ou toutes les injustices seront réparéées. En même temps, je pense que cette "prise de pouvoir" (j'ai l'air d'un trotskyste, je sais), ne passe par une sorte de mollesse centriste, gauche-libérale-plutôt-presque-la-droite. Cette stratégie, qui a l'air merveilleuse sur le papier, quand on dit qu'on va prendre tous ces électeurs qui hésitent à voter pour l'UMP, justement en ressemblant le plus possible à l'UMP. Non seulement la gauche se fracasse en mille morceaux dans ces conditions (« c'est quoi ce P"S" !?! »), mais sa capacité à faire avancer des idées est anéantie. C'est un message qui doit gagner. Faute de quoi, on aura beau ajouté tous les pourcentages... Et un message que tout le monde peut comprendre : Sarkozy a gagné en 2007 parce qu'il a réussi à battre le PS dans les milieux populaires...

Donc... donc... après tout ça... j'en arrive à ce que je voulais dire. Enfin, presque. Le weekend dernier nous avons eu droit au grand déballage d'EAG, Espoir à Gauche (et pas En Avant Guingamp, comme le souligne Nicolas J), tempête dans un verre d'eau qui a pris des dimensions médiatiques de tsunami. Je parlerai de tout cela dans un prochain billet encore plus désespéré que celui-ci.

Donc... devant ce spectacle, ce commentaire de Martine Aubry :

«Le PS que je connais, c'est celui qui travaille», a-t-elle déclaré mercredi à la presse avant de s'adresser aux élus socialistes réunis à déjeuner, en marge du congrès des maires. «Ces milliers d'élus qui travaillent pour les Français tous les jours (…), ces sénateurs qui se sont battus contre la privatisation de La Poste la semaine dernière, ces députés qui se sont battus contre la fiscalisation des revenus des accidentés du travail et pour défendre la Sécurité sociale », a-t-elle martelé.

Le travail. Ah, le travail. C'est bien de travailler. Plutôt que de pavaner dans les médias. Un PS qui bosse, c'est un PS qui... bosse. En silence, paraît-il. La Première Secretaire cite trois exemples de ce travail :

  • lés élus qui travaillent tous les jours ;
  • les sénateurs opposés à la privatisation de La Poste ;
  • les députés opposés à la fiscalisation des revenus des accidentés du travail.

Évidemment, le travail en question est soit la gestion locale (les heureux élus de tous les jours), soit des combats nationaux d'opposition pure aux mesures de Sarkozy. C'est bien de s'opposer, bien entendu. Mais ce n'est pas ce travail là qui va, comment dire, donner espoir à la gauche. Ah, vous me direz, le travail de programme continue en même temps. Mais où ? Il n'y a aucune communication là-dessus. L'impression est que, s'il y a du « travail » dans ce domaine, il est plutôt technique : fignoler des propositions qui, une fois passées dans la moulinette médiatique des résumes de sept secondes à la radio ou de trois phrases à la télé, ne laisseront que peu de trâces dans le grand cerveau collectif. (Imaginez le décalage en termes de temps de cerveau disponible entre l'intégralité de ces travaux depuis le Congrès de Reims, et la question de jeu de mains de Thierry Henry.)

Bref, gagner ne dépend pas du choix d'un programme idéal qui, par son extrême finesse satisferont à peu près tout le monde, ou déplaira autant aux uns qu'aux autres. Il faut, au contraire :

  • communiquer (occuper l'espace médiatique et l'imagination populaire) ;
  • avancer une ligne, une pensée qui soit facile à comprendre
  • le faire maintenant, pas à trois mois d'une élection présidentielle.

Le régime présidentiel ne récompense pas le travail de fourmi, les bosseurs méritants qui rendent des bonnes copies. Les français votent pour des images, des perceptions (« sympa, pas sympa ? ») ; une éventuelle victoire devra passer par une coordination entre les images et un message réel (pas seulement un slogan de marketeux).

Dans ce billet je fais comme si c'était possible pour le PS, en l'état actuel, de réussir à faire tout cela. Je n'ai pourtant pas touché au Beaujolais ce soir, même si parfois on ne voit pas d'autre issue.

16 novembre 2009

Des spéléologues, du plastique, du football, du tribalisme : IdentNat

Essayons donc de comprendre ce que doit être la Nouvelle Identité Nationale, dès lors que l'aurait trouvée. Dans ce but, des équipes d'élite, des spéléologues pur souche, sont partis vers le Massif Central, mais nous n'avons pas, pour l'instant, de leurs nouvelles. Cela ne devrait tarder et nous vous tiendrons au courant de tous les dévéloppements en temps réel.

En attendant les enseignements de cette mission, qui n'est pas, nous tenons à le signaler, sans risque, il peut être utile de revenir sur quelques nouvelles intuitions toutes fraîches.

Depuis quelques jours, je suis resté sur l'idée que cette grande « réflexion » ne pouvait aboutir qu'à l'instauration d'une bidouille, un truc en plastique qui ne pourrait être utile qu'à une seule personne, ou du moins une seule force politique qui a choisi de « vaincre » le Front National en le remplaçant. (Diabolisons Le Pen, mais pas ses idées, en somme.) Cet état de la réflexion laissait en suspens la nature précise de l'IdentNat que nous sommes appelés à construire. (Sauf que, le temps de la réflexion à peine commencé, Sarkozy a déjà dévoilé, dans le Drôme, toutes les bonnes réponses de l'interro : on est super top français quand on lit la Princesse de Clèves...)

La question n'est pas simple : Sarkozy veut dire, en somme, que les Nations n'existent plus, et que par conséquent l'Esprit National a diminué, nous laissant aller à notre haine de soi, et à notre crise d'identité. Je me lève le matin et je dois relire tout mon passeport pour me souvenir de ma nationalité. Et puis toute la journée je me déteste. Il faut donc inventer le Nationalisme sans Nation. Et bien sûr cela n'existe que dans le football, et un peu dans le rugby. Et encore, les vrais supporters ont tendance à être bien plus fidèles à un club, qui mélange joueurs de plusieurs pays le plus souvent, qu'à une équipe nationale. Enfin, dans mon expérience. Mais le foot fournit l'exemple, ce n'est pas le hasard si tout le monde le cite. Si on peut être supporter du « maillot » d'un club, on peut tout aussi bien l'être pour le « maillot » de son pays, du moins le temps d'un match.

Mais pour le Sentiment National de la Nation qui n'est plus une Nation, par quoi va-t-on remplacer le maillot ? Par un truc un plastique, je disais. Ensuite, j'ai trouvé : c'est le sentiment « tribal ». Une sorte d'appartenance générale qui divise le monde entre eux et nous. Cela suffit, cette distinction. Eux, là bas. Nous, ici. (Et dans les DOM-TOM, mais bon.)

Et soudain tout devient très clair. Je comprends pourquoi il fallait depuis le début que ce soit le même ministère qui s'occupe de l'Identité Nationale et des Expulsions et Rafles. Car l'identité nationale, ce n'est pas dans Racine, c'est dans « eux/nous ». Voici donc, pourquoi il faut rejeter le débat sur l'Identité Nationale, car tout ce qui sera dit à ce sujet ne servira qu'à donner crédit à l'enforcement, par la police, de la distinction eux/nous. Je n'ai pas envie d'en porter la responsabilité.

Nous avons perdu le contact avec les équipes de spéléologues. Une équipe encore plus d'élite est actuellement sur zone pour tenter de les retrouver.

14 novembre 2009

Le portraitiste

C'est l'été. Soudain je suis peintre : portraitiste.

Je vais sur la place du marché, je m'installe un étal avec mon matériel et des portraits de gens célébres pour montrer que je sais peindre : Dalida, Claudia Schiffer, ainsi que quelques beaux anonymes. Derrière mon chevalet, je fais semblant de finir un portrait à partir d'une photo pendant que les badauds tournent autour avant d'aller chercher leurs poireaux. À part un sourire de temps en temps, je les ignore, me donnant entièrement à mon art.

Vers 11 heures, il commence à y avoir du monde. Enfin quelqu'un veut un portrait, un type de la quarantaine en polo jaune. Je me demande pourquoi il veut son portrait, mais tant pis, j'y vais. Je travaille, fronce les sourcils, étudie la forme du crane, les proportions du visage, l'arrondi des orbites, l'expression : c'est un fonceur, mais il faut lui donner une profondeur que je tente de deviner. Au bout de vingt minutes je lui montre l'oeuvre. Il n'est pas content du tout, me dit que ce n'est pas lui. Il est très en colère. Je regarde, pour comparer. Il a raison, ce n'est pas très ressemblant : je vois que je viens de peindre Adolph Hitler.

Excuses, pas fait exprès, vraiment désolé. Il le prend très mal quand même. Il y a du bruit, il se calme et s'en va.

Les gens partent, d'autres arrivent, curieux. Enfin un client. Je fais très attention, mais cette fois c'est le maréchal Pétain, képi et moustaches. Et tout l'après-midi c'est la même chose : Milosevic, Staline, Laval, Karadzic, Bush Jr., alors que mes modèles sont des gens tout à fait ordinaires. Il fait chaud, l'énervement monte. J'essaye d'expliquer que je n'y suis pour rien, évidemment personne ne me croit. « Ce n'est pas drôle du tout ».

À la fin de la journée mon étal est en miettes, chevalets renversés. Dalida et Claudia déchirées.

13 novembre 2009

L'amour de moi

Pas le temps de faire un vrai billet aujourd'hui, mais le Président de la R. a fait un descours hier qui donne envie de réagir à chaud, ou à tiède tout au moins.

Je prends un morceau avant de continuer (page 2 du pdf officiel, sur le site de l'Elysée) :

Je veux le dire parce que je le pense, à force de vouloir effacer les Nations par peur du nationalisme on a ressuscité les crispations identitaires.

Il le dit parce qu'il le pense. Ah. Puissant, ça.

Effacer les Nations par peur du nationalisme ? Pas parce que l'économie est devenue mondiale, pas par peur de retomber dans des guerres entre pays « civilisés » ?

C’est dans la crise de l’identité nationale que renaît le nationalisme qui remplace l’amour de la patrie par la haine des autres.

Voilà la clé du système : l'identité nationale contre le nationalisme. Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ?

A force d’abandon nous avons fini par ne plus savoir très bien qui nous étions.

« Nous » ne savons plus qui « nous » sommes parce que « nous » n'avons plus la Nation pour « nous » le dire. Admettons, par esprit de bienveillance envers celui qui a tant donné pour son Pays. Il faudra donc trouver ailleurs cette fameuse identité. Comme je disais l'autre jour, une bidouille qui remplace.

