24 novembre 2009

Besson et la purification symbolique de la nation

Besson fait un entretien au JDD. (Juan en parle aussi.) C'était dimanche dernier. Pour une fois les questions étaient un peu dures, surtout sur la relation entre le « Débat » sur l'Identité Nationale et l'immigration. Exemple :

Comment organiser l’identité nationale, quand on est le gendarme de l’immigration?

C’est une fausse perception. [...] Mais tout se tient. Pour consolider l’intégration, il faut lutter contre les filières de l’immigration clandestine et les mafias qui l’organisent…

Comment ça, une fausse perception ? Besson est bien « gendarme de l'immigration » (et des Expulsions, des Rafles et des Charters), et il est bien chargé de nous vendre l'Identité Nationale. « Tout se tient », en effet, comme il le dit si admirablement. La tentation est grande d'aller droit au but : tout se tient, Monsieur, c'est-à-dire votre identité nationale et la xénophobie, c'est-à-dire identité nationaliste et électeurs du Front National. Mais comme nous voulons être sages et poli, essayons de décortiquer un peu plus.

Pour au moins 50%, le programme IdentNat d'Éric Besson tourne autour de l'immigration. Sous prétexte de réussir l'intégration. Si vous allez sur le grand site du débat (hashtag #xenophobie_2.0), vous trouverez en ce moment les deux premières propositions du gendarme-propagandiste. Voici la première :

Faire connaître et partager l’identité nationale.

Notre Nation s’est constituée au fil des siècles par l’accueil et l’intégration de personnes d’origine étrangère. Ce grand débat doit permettre de valoriser l’apport de l’immigration à l’identité nationale, et de proposer des actions permettant de mieux faire partager les valeurs de l’identité nationale à chaque étape du parcours d’intégration.

Pour aboutir à la question :

Comment mieux faire partager les valeurs de l’identité nationale auprès des ressortissants étrangers qui entrent et séjournent sur le territoire national ?

Dans la stratégie de communication de Besson, il y a d'abord son côté gentil : aidons les pauvres immigrés à s'intégrer, apprécier leur apport à la Nation, blah blah blah. Et l'argument, à la base, est qu'en faisant ici, sera résolu l'autre problème, le vrai problème, celui qui revient tout le temps, y compris dans la bouche du Très Grand Homme (TGH) : le communautarisme.

De la circulaire bessonienne :

Ce débat répond aussi aux préoccupations soulevées par la résurgence de certains communautarismes, dont l’affaire de la Burqa est l’une des illustrations. Au moment même où l’Union européenne franchit une nouvelle étape de son intégration, et où la crise économique et financière internationale démontre combien la mondialisation rend l’avenir des Nations interdépendant, ce débat a pour objectif d’associer l’ensemble de nos concitoyens à une réflexion de fond sur ce que signifie, en ce début de 21ème siècle, « être Français ».

Le communautarisme avec, comme dans les discours de Sarkozy, le Burqa : quel stratège UMPiste aurait jamais pu imaginer meilleur épouvantail, chiffon rouge à agiter devant les yeux des Républicains old-school, y compris de gauche. Le sarkozyzme apprécie les débats qui divisent le parti adverse ; le voile, la burqa sont des sujets de rêve pour semer la zizanie chez les bien pensants. De même que le communautarisme, avec, en toile de fond, la question de l'Islam qui permet de mettre provisoirement dans le même caps les laïques purs-et-durs et les catholiques qui ont peur que la France deviennent un pays musulman.

De fil en aiguille, donc, on arrive à la question policère. Lutter contre les immigrés en situation irrégulière c'est valoriser, ou disculper, ceux qui sont en situation régulière. Et pour enfoncer le clou, Besson, dans le JDD, cite Patrick Lozes :

Le président du CRAN Patrick Lozes dit à juste titre que "rien ne ressemble plus à un étranger régulier qu’un étranger irrégulier"... La lutte contre l’immigration clandestine est peut-être politiquement incorrecte, mais elle est profondément républicaine, puisqu’elle met fin à cette confusion.

Je disais « de fil en aiguille » : mais au fait, me dira le lecteur attentif et critique, quel rapport y a-t-il entre immigration, légale ou illégale, et communautarisme ? On sait qu'en France, le communautarisme est toujours en « montée ». Le communautarisme est toujours un truc qui va nous engouffrer demain, et la Nation et la République (et l'Église...) avec. Mais le chaînon manquant dans cette « pensée », c'est que « la montée du communautarisme » ne concerne pas les immigrés. Et encore moins les immigrés clandestins. Le communautarisme se pratique d'abord chez des jeunes français dont les parents ou les grands-parents étaient immigrés. En quête d'identité, sans doute, mais pas parce qu'ils ne savent pas ce que c'est d'être français, mais plutôt parce qu'ils ont beau être français, on les voient encore comme des « immigrés ».