Mais a-t-on vraiment besoin de MM. Sarkozy, Besson, Hortefeux et Raoult de nous dire qui nous sommes ?

A force de cultiver la haine de soi nous avons fermé les portes de l’avenir. On ne bâtit rien sur la haine de soi, sur la haine des siens et sur la détestation de son propre pays.

L'identité Nationaliste (pardon, nationale) serait surtout un bouclier anti-« détestation de soi », autrement dit : la France a toujours était grande, y compris quand elle a fait des saloperies colonialistes. Interdit de critique, de la même manière que le député UMP Éric Raoult voudrait obliger Marie NDiaye à se taire, puisqu'elle a reçu un prix.

La finalité de la bidouille nationalistique sera donc l'amour des siens ? Je dirais plutôt, et en cela je crois avoir bien compris le message d'Éric Raoult, qui s'inquiétait qu'on puisse dire « monstrueux » et « Sarkozy » ou « Hortefeux » dans la même phrase, qui nous donnait un exemple très réfléchi du futur règne de l'IdentNat, je dirais plutôt : l'amour de soi, ou même, venant de Sarkozy, l'amour de Moi. Nous oublierons notre haine de nous-mêmes et de notre passé et notre manque d'identité dans l'amour infini que nous devons à notre Petit Prince.

12 novembre 2009

Éric Raoult est de droite et membre de l'UMP

Faut-il parler d'Éric Raoult ? C'est un peu la question que je posais hier soir sur twitter. Visiblement son jeu consiste à se faire parler de lui, créer l'événement, mini-polémique en associant son nom à celui d'une romancière reconnue et récompensée. Le monde n'a pas attendu Éric Raoult pour inventer ce petit jeu médiatique, même avec sa variante xénophobe, autoritaire et paternaliste. Après tout, des élections approche, c'est le moment d'y aller n'est-ce pas ?

Faut-il s'abaisser jusqu'à parler d'Éric Raoult dans son blog ? Marie Ndiaye semble avoir pensé tout de suite à peu près la même chose (mais sans le blog) :

Donc je me suis dit que si cette histoire était peu évoquée, s’il n’y avait pas de rebondissements, cela ne valait pas la peine de donner de l’importance à des gens de cette sorte.

Faut-il parler de Raoult?

Oui. (D'ailleurs, c'est déjà trop tard.) Voici pourquoi.

Éric Raoult en soi n'est pas particulièrement intéressant. Peuples m'a suggéré d'aller lire son article Wikipédia. Peuples a raison : on apprend des choses.

Il a soutenu un amendement visant à rétablir la peine de mort sous certaines conditions, et a co-signé la proposition de loi du 8 avril 2004 exigeant son rétablissement pour les auteurs d'actes terroristes

Et encore :

Fortement opposé à l'homoparentalité, il déclare « Dès qu'il y a un enfant, il faut un papa et une maman » lors du premier cas d'adoption accepté pour une jeune femme homosexuelle

Doit-on conclure qu'il est tout aussi fortement opposé à la monoparentalité ? Mais je m'éloigne...

En somme, un type de droite comme il y en a plein, surfant sur les différentes vagues réactionnaires au fur et à mesure qu'elles s'offrent à lui. La stratégie éléctorale de ce maire-député de la 9-3 n'est pas difficile à deviner. Il ne court pas après les électeurs verts et bayroutistes, disons.

Alors pourquoi perdre mon temps à en parler ? Marie N'Diaye n'a pas vraiement besoin de nous pour se défendre contre des bêtises pareilles. Si je m'en prends à Éric Raoult, c'est parce qu'il représente la droite. Frédéric Mitterrand prend soin de garder ses distances : "Eric Raoult a le droit lui aussi en tant que citoyen, voire en tant que parlementaire, de dire ce qu'il pense." Mitterrand est le seul dans cette histoire à s'appliquer un devoir de réserve spontanément. Bravo. Mais s'il se montre si timide, plutôt que de se sentir obligé de défendre les artistes, et si, quand même, il ne réitére pas la stupide exigeance de "réserve", c'est qu'il ne veut pas être pris dans le mini-tourbillon que Monsieur le Député cherche à créer.

Donc, pour répondre à ma question, le devoir du blogueur gauchiste est d'expliquer en quoi les propos d'Éric Raoult engagent en effet la droite en général et le sarkozyzme en particulier. (Oui, il est toujours là, notre TGH.)

Les liens entre le "devoir de réserve" de Raoult et le sarkozysme sont multiples. Ajourd'hui, cependant, c'est l'Identité Nationale qui saute aux yeux. Quand Éric (tiens, c'est le prénom du jour) Besson demande aux préfets de se demander s'il ne faudrait pas mettre plus de Marianne et de drapeaux un peu partout, et faire chanter les enfants, il devient clair que ce dont il s'agit, c'est de créer une "marque France", et que tous les vrais français se mettent au service de cette "marque". (Je parlais de McNation l'autre jour, j'aurais dû écrire "McFrance" sans doute.) Dire du mal du Très Grand Homme, c'est rabaisser la marque, c'est un acte coupable, surtout lorsque l'acte est commis par quelqu'un qui a reçu un prix et que les gens pourrait être susceptible de croire. Lorsque c'est quelqu'un qui ne s'est pas décrédibilisé.

11 novembre 2009

L'arbre, le caillou et le PS

Quand j'avais écrit ce qui est aujourd'hui mon avant dernier billet, imaginant la simplicité avec laquelle une UMP un peu caricaturale pouvait désigner un candidat présidentiel sur la base des seuls rapports de force, et fixer dans la foulée un "programme", un instrument médiatique pour dissimuler l'éternel programme de droite : baisser les charges et réduire les impôts, quand j'avais donc écrit tout cela, j'avais promis de faire la même chose pour le PS. Depuis, la situation a un peu changé, pour le pire dans l'ensemble, mais quelques indices me font penser que mon analyse d'alors, celle qui était prévue, peut encore signifier quelque chose aujourd'hui.

Pour commencer, il faut revenir à la théorie. C'est bien le PS, le Parti Socialiste, dont on parle. Il faut donc s'armer de science. Mais plutôt que de parler de Marx, de Bourdieu ou de Durkheim, revenons directement aux philosophes présocratiques, notamment à Zénon, auteur de plusieurs célébres paradoxes, dont celui-ci :

Zénon se tient à huit mètres d'un arbre, tenant une pierre. Il lance sa pierre dans la direction de l'arbre. Avant que le caillou puisse atteindre l'arbre, il doit traverser la première moitié des huit mètres. Il faut un certain temps, non nul, à cette pierre pour se déplacer sur cette distance. Ensuite, il lui reste encore quatre mètres à parcourir, dont elle accomplit d'abord la moitié, deux mètres, ce qui lui prend un certain temps. Puis la pierre avance d'un mètre de plus, progresse après d'un demi-mètre et encore d'un quart, et ainsi de suite ad infinitum et à chaque fois avec un temps non nul. Zénon en conclut que la pierre ne pourra frapper l'arbre qu'au bout d'un temps infini, c'est-à-dire jamais.

Assez facile de ramener tout cela à notre cher PS : pour désigner un candidat, il faut d'abord se mettre d'accord sur le moyen de choisir le candidat, celui-ci étant à réinventer à chaque fois. Le moyen du choix doit être déterminé démocratiquement, ou du moins en faisant appel à toutes les instances possibles. Aussi faut-il négocier les modalités de cette prise de décision, discussion qui prend en compte la réalité du terrain, celle des militants, des fédérations. Le caillou, à peine parti de la main de Zénon, doit déjà se justifier du fait de s'appeler caillou, doit revenir sur lui-même pour prouver que son mode de lancement était conforme à ce qu'on attend d'un caillou, et ainsi de suite.

Mais, il faut dire que les paradoxes de Zénon sont bien des paradoxes : les flèches arrivent à leurs cibles, Achille bat la tortue dans le 100 mètres, et le caillou va vers l'arbre, même s'il tombe à côté parfois. Et le PS finit par choisir quelqu'un, malgré toutes les introspections et manoeuvres, celles-ci ayant pour but de prendre en compte la "réalité du terrain".

Car, au final, alors que le caillou a déjà fait trois loopings devant l'arbre, une petite voix s'entend, petite voix qui va résoudre la question et permettre enfin au pauvre caillou de terminer sa course : "alors, c'est qui le plus fort ?"

10 novembre 2009

McNation

Depuis quelques mois je ne bloguais plus. C'était une erreur, je suppose. Le blogage, c'est la liberté d'expression même. Détaché de tout souci d'éditeur, d'argent, de public, même, on écrit vraiment ce qu'on veut. Quand on veut. C'est l'autre liberté du blog, celle de ne pas bloguer aussi.

Bref, il y a eu des moments où j'avais les doigts qui voulaient se remettre au clavier. L'histoire du blondinet qui se croyait plus gros que la Défense, par exemple.

Mais s'il y a un sujet qui peut vraiment me faire sortir de ma tannière, c'est cette histoire d'Identité Nationale. Grand débat. Numérique en plus. Sur le web, tous les chats sont blancs, n'est-ce pas? Ce sera moderne. Du propre.

L'argument est qu'il faut, face à l'Europe, face aux Américains, face à la mondialisation, réaffirmer une identité pour ne pas être submergés, collectivement, pour ne pas voir toutes ses précieuses valeurs diluer dans les flots et les flux du monde moderne. Et bien sûr, puisque le pauvre petit village gaulois ne peut rien contre les flux du capitalisme mondial, il s'attaque aux flux migratoires, et même à leur face la plus faible, la plus vulnérable.

La négation du passé colonial est toujours d'actualité. La politique d'expulsion, je l'ai déjà dit, n'est que symbolique : expulsons quelques misérables pour, symboliquement, effacer cette réalité que concrètement nous devons malgré tous nos principes Nationaux accepter.

Un grand débat sur l'Identité Nationale : pour décider quoi ? Décréter que désormais, à partir de l'an 2010, troisième du règne du Petit Prince, l'Identité de la Nation Française sera X. Mettez ce que vous voulez dans X, pour l'instant, même quelque chose de gentil à la rigueur. Sur quoi portera alors ce décret ? Les préfets enverront des hérauts avec leur trompettes sur les murs pour annoncer la bonne nouvelle. Les gens dans la rue diront : "Ah, c'est donc ça notre identité nationale maintenant! Je vais le noter dans mon carnet pour ne pas oublier."

Car la logique d'une Identité Nationale ainsi décidée, c'est finalement de fabriquer quelque chose, une bidouille, un slogan qui prendrait la place du patriotisme/nationalisme qui n'est plus de notre siècle, qui n'existe plus que pour ne pas effrayer les gens. On fabriquera une identité nationale en plastique, comme les jouets qui accompagnent les repas pour les enfants chez McDonalds. J'imagine déjà, distribué dans les écoles, un Vercingétorix en plastique, avec sa tenue de désert et mitraillette lance-roquette sur le bras, prêt pour aller envahir l'Algérie.

Dagrouik suggère que la gauche s'empare du débat pour le retourner contre Besson :

En gros débattons, mais changeons l'objet du débat: Nous allons montrer aux amis de Besson qu'ils sont ringards. Ça me semble simple comme analyse. Et donc sortir du piège de réponse négative ou alors du passage en mode "hou les vilains neo-pétanistes que voilà" qu'on trouve chez certains. Et ne vous trompez pas sur les réponses aux questions parfois trop simples des sondages, pour beaucoup de gens "identité nationale" c'est "vivre ensemble" et "égalité des chances".

En termes de stratégie, ou de tactique, c'est peut-être jouable. Pourquoi ne pas aller jusqu'à l'extrême canadien, déclarer une république multiculturelle et métissée, après tout ? Le problème, à mon avis, c'est que "vivre ensemble", "égalité des chances", "république multiculturelle" ne concernent plus l'Identité Nationale mais plutôt, justement, la République, le pacte républicain, le tissu social, le rôle du collectif et (par extension) l'État. Nous sommes alors sortis du terrain (piégé) de l'Identité Nationale. Car une Identité sert à vous dire qui vous êtes, et c'est pour cette raison que c'est un concept intrinséquement néfaste et, je dirais, fondamentalement nationaliste. Pardon : Nationaliste.

Autrement dit, la seule conclusion acceptable de cette grande mystification serait le dynamitage de la notion d'Identité Nationale, comme si les expulsions perpétrées par le Ministère de la Xénophobie n'avaient déjà suffi.

(En lisant le billet de Marc Vasseur ce matin, je vois que Besson a sorti ses questions identitaires. J'arrête là cette tirade. Il y a du pain sur la planche. Ça commence bien, pourtant : piste de réflexion : "notre universalisme". Flûte, je l'ai mis où, notre universalisme.)

15 juillet 2009

Programme ?!? Hah !

Voici une reconstruction fictive du processus de sélection d'un candidat et d'un programme UMP.

Chef : Ça va être qui le candidat ?

[divers cris de : Moi! Moi! Moi!]

N° 1 C'est moi le candidat. Je suis le plus fort. J'atomise tout le monde.

MAM Non, vous ne m'atomisez pas.

N° 1 Ah, non, je me permettrais pas, d'ailleurs. Mais je suis quand même plus fort que vous. [sourire goguenard]

N° 4 Il faut d'abord faire un programme !

[Grosse rigolade dans la salle.]

Chef : On n'est pas au PS, imbécile! De toute façon, le "programme", c'est toujours le même : il faut baisser les charges et les impôts.

N° 4 Mais on ne peut pas faire une campagne là-dessus...

Chef Après c'est au candidat de raconter des trucs pour se faire élire. C'est libre. Tu fais ce que tu veux : écolo, socialo... Nous, on s'en fout.

[Consultation des militants UMP. N° 1 reçoit plus de 90% des voix]

13 juillet 2009

Karachigate, même sans l'attentat

Petit à petit, Karachigate s'impose. Je prends pour preuve le fait que l'ancien journal de référence a enfin fait un papier sur l'enquête en cours, sans se cacher à chaque phrase derrière des "Mediapart dit que..." ou des "Bakchich dit que...", comme c'était le cas il n'y a pas si longtemps. Non, cette fois-ci il y aurait des éléments dignes d'un journal véspéral.

Qui sont les véritables auteurs de l'attentat commis le 8 mai 2002 à Karachi, au Pakistan, dans lequel onze Français de la direction des constructions navales (DCN) ont trouvé la mort ? Cette question se pose avec une force nouvelle depuis que le juge d'instruction chargé de l'enquête à Paris, Marc Trévidic, a écarté soudainement, fin juin, la piste Al-Qaida, et qualifié de "logique" celle liée au non-versement de commissions dans un contrat de sous-marins de la DCN à Islamabad.

Et on admet même qu'il pourrait y avoir une implication chiraco-balladurienne :

Cette autre piste pourrait potentiellement avoir des implications politiques explosives si elle mettait au jour un financement lié à la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995, dont Nicolas Sarkozy, actuel chef de l'Etat, était proche.

Mais...

la justice ne dispose à ce jour que de peu d'éléments, que ce soit dans le volet terroriste ou financier, pour soutenir une quelconque accusation. Seule réelle avancée des magistrats : la mise en lumière des dessous des grands contrats internationaux de la DCN (devenue DCNS après sa fusion en 2007 avec Thales) en matière de pots-de-vin [...]

À prendre avec des pincettes quand même, donc.

En tant que misérable blogueur, agent du « tout-à-l'égoût de la démocratie » (ne l'oublions pas), on ne peut pas espérer apporter des informations, mais il reste possible, et même utile, d'en commenter l'encadrement médiatique et politique. Et sur ce plan, il devient de plus en plus clair qu'il ne faut pas se laisser obnubiler par l'attentat et la responsabilité de l'attentat. Je m'explique.

Même sans l'attentat contre les ingénieurs français, le principe de rétrocommissions au bénéfice d'une campagne présidentielle est un problème en soi. Tout de même. La véritable « affaire d'État » est . Aucun niveau de pourriture dans la politique française ne saurait justifier un tel acte. Il ne s'agira jamais d'accuser les balladuriens ou les chiraquiens d'être directement responsables de l'attentat. Et comme je disais, même si l'attentat n'avait jamais eu lieu, cela n'enleverait rien à la gravité de l'accusation de rétrocommissions.

Quand Denis Olivennes interrogait le Très Grand Homme (TGH) sur la question du journaliste (courageux, soit dit en passant) de l'AFP qui lui a demandé s'il était au courant de rétrocommissions, le TGH avait dit que la question à laquelle il voulait répondre était celle là : quelle était la cause de l'attentat ? Pourquoi voulait-il cette question là ? Parce que c'est une question stupide. Même avec ses super-pouvoirs, le Président de la R. n'est pas censé savoir lire dans la pensée des terroristes, d'autant moins qu'on ne sait pas qui ils sont. L'identité des auteurs de l'attentat reste une question importante, mais désormais il y a deux questions indépendantes : celle de l'attentat et celle des rétrocommissions. Vous pouvez être certain que le camp des « balladuriens » préférera parler de l'attentat plutôt que des rétrocommissions.

Et c'est le sens du papier du Monde, qui démarre sur cette question :

Qui sont les véritables auteurs de l'attentat commis le 8 mai 2002 à Karachi, au Pakistan [...] ?

La réponse à cette question là risque de rester obscure. Elle risque aussi d'être complexe :

S'agirait-il d'une mesure de rétorsion d'une frange de l'ISI contre les Français qui ont vendu, en juin 2001, six sous-marins à l'Inde, l'ennemi juré, comme l'a suggéré Le Canard enchaîné ? Ou d'un réel attentat islamiste commis par des extrémistes pakistanais dénonçant le lâchage des talibans afghans par leur gouvernement et son alliance avec les Occidentaux ? Ou encore de règlements de comptes au sein de l'appareil militaire pakistanais, qui connaîtra même un volet judiciaire après la poursuite de généraux de la marine pour corruption ? Faute de preuves, aucune thèse ne l'emporte.

On peut toujours imaginer toutes sortes de manipulations qui auraient permis de combiner plusieurs de ces pistes dans l'organisation d'un attentat.

En revanche, la réponse à la question des rétrocommissions risque d'être très simple.

11 juillet 2009

Karachigate : l'élection présidentielle de 1995 ne connaît aucune frontière ?

Les exemples s'empilent. Ce matin je pense surtout à cet épisode où Nicolas Sarkozy a frôlé l'incident diplomatique avec le Royaume-Uni lorsqu'il s'est moqué à la télé française du plan de relance de Gordon Brown. Dans un geste typique de Berlusconi, finalement, Nicolas Sarkozy semble oublier que ses paroles puissent franchir la frontières, et même La Manche... ou encore la Méditerrannée.

Peuples s'intérrogait sur l'instrumentalisation de l'affaire des moines de Tibéhirine pour au moins brouiller les pistes sur Karachigate. Et il n'est pas le seul, car si Peuples dit « contrefeu », le Quotidien d'Oran dit « coupe feu » :

En somme, la relance de l'affaire des moines de Tibehirine a cet avantage pour Sarkozy qu'elle met en accusation ses adversaires, tout en faisant oublier celle de l'attentat de Karachi. Et peu importe qu'au passage les relations algéro-françaises en subissent l'effet destructeur.

Saura-t-on un jour si, dans ces affaires, Sarkozy et les siens oublient réellement l'existence des pays étrangers, le temps d'un coup médiatique, ou s'ils s'en foutent tout simplement, ou encore si tout cela fait partie d'une « stratégie secondaire » hyper bien conçue.

Les commentaires du Très Grand Homme (TGH) sur la question nous font pencher dans le sens de l'improvisation télévisuelle :

Nicolas Sarkozy a affirmé que ses rapports avec son homologue Abdelaziz Bouteflika n'en étaient pas affectés. "Pourquoi voudriez-vous qu'avec le président algérien mes relations s'en trouvent bouleversées? La justice est saisie, que la justice dise la vérité", s'est-il exclamé. "Moi, je m'en tiens quand même au communiqué, je crois numéro 44, du GIA en 1996 revendiquant l'assassinat des moines", a-t-il dit.

Quelle bourde diplomatique ? Moi ? (Sans commenter le fait que le TGH parle de « La Justice » sans même mentionner qu'il pense à la justice française, un détail qui en général a une certaine importance dans les relations internationales, et à plus forte raison dans les relations d'un pays avec ses anciennes colonies...) Pour le coup, l'effet de la vérité pourrait être intéressant, tant à l'époque le doute planait sur chaque massacre commis en principe par le GIA. L'hypothèse de l'implication du pouvoir avait à l'époque de sérieux arguments, et on comprend très bien que certains ne souhaitent pas rouvrir le dossier. (J'ajoute que l'on va jusqu'à supposer que Boutéflika tirer profite de la situation : Libération se demande si finalement cette histoire n'arrange pas Boutéflika qui chercherait à déstabiliser légèrement sa propre armée.)

Remarquons, au passage, cette thématique essentielle, à Karachi comme en Algérie : la possibilité, à chaque fois, que tel attentat « terroriste » soit en réalité organisé par des militaires. Je comprends mieux que Bigard ait des doutes sur 11 septembre, à force de fréquenter les couloirs du pouvoir. [Edit: phrase modifiée pour indiquer que je ne me suis pas converti au bigardisme.]

Du simple "contrefeu" médiatique, nous sommes à nouveau au bord de l'incident diplomatique, voire avec la déstabilisation d'un régime voisin. Nicolas Sarkozy n'est plus seulement Ministre du Budget ou directeur de campagne d'un candidat malheureux ; soudain (si c'est bien le cas) les manoeuvres dans la guerre des clans opposant chiraquiens et balladuriens s'emballent avec des conséquences qui dépassent largement l'investiture à l'élection présidentielle de... 1995.

Il est difficile dans ces circonstance, et en cherchant à comprendre un peu, de ne pas se laisser aller dans le sens des complots et des contre-complots, aussi « grotesque » que cela puisse paraître. L'épisode Tibéhrine de Karachigate semble confirmer le fait que, pour règler les comptes aux uns et aux autres, les « chiraquiens » et les « balladuriens » restent, encore aujourd'hui, prêts à aller très loin, aussi bien dans la torsion des coups, mais loin, géographiquement, se servant des pays du sud pour règler leurs petites affaires parisiennes.

7 juillet 2009

Ce que je n'aime pas dans le socialisme actuel

Depuis le Congrès de Reims et « l'élection » de la Première Secretaire, depuis la raclée du PS aux élections Européennes je ne me considère pas obligés de défendre le PS. J'estime que le PS occupe un créneau politique dans lequel je devrais pouvoir me reconnaître, et surtout, qui devrais être décisif dans la vie politique. Occupant ce créneau, j'estime qu'ils ont une responsabilité. Si aujourd'hui rien n'indique que le PS compte prendre au sérieux cette responsabilité, même le sympathisant lambda est en droit de se montrer plus exigeant.

L'une des conséquences heureuses du score calamiteux du PS aux européennes, donc, était le succès des écologistes. Le pôle écologique n'avait pas pesé lourd à Reims Soudain, on s'intéres, alors que soudain nous apprenons que le socialisme n'a pas besoin d'être productiviste, et même qu'il a pris un tournant historique majeur :

Le socialisme est né du rapport capital-travail dans l'entreprise. Nous l'inscrivons désormais dans un rapport capital-travail-nature.

C'est Martine Aubry qui parle, dans son entretien au Monde. Après un siècle et demi d'affrontement entre le capital et les travailleurs, on invite « la nature » à la table. La formule a au moins le mérite de vaguement refleter la distribution des forces politiques en France - UMP, PS, écolos - mais dans sa formulation même annonce son échec.

Je ne suis pas au courant des théories les plus récentes de l'écologie politique, mais je suis un peu surpris de voir le terme « Nature » réapparaire dans le discours de la PremSec. Cela a quelque chose de vieux jeu. Je regarde le site du Pôle Écolo sans trouver (sur la page d'accueil) une seule fois le mot « Nature ». Ils ne parlent que de renouvelable, voitures électriques. Idem pour Les Verts : pas une seule fois « Nature » (sur la page d'accueil). Bon, Aubry veut être théorique, elle va à l'origine des choses, tant mieux, me dis-je. Mais aussitôt, à la suite de la phrase que j'ai citée :

Mais il ne faudrait pas que la nécessaire lutte contre le réchauffement climatique et pour la préservation de nos richesses naturelles nous conduise vers une sorte de néonaturalisme, une société qui refuserait l'innovation, la création, la mobilité, et qui se replierait sur elle-même, sur la tradition, sur des tribus, des communautés. L'écologie est compatible avec le développement et le progrès.

Il fallait bien parler « Nature », mais voilà où le mot nous mène. Vers une société troglodyte, avec tout le Bureau National du PS en train de vivre de la cueillette, des « tribus »... Qui a parlé de tribus ? Pas les écologistes en tout cas. Mais cette image de la « Nature » montre bien que la Nature est bien extérieure à l'idéologie d'un certain PS. D'où la fantasmagorie, et, surtout, la crainte immédiate que l'écologie vienne freiner le progrès économique. Là où par ailleurs on parle même plus de « développement durable » mais de « croissance verte », Martine Aubry en est restée au stade du conflit entre les industriels et écolos. Et s'il faut freiner un peu le capitalisme, il commence à devenir de plus en plus clair pour moi que le socialisme titiniste est fondé sur un dialogue privilégié justement avec le Kapital.

Et voilà le problème de fond. J'ai fini par pouvoir mettre le doigt sur ce qui me gênait dans tout un pan du socialisme actuel. Marc Vasseur avait cette citation, issue d'un dossier de L'Express sur Aubry :

« « Je voulais que Martine Aubry leur (aux patrons du nord) dise en face ce qu’elle ne cessait de répéter dans ses discours, indique l’hôte des lieux. Que si la finance internationale avait été dirigée par des grands patrons sociaux du Nord, la crise ne serait jamais survenue. ». C’est Bruno Bonduelle qui a tenu à déclarer cela à propos d’une rencontre entre Martine Aubry et ces derniers...

La « solution » sociale serait à trouver justement dans cette entente avec des très grands patrons, un peu éclairés, guidés finalement par un PS très familier, très proche, l'interlocuteur privilégié dont le rôle est d'harmoniser les relations sociales tout en agissant systématiquement pour le bien de ces entreprises, dans un rôle pas si différent de ce que fait, je prends un exemple au hasard, Nicolas Sarkozy quand il arrange les choses pour ses amis du Medef. La distinction serait dans le poids donné au social, mais l'accent mis sur la réussite du capital à presque tout prix n'est pas ce qui permet de différencier les deux camps.

Admettons qu'une telle position était logique pendant les Trente Glorieuses, ou même jusqu'à ce qu'on se rend compte de la mondialisation de l'économie. Les grands patrons du Nord de la France ont eu quelques soucis, et sont loin, mais très très loin, d'être en mesure de gérer les finances du monde. Et c'est précisément dans ce monde mondialisé, où le travail se délocalise pour un oui ou pour un non que le socialisme doit devenir une véritable force critique. Il n'est plus question de faire confiance aux très grandes entreprises. Les arrangements ne seront plus favorables. La solution ne viendra pas d'une compromise entre ces forces. Il faut faire avec son temps, sortir de la nostalgie d'une époque où tout pouvait se négocier entre partenaires sociaux.

Je garde un petit espoir que le discours écologique fournira quelques éléments pour une position véritablement critique, mais il faudrait un PS qui veuille bien entendre.

6 juillet 2009

Drôle d'Epok

Dans mon dernier billet, j'ai mentionné le célèbre entretien du Chef de l'État avec Denis Olivennes, l'ancien PDG de la Fnac, reconverti, paraît-il, dans le journalisme. Les confrères blogueurs n'ont pas apprécié que ce même Olivennes considère que "internet" est le "tout-à-l'égout de la démocratie". Après avoir détruit l'art et la culture, l'internet vise donc la démocratie elle-même, donc. On peut s'interroger sur cet usage du mot même d'"internet" dans ce contexte, comme si c'était une simple chose, ou un produit unique, comme l'iPod par exemple, vendu à la Fnac. Monsieur Olivennes, l'ancien "agitateur depuis...", devrait savoir, pourtant, que l'internet n'est plus vraiment une chose, mais est devenu l'air que respire une certaine société moderne et occidentale. C'est cette même attitude qui a produit des abérrations comme Hadopi, les subventions pour la presse écrite payées par les fournisseurs d'accès, et fnac.com.

Denis Olivennes publie donc dans Epok, pardon, dans le Nouvel'Obs cet entretien qui a déjà reçu, quand même, un certain nombre d'attaques bien mérités, en commençant par les rédacteurs eux-mêmes du Nouvel'Obs, mais aussi (et surtout!) les blogueurs : Juan, Dagrouik, entre autres, et surtout Vogelsong qui nous livre un réquisitoire méchant juste comme il faut, auquel je n'ai pas grand'chose à ajouter.

Qu'est-ce qu'il y de si insidieux dans cet entretien, hormis le fait qu'il n'est pas paru dans Figaro Magazine ? Là où Olivennes passe véritablement les plats, c'est dans le détournement permanent du politique vers la "personnalité" du TGH. Souvenez-vous de ce "je ne suis pas narcissique" ou de cette magnifique explication du bling-bling :

Ces critiques avaient commencé bien avant le Fouquet’s. Cela correspondait à une époque de ma vie personnelle qui n’était pas facile et où j’avais à me battre sur plusieurs fronts.

Bon à savoir. Si j'ai des difficultés côté perso, je n'hésiterai pas à compenser par la multiplication des signes extérieurs de richesse. Se battre sur plusieurs fronts. Le pauvre.

Et pendant que nous nous appitoyons sur le pauvre petit Très Grand Homme, nous nous détournons du politique. Et c'est peut-être là où est le secret de l'alchimie Olivennes-Sarkozy : tout peut se réduire à du personnel, à des facettes de cette personalité insondable. Karachigate ? La question du journaliste ne me plaisait pas. Conception monarchique de la présidence ? Euh, j'ai grandi.

Eh bien, ici à la Pire Racaille, on s'en fout de la personalité du Président de la R., on s'en fout s'il grandit ou au contraire se rapetisse. Mais on n'est pas pour autant indifférent devant la compromission de la presse. Pourtant, cela ne devrait pas nous surprendre. (À ce propos, David Desgouilles fournit des intuitions importantes sur les liens entre Sarkozy et les « libéraux de gauche » comme Minc et Olivennes.)

Pendant les dernières semaines de la campagne présidentielle, j'entendais sans cesse : « il ne faut pas diaboliser Sarkozy ». Je ne me souviens pas de l'origine de ce thème, mais il est évident qu'aujourd'hui, déjà, après deux ans seulement, tout ce qu'on pouvait craindre est déjà en place. Sans parler des libertés individuelles, du Ministère de la Haine et de l'Identité Raciale, nous sommes effectivement arrivés à ce bloc de pouvoir médiatico-politique qu'il était déjà logique, en 2007, de redouter. L'« ouverture » est une bide politique qui ne sert qu'à maintenir la pression sur les cadres UMP. L'« ouverture » idéologique qui permet à cet homme de réseaux à peser sur presque tous les médias traditionnels est bien plus dangereuse.

3 juillet 2009

Karachigate et moi, et vous, et eux... et lui

Petit à petit, des éléments sur "l'affaire Karachi" (ou "Karachigate", puisque ainsi qu'il faut l'écrire désormais) sortent. Sortent, oui, mais sortent où ? Pas au grand jour médiatique et télévisuel, bien sûr. La presse dite écrite se contente de commenter l'enquête menée par les magistrats et par Mediapart. Le dernier papier du Monde, par exemple, est truffé de ces "Selon le site Internet Mediapart" et "Mediapart appuie sa révélation sur le témoignage d'un ancien agent de la Direction de la surveillance du territoire (DST), Claude Thévenet" sans qu'il y ait le moindre mot qui puisse mouiller l'ancien journal de référence. On informe sur ceux qui font du journalisme, mais pas plus. Ou encore, il faut parler pour soi, comme l'a fait Eva Joly dans une très bonne Opinion pour plaider contre la suppression des juges d'instruction et une redéfinition du "secret défense" qui pourraient, ensemble, rendre les Karachigates de l'avenir totalement opaque à la justice, à la presse, aux citoyens.

Dommage qu'il faut être un média alternatif, comme Arrêt sur image, pour enquêter sur cette affaire.

Le rôle des blogueurs est donc de synthétiser, de rassembler les informations. Et surtout d'empêcher cette histoire de s'éssouffler devant l'apathie médiatique. La démocratie française moderne fonctionne en montant en épingle certains petits épisodes. À partir d'une pratique vestimentaire ultra-minoritaire de certaines femmes musulmanes, nous nous dirigeons vers un grand débat national sur le sens profond de la République qui risque d'occuper nos ondes pour des centaines d'heures de débats inutiles. Karachigate n'est ni un détail, ni un fait divers, mais, si l'hypothèse la plus probable devait s'avérer, une grave affaire d'État. S'il y a bien des épisodes qui méritent de recevoir toute l'attention dont la machine médiatique est capable, Karachigate en est un.

Le rôle des blogueurs est donc de maintenir le buzz. Nous avons au moins ce pouvoir de lutter contre l'oubli programmé d'une histoire un peu trop compliquée pour servir accompagnement à la publicité de 20 heures. Cherchez #Karachigate sur Twitter et vous verrez qu'il y a en effet du buzz.

Maintenir la visibilité de Karachigate demande cependant un effort constant, une lutte contre l'inertie des médias, de l'État lui-même. On le constate au plus haut niveau, lorsque le Très Grand Homme (TGH) essayait d'humilier un journaliste AFP qui a osé lui poser une question pointue et peut-être même gênante sur sa possible connaissance de l'affaire, en tant que Ministre du Budget. Ou encore, ce qu'il n'a pas dit (mais Juan, si), en tant que directeur de campagne du malheureux Balladur.

Le clip d'un TGH se débarrassant de la question avec mépris, et avec ce célèbre "la douleur des familles et des trucs comme ça" qui a déjà fait le tour de l'internet, nous montre surtout un président qui botte en touche, ou qui fait diversion. Car dire qu'une hypothèse est "grotestque" n'est pas dire, tout simplement : "non, je n'avais pas connaissance de rétrocommissions". Il était plus simple de fanfaronner que de répondre à la question.

Du coup, lorsque l'on lui pose la question, dans cet entretien du TGH au Nouvel'Obs, déjà désavoué par les rédacteurs du même Nouvel'Obs, Sarkozy explique son comportement, indigne et grotesque, ainsi :

N. O. – Tout récemment encore, à Bruxelles, vous avez éconduit un journaliste de l’AFP qui vous interrogeait sur les rebondissements dans l’enquête judiciaire sur l’attentat de Karachi.

N. Sarkozy. – Si ce journaliste m’avait demandé: "L’assassinat de nos compatriotes est-il lié à un différend franco-pakistanais à propos de commissions non payées ?", je lui aurais répondu que je n’en savais rien et qu’il fallait que la justice aille jusqu’au bout de la recherche de la vérité. Mais la question était : "Vous étiez ministre du Budget, vous souteniez Balladur dans la campagne présidentielle, il y a l’attentat de Karachi, est-ce que vous étiez dans le coup ?" Je fais de la politique depuis trente-cinq ans, je n’ai jamais été associé à un scandale quel qu’il soit, et pourtant on a enquêté sur moi sous tous les angles. Cela devrait vous rassurer d’avoir un président pointilleux sur les questions d’honnêteté. J’en ai connu d’autres qui disaient à la télévision: "Des écoutes ? Moi, jamais." Je ne suis pas capable d’une telle hypocrisie !

Pas "capable d'une telle hypocrisie" ? Pas narcissique ? Évidemment, il aurait été très facile de dire qu'il n'en savait rien sur le lien entre l'attentat et les (rétro)-commissions. Comment sonder l'esprit d'un terroriste, n'est-ce pas, surtout quand on ne sait même pas qui était l'auteur de l'attentat ? Beaucoup plus dur de répondre : "je n'étais pas du tout au courant d'un financement pakistanais de la campagne Balladur..." Dur, dur.

Bon, admettons qu'il n'était pas, psychologiquement, préparé à répondre sur le champ à cette question, et que la dignité de sa très haute fonction l'obligeait à faire diversion, de préférence de façon indigne. Admettons. Ce que je trouve difficile à admettre, c'est que le Président de la République n'accepte pas qu'on le questionne là dessus. Il n'a pas été accusé, c'était une question relativement simple. Mais visiblement inadmissible. Et c'est cela qui est inadmissible.

29 juin 2009

Dette et dette, ou : l'exception UMP

J'aimerais bien être en train de parler de l'affaire Karachi, mais pour l'instant, avant d'en arriver à mon sujet, la Dette et l'Emprunt, je tiens quand même à signaler un nouveau blog consacré exclusivement à Karachigate, ainsi que du bon boulot fait par rimbus.

En attendant, je reviens à la Dette. Je veux dire : à l'Emprunt. Les dernières déclarations des uns et des autres côté UMP ne font que renforcer une impression d'improvisation, de flou et de vide.

Pour Patrick Devedjian, par exemple :

"Le fond du problème est d'abord de savoir ce qu'on veut faire", a-t-il dit.

C'est un problème, en effet. Peuples écrit :

Imaginez-vous aller voir votre banquier en lui disant: je souhaite emprunter, je ne sais pas encore combien, et je ne sais pas encore pour quel type d'investissement....vous connaissez déjà sa réponse...oui vous avez affaire aux mêmes banquiers que moi.

Le programme reste à définir :

Parmi ces "priorités", de nombreuses pistes ont été évoquées par le gouvernement : croissance verte, relance de la filière bois, biotechnologies, développement des universités de demain, rénovation des prisons, ferroutage, financement du 'Grand Paris', voitures propres, financement de nouvelles lignes TGV.... les pistes ne manquent pas !

Même si Devedjian trouve que 100 milliards d'euros, c'est un peu trop, tout le monde aura compris qu'il s'agit d'un gros truc. Après la "pédagogie" sur les mauvais déficits (quand ce sont les socialistes) et les bons (quand c'est la droite), c'est le mot "exceptionnel" qui revient sans cesse.

Luc Chatel :

"Ce seront des investissements exceptionnels qui justifient un recours à l'emprunt exceptionnel", a-t-il rappelé.

François Fillon (Premier ministre) :

Au contraire, « l’effort exceptionnel d’investissement dans des secteurs d’avenir » que doit permettre cet emprunt s’accompagnera d’une politique « sans précédent de réduction de la dépense » publique, a averti François Fillon.

Vous avez compris : ce n'est pas une Dette, c'est un Emprunt. Et même si cela coûte plus cher, par sa forme "exceptionnelle" (appel aux matelas du bon peuple), il y aura désormais deux chiffres qu'il sera interdit de confondre, au risque de perdre sa carte UMP : la dette - très grave, trou de la Sécu -, et l'emprunt, symbole de notre espoir national et de la clairevoyance de notre Très Grand Homme (TGH), qui ne pourrait pas passer son mandat sans faire un Très Grand Emprunt.

Pour être juste, j'ai toujours été favorable aux plans de relance, y compris avec endettement. Mais ici nous avons un plan plus coûteux que les emprunts bancaires quotidiens que l'État effectue. Et le surcoût, qui pourrait être très important, comme c'était le cas sur les Grands Emprunts précédents, sera à mettre dans la colonne "Frais de communication" du budget de l'Élysée. Quand les besoins de communication sont exceptionnels, il faut des mesures exceptionnels je suppose.

Derrière tout cela, l'on devine des considérations diverses. L'une des fixations de la droite sarkozyste, et du TGH lui-même, concerne l'épargne des français. Les français sont trouillards, ils épargnent trop, alors que Nous, Nous, si Nous avions accès à leur fric, que de choses glorieuses nous pourrions en faire. On sait que Nicolas Sarkozy aurait voulu instituer des "subprimes à la française", avant que ça se démode un peu. Si les français ne veulent pas investir, eh bien, on le fera pour eux. Voilà le business. Je vous laisse avec ces paroles de Patrick Devedjian.

"La France a la chance d'avoir une épargne privée très importante. Les États-Unis et l'Angleterre sont beaucoup plus endettés que la France mais en plus, les ménages sont également endettés", a-t-il fait remarquer. "Si on veut relancer la croissance, il faut essayer de diriger cette épargne vers l'investissement qui produit la croissance" alors qu'"aujourd'hui, les Français mettent plutot leur épargne vers l'assurance vie", a-t-il ajouté. "Créer un grand emprunt national qui canalisera cette épargne vers l'investissement, c'est une bonne chose", a-t-il insisté.

25 juin 2009

La dette, c'est tout bénef' !

Hier je parlais de l'idéologie droitiste de la dette, pour dire que la nouvelle droite des managers n'avait plus les mêmes valeurs que la droite bourgeoise, et qu'elle était prête à se vautrer dans la dette pour préserver la dynamique qui est fondamentale pour la survie du manager bling-bling.

Là où je voulais en venir, c'était évidemment la question de ce grand Emprunt National que l'on nous a sorti de derrière les fagots balladuriens. Laurent Mauduit a dressé immédiatement un réquisitoire très sévère sur les précédents Grands Emprunts, qui ont été en général peu efficaces et toujours très coûteux. Financièrement, il paraît qu'il n'y a aucun avantage à faire appel au public, aux veuves, orphelins, épargnants, bons pères de familles. Il coûte toujours cher des les attirer, plus cher que de pousser la porte d'une bonne banque, habituée, elle, à prêter au prix, tout simplement, du marché. Quand l'État emprunte de l'argent aux pauvres gens, c'est sponsorisé, subventionné. C'est une manière de mettre une fois de plus l'État au service du capitalisme, éternelle réflexe sarkozyste, mais je ne pense pas que ce soit la motivation principale.

L'intérêt donc de cette mesure est donc politique, ou même psychologique. Même les Échos sont d'accord. Laurence Boone, chef économiste chez Barclays Capital France, écrit donc :

En pratique, un emprunt « spécial » coûte un peu plus cher qu'un emprunt standard, qu'il s'adresse aux particuliers ou aux institutionnels

Sa raison d'être est donc sa fonction d'annonce :

Sans attendre des réformes d'aussi vaste ampleur, l'emprunt pour financer les réformes aurait le mérite d'annoncer des priorités claires, d'en estimer les coûts et bénéfices attendus (rompant ainsi avec une tradition de non-transparence qui s'est emblématiquement incarnée dans la réforme des régimes spéciaux des retraites), et d'ancrer les promesses de réforme.

Mots cléfs : "annoncer", "ancrer", "promesses". Une nouvelle opération de com' est lancée. Les "bons pères de famille", pour qui un sous est un sous, lâchés par cette nouvelle droite, vont s'y retrouver, car ce qui sera coûteux pour l'État sera juteux pour leur épargne.

Juan a raison :

Mais un emprunt national et "populaire" est surtout un coup politique. La réussite probable de sa souscription, si succès il y a, vaudra blanc-seing à sa politique dans sa communication gouvernementale.

C'est littéralement une manière d'acheter la bonne volonté des contribuables-épargnants-investisseurs.

Autre "bénéfice" : psychologiquement, cette nouvelle dette, pourtant plus chère pour les coffres vides, sera donc à distinguer de la dette ordinaire. Déjà ce grand effort de "pédagogie" est lancé, puisqu'on nous explique la différence entre bons et mauvais déficits.

Brouillage, écrans de fumée : tous les leviers habituels du sarkozyzme sont présents. Ce qui pourrait nous surprendre, c'est de voir avec quelle facilité, avec quelle allégresse le Très Grand Homme (TGH) est prêt à nous faire payer pour étayer sa rhétorique. Mais même ça ne nous surprend plus vraiment.

24 juin 2009

Flux tendu

La droite a toujours eu un rapport émotionnel avec la dette. Des conservateurs, avec leur image de "bon père de famille", on était habitués à cette grande méfiance vis-à-vis de la dette. Le célèbre "les caisses sont vides" du malheureux François Fillon est dans la droite lignée de cette vieille logique. Les gauchistes sont irresponsables, ils dépensent les sous de nos petits enfants pour le donner à des fonctionnaires paresseux. Sur toute proposition sociale pesait le menace de la dette, ou encore le fameux "trou de la sécu" dans lequel on allait tomber un jour ou l'autre.

Ça, c'était la droite traditionnelle. Elle existe d'ailleurs encore. Je citais Fillon tout à l'heure, par exemple. C'est une droite rassurante, utile pour les inquiétudes des nantis qui, avant toute autre chose, ne veulent pas voir leur capital partir en fumée, dans les narines des mêmes fonctionnaires (toujours eux), ou même celles, encore plus gourmandes en fumée, des RMIstes.

À côté de cette bonne vieille droite, existe donc, avec Sarkozy, une droite des managers. On disait longtemps droite bling bling à propos de Sarkozy. C'est un peu la même chose : le bourgeois convservateur n'avait pas besoin de Rolex, ou s'il en avait une il la portait correctement sans ostentation, car sa richesse était de famille, ancienne, acquise, évidente. La richesse du manager, en revanche, doit être visible car elle est neuve. Le manager doit marquer le coup, comme tout bon nouveau riche. Surtout, sa richesse n'est pas structurée comme celle du bourgeois. Le manager vit dans le flux, peut-être même dans la dette, dette qui lui est permise parce qu'il ne fait aucun doute qu'il est déjà trop puissant (chef de rayon chez Carrefour, directeur d'agence chez BNP-Paribas, etc. etc.) pour être pauvre. La pèse du mois prochain sera inévitablement supérieure à celle de ce mois-ci. Pas de souci.

Bien sûr, ces deux droites se croisent et s'entrecroisent, s'aiment et se détestent. Elles partagent la conviction que le but de la politique est de supprimer les systèmes de partage, tant ils sont convaincus d'être en permanence les perdants dans les partages. Au-delà de ce socle idéologique, cependant, leurs analyses sont divergentes.

Le manager ne peut pas faire le dos rond. Il vit en flux tendu, au mois le mois. S'arrêter, c'est rendre la Rolex, la 535i. Le bourgeois n'aime pas voir baisser ses rentes, va même serrer la ceinture un peu pour protéger ses intérêts, mais il n'a pas peur. Il sait que lui et les siens se retrouvent toujours. Le manager a la trouille et applique les principes qui lui ont réussi jusque-là : foncer avec aplomb.

Dagrouik nous fait un topo sur les politiques d'endettement que la droite nous prépare. On savait déjà de quelle droite on avait affaire.

14 juin 2009

Rénovons pour n'innover en rien

C'est connu : moins on blogue, moins on blogue. Et inversément. Dans mon dernier billet, alors même que j'en écrivais la fin, je sentais déjà qu'il allait falloir y revenir, sur cette question de rénovation. J'écrivais donc :

C'est grave, mais la solution a déjà été trouvée. Il suffit de rénover. En profondeur. Pour de vrai. Les cris à la rénovation n'ont servi jusqu'à présent qu'à étouffer les envies de changement. "La rénovation? On s'en occupe." Rénover pour être sûrs que rien ne bouge, pour contenir les changements. Étouffer avec une commission. Gérer les volontés de changement. Ce sont des bons gestionnaires, après tout.

Il faut distinguer deux choses. D'un côté, la "rénovation" éventuelle du PS ; et de l'autre les appels à la rénovation, la rhétorique de la rénovation. Celle-ci, nous savons qu'elle existe. La première, en revanche, à l'heure où j'écris ces lignes, n'a aucune existence réelle et n'est, au mieux, qu'une hypothèse, un voeu. Je ne dirais même pas une fiction, parce qu'à la différence d'un bon roman, ou même d'un mauvais, nous ne savons même pas à quoi ressemblerait ce fameux PS "rénové".

Quelqu'un m'a dit une fois que le taux de réussite des météorologues serait meilleur si, au lieu de faire des calculs, ils disaient systématiquement que chaque jour il ferait le même temps que la veille. Je ne sais pas si c'est vrai, mais il me semble que l'on pourrait appliquer le même principe au PS : il y a très fort à parier que, malgré toutes les promesses, déclarations, exhortations, admonestations, recommendations, etc., le nouveau PS sera identique au PS actuel.

Je vous entends déjà soupirer : Quel fataliste ! Il faut positiver au contraire...

C'est ça. Oui.

Non, je persiste : l'atonie actuelle, le marasme et la flacidité idéologiques du PS sont en fait la représentation parfaite du rapport de forces entre les VIP du Parti. Synthèse (anti- et pro- TCE) sur synthèse (fabiusiens et déesse-khaniens unis par leur anti-sorcièrisme). Nous savons que dans les luttes internes, les prises de positions sont des pions que l'on avance. Comment pourrait-il en être autrement pour des idées nouvelles ?

Le pire, c'est qu'au PS on est, semble-t-il, persuadé qu'il n'y a même pas besoin de nouvelles idées. Arnaud Montebourg répondait ainsi l'autre jour à un internaute qui avait commenté sa "Lettre d'un socialiste qui espère" :

Je ne crois pas qu'il faille à chaque fois traiter de toutes les questions afférentes à un programme de gouvernement ou de parti. Le PS regorge d'ailleurs de textes sur ces sujets. Le problème c'est qu'ils sont inaudibles. [Je souligne, o16o.]

Pour le diagnostic : oui, ils sont bien inaudibles, tous ces textes dont le PS regorge. Faute à qui ou à quoi ? Il y en aurait trop, finalement? Le programme du PS est littéralement "trop fort"? Simple problème de com', finalement. Pas la peine de repenser quoi que ce soit ; il suffira de trouver la bonne technique de gouvernance et le reste viendra tout seul, tout cuit?

Le PS dispose donc de toutes ces idées, de ce super-programme, dont personne ne veut. Il y aurait beaucoup à dire sur ce programme : mosaïque de micro-mesures, donc illisibles ? absence de relai chez les PS people ? contradictions soujacentes, conséquences des synthèses et des arrangements historiques ? Mais peut-être le plus grave est le fait de croire que toutes les idées sont déjà dans la boîte. Le Parti à des idées à en revendre, on ne va quand même pas commencer à réfléchir... À partir du moment où le Parti "regorge" d'idées, pourquoi changer, en effet ?

Reste donc le bidouillage : primaires ouverte à la gauche (à condition que le candidat socialiste gagne bien sûr), comité des sages. Reste surtout la rhétorique de la rénovation ("au boulot", "on rénove 24 heures sur 24"). Ce n'est pas couteux, ça n'engage à rien, on peut faire son petit effet.

11 juin 2009

Prendre de la place

Nicolas J. m'a dit qu'il fallait que j'écrive des billets, même si je n'ai plus le temps. Comme il est désormais le 24e blogueur européen, je suis obligé d'obéir. Je fais ce que je peux. Mais il y a aura sans doute moins de liens et de citations que d'habitude. À tous ceux qui me disent que bloguer ne prend pas de temps si on a envie de bloguer, je réponds : oui, mais il faut quand même se tenir au courant de l'actualité pour faire un blog politique. Mille pardons d'avance si je dis des bêtises...

Le PS se prend une veste. Un score largement inférieur à celui de Ségolène Royal au premier tour en 2007, malgré un MouDem en baisse de régime. Sans surprise, tant la configuration (j'allais dire "actuelle"...) du PS est le résultat de la concurrence interne pour la maîtrise de l'appareil, ce qui a abouti à des synthèses qui ne sont même plus molles avec des conséquences immédiates en termes de lisibilité politique, en termes de qualité du discours politique. Malheureusement, il ne suffit pas de mettre le mot "solidarité" dans une phrase sur deux pour avoir l'air de vouloir faire quelque chose.

J'ai l'air amer ? Leerdammer ? Oui, je le suis. Et pas seulement à cause de Reims 2008. Chaque jour un peu plus, le PS se révele une machine, un appareil, un machin, un truc. Un organisme qui gère et qui produit des gestionnaires. Que gère-t-il ? Il gère sa position de "principal parti de gauche", ou "principal parti d'opposition". Le PS occupe une place sur l'échiquier politique, et si je me suis toujours considéré sympathisant socialiste, c'est avant tout par pragmatisme, le PS étant le parti pouvant vraiment battre la droite, pouvant vraiment occuper le pouvoir.

Les élections européennes ont montré qu'une bonne partie de ce fameux "peuple de gauche" est prêt à lâcher le PS dès qu'une alternative crédible se présente. Le succès de Bayrou en 2007 relève finalement du même phénomène. Une partie importante des électeurs de gauche préfèrent voter pour n'importe quoi d'autre qui n'est pas à droite. D'ailleurs, Lionel Jospin avait déjà mis cette réaction au goût du jour en 2002...

Ce que je retire de ce 16%, c'est que la seule force (du moins sur le plan national) du Parti Socialiste, son seul intérêt, c'est d'occuper un emplacement de choix. L'occuper. Ils sont bien là. Mission accomplie. Il n'y aura pas de PS bis.

C'est dommage de voir que ça se résume à si peu d'ambition. Car des gens avec un projet, une vision de la société pour le XXIe siècle pourraient sans doute se servir de cet emplacement pour faire quelque chose d'utile. Il serait permis d'imaginer qu'avec l'importance que l'on accorde au PS, avec son influence et son pouvoir bien réels, malgré tout, avec toutes les voix d'électeurs qu'il a reçus, qu'il y aurait une certaine responsabilité. Si je continue à taper là, je vais finir par parler d'une culture du résultat. C'est grave.

C'est grave, mais la solution a déjà été trouvée. Il suffit de rénover. En profondeur. Pour de vrai. Les cris à la rénovation n'ont servi jusqu'à présent qu'à étouffer les envies de changement. "La rénovation? On s'en occupe." Rénover pour être sûrs que rien ne bouge, pour contenir les changements. Étouffer avec une commission. Gérer les volontés de changement. Ce sont des bons gestionnaires, après tout.

22 mai 2009

Les deux ans du sarkozysme : une réussite parfaite

Je suis tellement en retard que j'ai presque l'impression d'être en avance. Le deuxième anniversaire de l'élection de l'immense Président de la R., notre Grand Chanoine, anniversaire célébré dans la liesse générale, est passé depuis maintenant quinze jours et je n'en ai dit mot. D'ailleurs, je n'ai pas beaucoup dit de mots ces derniers temps, mais c'est une autre histoire.

Depuis quinze jours je réfléchis donc à la signification profonde de l'anniversaire de cette grande date, date avec l'histoire bien entendu, l'anniversaire du jour où "un peuple s'est levé" pour se libérer de sa propre protection sociale et de tous les autres conservatismes qui avaient maintenu la France dans une sorte de torpeur médiévale.

La plupart des commentateurs, du moins dans la blogosphère de gauche, mais même au-delà, ont étrangement été assez durs avec le Très Grand Homme (TGH). Juan parlait d'une année boomerang :

Mais surtout, le président a aussi montré combien il pouvait être formidablement contre-productif: ses réformes aggravent les situations qu'elles entendaient améliorer. Heures supplémentaires, bouclier fiscal, pôle emploi, réforme de l'audiovisuel, les exemples sont nombreux de ces réformes-boomerang qui reviennent en pleine figure de ses promoteurs.

Je pourrais en citer plein d'autres. Tout le monde semble penser que le fait que Nicolas Sarkozy bat des records d'impopularité signifie qu'il y aurait un problème quelque part. Le fait que l'optimisme de ce fameux peuple qui en 2007 s'est levé (tôt, sûrement) se soit aujourd'hui transformé en pessimisme avec un brin de mépris pour l'Homme Providentiel d'alors, les commentateurs y voient même... tenez-vous bien... un échec.

Penser ainsi, c'est méconnaître la raison d'être de Nicolas Sarkozy, c'est ignorer le sens profond de sa présidence. Oui, il avait dit qu'il allait transformer la société, travailler pour gagner, chercher la croissance avec ses dents, des Rolex pour tous les quinquas, supprimer le chômage, instaurer l'éthique dans les relations internationales. Il ne fallait pas y faire attention. Le but n'était pas de faire ci ou ça, mais simplement occuper le pouvoir.

Qui n'a pas apprécié la souplesse politique de Jacques Chirac ? Tantôt "fracture sociale", tantôt écologiste, comme ces moulins qui s'ajustent selon l'orientation du vent, Chirac était également maître en l'art du dos rond. Il était tellement bon qu'il se fait rélire contre Le Pen, histoire de détacher complètement son élection de quoi que ce soit de politique.

Sarkozy est pareil : le but est de rester en pouvoir, tout simplement. Et sur ce plan, le TGH n'a aucune raison de rougir devant le bilan de ses deux premières années. Car s'il est très bas dans les sondages, ses adversaires n'en profitent pas. À l'horizon, rien de menaçant. Rien. Tel le yacht de Bolloré, Sarkozy navigue dans le calme.

  • Parti Socialiste Plus faible que jamais. En faisant cause commune avec l'appareil jospiniste du Parti, Sarkozy se protège efficacement de sa rivale de 2007, pourtant la seule figure au PS à bénéficier du moindre aura populaire. Un bon plantage aux européennes et la confusion sera totale et durable.
  • UMP C'était beaucoup plus difficile à réaliser, mais c'est fait. Sarkozy peut dormir tranquillement sur ses deux oreilles gaullistes. En interne, c'est Jean-François Copé qui incarne on-ne-sait-pas-trop-quoi de non-sarkozyste. C'est pour dire qu'il n'y a pas d'opposition crédible. Villepin, l'ennemi numéro un, reste empêtré dans Clearstream et pour l'instant ne fera pas de mal à une mouche.
  • Bayrou Sarkozy n'a pas à s'en occuper, d'autres le font à sa place. En commençant par le MoDem lui-même.
  • Presse Pas de souci, même si de temps en temps il faut montrer à quelques impertinents qui est le véritable patron de la comm, quitte à faire appel aux armes policières (via Betapolitique) ou judiciaires.

En somme, c'est le triomphe du sarkozysme. Du vrai sarkozysme, pas celui qui sert à se faire élire. Il peut garder la tête haute. Bien joué Monsieur le Président.

26 avril 2009

Pourquoi les "réformes" passent mal : Sarkozy n'est pas si malin

On ne peut pas réformer la France. Les français sont trop attachés à l'État jacobin. C'est l'immobilisme, le conservatisme bien pensant de gauche, forme bien connue de terrorisme intellectuel d'ailleurs, des privilégiés qui ne font que protéger leur bout de gras, au mépris du Brave New World qui est pourtant à portée de main. Évidemment c'est l'Éducation Nationale qui est le domaine le plus immobiliste, conservateur, "terroriste intellectuel" etc.

Tout cela, vous, comme moi, le connaissez par coeur. Sarkozy et les sarkozÿens sont allés assez loin dans cette idéologie et ont même réussi à énerver des chercheurs que l'on pensait perdus définitivement à la politique. Même l'armée (!) n'a pas été tout à fait épargnée. La police n'est pas contente. Les hôpitaux sont en train de se réveiller.

Pourtant, malgré ce qui passe pour des évidences, et malgré les idées reçues sur le sujet, la thèse de l'immobilisme socialo-gaulois ne me convainc pas. La lenteur avec laquelle le monde de la recherche et de l'enseignement supérieur a réagi aux "réformes" est assez significatif. Les premières initiatives de Valérie Pécresse, lancées pendant que l'on ne pensait qu'au Fouquet's et aux yachts maltais, étaient passées comme autant de SICAVs à la Banque Postale, jusqu'à ce que des étudiants, agissant contre l'avis des syndicats étudiants, ont commencer à râler.

Juste pour se remettre dans l'ambiance, voici un titre du 29 novembre 2007 :

Le mouvement étudiant ne s'essouffle pas. De nombreuses manifestations ont eu lieu ce jeudi, 35 sites universitaires étaient encore bloqués, selon le syndicat l'Unef. Ainsi, les mesures annoncées par Valérie Pécresse pour désamorcer la crise contre sa loi sur l'autonomie des universités n'ont pas eu d'effet notable sur les étudiants. Toutefois, l'Unef appelle "les assemblées générales" à "la levée des blocages".

Bien sûr, c'était l'époque du sarkozyzme triomphant, quand les billets vous sortaient des doigts presque déjà écrits, tant le monde semblait marcher à l'envers. Mais c'est pour dire que les "résistances", les "immobilismes" n'étaient pas au rendez-vous.

Je me souviens encore d'un Xavier Darcos annonçant, à peu près à la même époque, le non-remplacement de 13.500 enseignants, tout en insistant que le nombre d'enseignants n'avait rien à voir avec leur efficacité.

M. Fillon a par ailleurs indiqué qu'il s'est "mis d'accord" avec le ministre de l'Education nationale sur le non remplacement de 13.500 enseignants l'année prochaine.

[...]

M. Darcos plaide "pour une meilleure gestion" qui "permet de dégager des marges de manoeuvre dans l'éducation nationale". source

Voilà, l'idée : on coupe, mais on transforme ; ça ira mieux. C'est sûrement ce que l'on inculque aux futurs gestionnaires, du manager d'hypermarché jusqu'au PDG de multinationale. Réduire les coûts, augmenter l'efficacité, le rendement etc. Grâce à des "réformes structurelles", ce dont on nous rabattait les oreilles pendant bien longtemps.

Et le pire, c'est que des réformes structurelles pourraient être intéressantes. Il y a en a qui sont sûrement nécessaires. Dans la recherche, à l'hôpital, dans la police. Même à l'armée, que sais-je.

Le problème, c'est que, en associant toutes ses réformes à des suppressions des postes, Sarkozy et les siens discréditent automatiquement leur propre discours. Non seulement les "réformes" s'avèrent imbibées d'une idéologie difficile à avaler, mais en plus il devient très vite très clair qu'elles ne sont que l'habillage plus ou moins grotesque des coupes traditionnelles que la droite a toujours voulu pratiquer.

Nous avons beaucoup plus de mal à gober le progrès que le TGH (CDL - Chanoine du Latran) nous promet quand nous nous trouvons exposés, nous-mêmes ou nos collègues, aux conséquences bassement économiques de ces fameuses coupes.

Autrement dit, des "réformes" ne pourront se faire dans un climat de confiance, pour aller vers un mieux, et non vers un pire remaquillé. Du coup, le taux de confiance devient un enjeu important.

23 avril 2009

Je suis une bande de jeunes (deuxième partie)

Hier je parlais de l'inefficacité réelle de la nouvelle loi sur les "bandes". Encore une loi pour rien, du bruit (beaucoup) pour rien. Les ficelles sont tellement grosses, tellement usées (une ficelle peut-elle être usée jusqu'à la corde ?) que l'on se dit parfois qu'il n'est même plus la peine de les relever. Après tout, à notre tout petit niveau, cela contribue à renforcer le bruit, et pendant ce temps là on ne parle pas d'autre chose, comme ce que le pauvre Éric Besson est en train de nous préparer pour débarrasser les honnêtes gens de Calais de ces clandestins que Nicolas Sarkozy avait déjà mis dehors en 2002 pour régler le problème de Sangatte. J'étais tout particulièrement touché par ce représentant (un frère anonyme) d'une entreprise qui voit dans ces clandestins un menace existentiel :

"Si on ne fait rien, nos entreprises n'existeront plus l'année prochaine", a affirmé de son côté le représentant d'European Diesel Card, sans décliner son nom.

Je prolonge ma digression quelques phrases de plus pour inclure cette jolie déclaration de la maire UMP de Calais qui n'hésite pas une seconde à associer, de façon complètement farfelue, les clandestins qui cherchent à gagner le Royaume Uni et le chômage dans sa ville :

De son côté, la maire de Calais, Natacha Bouchart (UMP), a souligné que sa ville comptait 14% de chômeurs et 6.000 Rmistes. "Nous n'arrivons plus à gérer le problème des migrants" a-t-elle dit.

Bref, voilà ce dont je devrais être en train de vous parler aujourd'hui, mais quand je tiens un sujet j'ai parfois quelque mal à le lâcher, et je reviens à nos bandes. De jeunes, à condition que ce ne soient pas des simples "groupes de copains".

Une mesure pour rien (même la police est d'accord), donc, mais à haute valeur symbolique, dans un domaine où le symbolisme est tout, et où la réalité n'est rien. De plus c'est un terrain symbolique de prédilection pour le Chanoine de Latran (CDL, merci à peuples). Et c'est donc symboliquement que cette loi me gêne, car elle est l'expression, de la part des gens bien, de la certitude d'une culpabilité partagée de ces gens là. "Mais Monsieur, je n'ai rien fait, c'est eux..." "T'es copain avec eux?" "Oui mais..." "Dans le fourgon!" Ils sont tous coupables, même s'ils n'ont rien fait. Parce que même si on ne peut rien prouver, nous savons tous très bien qu'ils sont coupables. Alors pourquoi tergiverser?

Heureusement, la justice semble encore exiger des preuves, maintient un certain sérieux. Malheureusement, elle n'a aucun contrôle sur l'instrumentalisation des lois, devenus des sortes de tractes ou des jouets où le Pouvoir peut flatter la xénophobie des honnêtes gens.

22 avril 2009

Je suis une bande de jeunes

Il va donc falloir commencer à défendre "les bandes" ainsi que leurs droits. Tel serait le rêve des sarkozyëns : enfermer la gauche dans une défense "droitsdelhommiste" de ces gens dont tout le monde a si peur.

La machine a yakka s'est donc mise en route, cette fois en mode judiciaire et législative. Une loi, après tout, ne coûte rien, et comme nous le verrons, ne fait rien, à part, toujours, du bruit. Ce qui donne ceci :

Il [le Président de la R.] entend créer un nouveau délit, dans le cadre d'une proposition de loi qui doit être examinée fin mai devant l'Assemblée. Désormais, participer à une bande violente pourrait être puni de «trois ans de prison et 45.000 euros d'amende».

Le problème, ce sont les anonymes dans la bande. On ne sait pas s'ils ont fait quelque chose ou pas, et surtout on ne peut rien prouver, mais on voudrait les incarcérer quand même. Parce que ce sont des gens pas bien. Il faudra quand même prouver qu'ils font partie de la bande. Qu'est-ce qu'une bande au juste ? Un expert répond :

A partir de combien de personnes forme-t-on une bande?

Aux Etats-Unis, c’est à partir de trois personnes. Après, c’est dans l’intérêt de la police de distinguer une bande d’un groupe de copains.

C'est "dans l'intérêt de la police de distinguer une bande d'un groupe de copains" ! Je dirais que c'est dans l'intérêt des groupes de copains que la police réussisse à faire cette distinction. Par précaution, cepedant, il faudrait éviter de faire partie des groupes de copains d'au moins trois personnes si vous souhaitez éviter des gardes à vue inutiles.

Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Il est impossible de décider qui fait partie d'une bande, la ligne entre "groupe de copains" et "bande de jeunes délinquants" sera bien floue. Rien n'empêchera le soupçon de "faire partie de la bande", ce qui pourra justifier une nouvelle inflation des gardes à vue. Qui seront sans suite, puisqu'on ne peut pas prouver l'appartenance à une bande. "Je vous jure monsieur, les autres c'est une bande, moi je suis juste copain avec eux."

Je voudrais donc proposer un amendement à cette proposition de loi, qui obligerait les bandes à maintenir des listes précises de leurs membres et à leur fournir des cartes attestant leur appartenance. Je laisse aux vaillants députés UMP le soin de décider par exemple à combien de bandes un même déliquant peut adhérer et des autres modalités. Il paraît évident, en revanche, que l'État doit faire respecter l'obligation de donner des noms aux bandes afin de mieux cerner leurs territoires et leurs responsabilités. Le législateur pourrait même aller jusqu'à suggérer certains noms, comme les "Jets" et les "Sharks", même s'il semble probable que la jeunesse de la France pourra très bien inventer ses propres noms de bande. Bien sûr, l'adhésion à une bande ne sera validée par l'État que lorsque la demande d'adhésion sera accompagnée d'un échantillon d'ADN.

De plus, afin d'éviter les confusions, il semble tout aussi nécessaire de créer un Registre National des Groupes de Copains, avec une structure assez semblable à la jurisdiction des bandes (cartes, noms, ADN), ceci pour savoir, en cas de litige, si la peine "bande" doit s'appliquer, ou si au contraire nous sommes dans le cas du "groupe de copains". Tout cela pourrait paraître compliqué à gérer, mais à ceux qui disent ça, je répond : "Tel est le prix de notre sécurité, de celle de nos enfants."

Vogelsong vient d'écrire :

Le sécuritaire est le Fort Alamo de la droite. [...] La lutte contre l’insécurité est un leurre. Pour la droite, c’est le contrôle est l’ordre social qui motive les mesures politiques. La manœuvre consiste à entretenir l’insécurité pour accentuer la pression sécuritaire. Réduire l’insécurité entraînerait le tarissement de la manne élective. C’est dans ce cloaque gluant et empesté, que brasse paisiblement la droite française.

Il a raison.

21 avril 2009

Le verre d'eau des tempêtes

En effet, le psychodrame, ou le double psychodrame, qui entoure les "excuses" offertes par Ségolène Royal, servira de cas d'école dans l'étude de la structure médiatico-politique d'une Ve République agonisante. On suppose que ce seront des chercheurs étrangers qui se pencheront sur l'affaire, les éventuels chercheurs français seront bien entendu trop occupés à des projets à rentabilité immédiate pour y perdre leur temps.

L'une des conclusions auxquelles ces chercheurs ne manqueront pas d'arriver, c'est qu'aucune information politique ne saurait exister si elle ne peut pas s'insérer dans le récit fondamental qui est le roman des personnages politiques.

Richard Trois l'explique très bien:

Mais personne ne pose cette question pourtant essentielle :
Si Ségolène Royal n'avait pas écrit ces quelques lignes d'excuses à José L. Zapatero, les français dans leur grande majorité auraient-ils entendu parler du tollé soulevé en Espagne par cette phrase, qui aurait été prononcée par M.Sarkozy, selon Libération, sur M. Zapatero qui "n'est peut-être pas très intelligent" ?
Les Français d'en bas, ceux qui ne suivent pas au quotidien les faits et gestes de Nicolas Sarkozy, auraient-ils su avec quelle condescendance et quel mépris Nicolas Sarkozy a traité Barack Obama devant les députés issus de la representation nationale reçus à l'Elysée ?
Les auraient-on informé de ces costards XXL taillés par la presse internationale tout spécialement pour Nicolas Sarkozy et son comportement à l'égard de ses homologues ?

L'image désastreuse de Lui-Même que notre Très Grand Homme (TGH) donne à l'étranger ne devient une « information » que si elle entre dans la narration déjà rôdée de la campagne de 2007. Vous vous souvenez du test dans Elle : « Êtes-vous Sarko ou Ségo? ». Nous en sommes encore là, malheureusement. Aujourd'hui il n'y a pas d'autre schéma pour expliquer la politique.

Bien sûr, Ségolène Royal n'est pas toujours dans le coup. Excellent exemple d'un coup 100% médiatique : Nicolas Sarkozy est battu à plates coutures par Chirac dans un sondage Paris Match (votre source pour tout ce qui est sérieux en politique : nous attendons impatiemment leur dossier sur les nouveaux emplois précaires ou l'avenir du syndicalisme.) Juan

Un autre baromètre, de Paris Match cette fois-ci, place le président loin derrière Jacques Chirac en termes de popularité. Seul motif de satisfaction, il devance Ségolène Royal. Un sociologue, président de Mediascopie, explique que Nicolas Sarkozy est devenu "inaudible".

Oui, Sarkozy est ridicule, inaubile. Oui, on lui préfère Chirac. Si ce n'est pas Zidane, Laure Manaudou ou l'Abbé Pierre. Mais cela ne donne rien : en désapprouvant Sarkozy, on tombe dans la nostalgie de Chirac, justement un choix non-politique. Avec Chirac, comme dirait Jean d'Ormesson, "c'était bien". Quoi exactement ? Rien, en fait. Chirac, maître du dos rond et de l'hypocrisie politique, est simplement plus sympa que son successeur. C'est trop génial pour nous.

Le gauchiste en nous, notre sur-moi trotskyste (dût-il exister) dirait aussitôt : il faut dénoncer la personnalisation de la vie politique, donc Ségo et Sarko, même combat. Ce qui me fait revenir à l'un des principes fondamentaux que j'affirme depuis le début de ce blog, l'efficacité. Non pas celle de ces socialistes "libéraux" qui veulent produire avant de distribuer, et qui, à force de couper les poires en deux, en quatre et en huit, finissent avec une sorte de compote de droite mais allégée en sucres. Trotsky lui-même était, dans ses jeunes années surtout quand il a livré à Lénine l'Armée Rouge, quelqu'un d'assez efficace, et ce n'est pas sûr qu'aujourd'hui son premier réflexe serait de s'embarasser de principes sur ce que doit être une parole de gauche.

Aujourd'hui, maintenant, le monde est télévisuelle, la République est Cinquième, et il va falloir s'y faire. Une seule personne à gauche est capable, par un simple discours plein de bon sens, de semer l'hystérie dans le camp de droite, de faire sortir de ses gonds la garde rapprochée sarkozyste. J'ai donc du mal à comprendre ceux qui crachent dans la soupe. Il y a si peu de soupe.