C'est un thème sur lequel je suis souvent revenu : la lutte contre l'immigration dans ce grand cadre nationaliste, est avant tout symbolique. L'identité nationale chez des gens comme Hortefeux et Besson est en panne depuis la décolonisation ; les « immigrés » qu'ils voudraient expulser ne sont pas ceux de 2009 mais ceux des années soixante et soixante-dix qui sont en grande partie aujourd'hui des citoyens français. Il n'y a pas si longtemps le programme du Front National proposait de revenir sur toutes les naturalisations depuis 1973, je crois. Hortefeux et Besson sont un peu plus raisonables : ils ont trouvé une parade symbolique.

19 novembre 2009

Beau travail, beau travailler

Depuis que ce blog existe, l'un des mes critères essentiels, ou principes, ou orientations, est l'efficacité : il faut d'abord battre la droite et prendre le pouvoir avant d'imaginer un monde idéal ou toutes les injustices seront réparéées. En même temps, je pense que cette "prise de pouvoir" (j'ai l'air d'un trotskyste, je sais), ne passe par une sorte de mollesse centriste, gauche-libérale-plutôt-presque-la-droite. Cette stratégie, qui a l'air merveilleuse sur le papier, quand on dit qu'on va prendre tous ces électeurs qui hésitent à voter pour l'UMP, justement en ressemblant le plus possible à l'UMP. Non seulement la gauche se fracasse en mille morceaux dans ces conditions (« c'est quoi ce P"S" !?! »), mais sa capacité à faire avancer des idées est anéantie. C'est un message qui doit gagner. Faute de quoi, on aura beau ajouté tous les pourcentages... Et un message que tout le monde peut comprendre : Sarkozy a gagné en 2007 parce qu'il a réussi à battre le PS dans les milieux populaires...

Donc... donc... après tout ça... j'en arrive à ce que je voulais dire. Enfin, presque. Le weekend dernier nous avons eu droit au grand déballage d'EAG, Espoir à Gauche (et pas En Avant Guingamp, comme le souligne Nicolas J), tempête dans un verre d'eau qui a pris des dimensions médiatiques de tsunami. Je parlerai de tout cela dans un prochain billet encore plus désespéré que celui-ci.

Donc... devant ce spectacle, ce commentaire de Martine Aubry :

«Le PS que je connais, c'est celui qui travaille», a-t-elle déclaré mercredi à la presse avant de s'adresser aux élus socialistes réunis à déjeuner, en marge du congrès des maires. «Ces milliers d'élus qui travaillent pour les Français tous les jours (…), ces sénateurs qui se sont battus contre la privatisation de La Poste la semaine dernière, ces députés qui se sont battus contre la fiscalisation des revenus des accidentés du travail et pour défendre la Sécurité sociale », a-t-elle martelé.

Le travail. Ah, le travail. C'est bien de travailler. Plutôt que de pavaner dans les médias. Un PS qui bosse, c'est un PS qui... bosse. En silence, paraît-il. La Première Secretaire cite trois exemples de ce travail :

  • lés élus qui travaillent tous les jours ;
  • les sénateurs opposés à la privatisation de La Poste ;
  • les députés opposés à la fiscalisation des revenus des accidentés du travail.

Évidemment, le travail en question est soit la gestion locale (les heureux élus de tous les jours), soit des combats nationaux d'opposition pure aux mesures de Sarkozy. C'est bien de s'opposer, bien entendu. Mais ce n'est pas ce travail là qui va, comment dire, donner espoir à la gauche. Ah, vous me direz, le travail de programme continue en même temps. Mais où ? Il n'y a aucune communication là-dessus. L'impression est que, s'il y a du « travail » dans ce domaine, il est plutôt technique : fignoler des propositions qui, une fois passées dans la moulinette médiatique des résumes de sept secondes à la radio ou de trois phrases à la télé, ne laisseront que peu de trâces dans le grand cerveau collectif. (Imaginez le décalage en termes de temps de cerveau disponible entre l'intégralité de ces travaux depuis le Congrès de Reims, et la question de jeu de mains de Thierry Henry.)

Bref, gagner ne dépend pas du choix d'un programme idéal qui, par son extrême finesse satisferont à peu près tout le monde, ou déplaira autant aux uns qu'aux autres. Il faut, au contraire :

  • communiquer (occuper l'espace médiatique et l'imagination populaire) ;
  • avancer une ligne, une pensée qui soit facile à comprendre
  • le faire maintenant, pas à trois mois d'une élection présidentielle.

Le régime présidentiel ne récompense pas le travail de fourmi, les bosseurs méritants qui rendent des bonnes copies. Les français votent pour des images, des perceptions (« sympa, pas sympa ? ») ; une éventuelle victoire devra passer par une coordination entre les images et un message réel (pas seulement un slogan de marketeux).

Dans ce billet je fais comme si c'était possible pour le PS, en l'état actuel, de réussir à faire tout cela. Je n'ai pourtant pas touché au Beaujolais ce soir, même si parfois on ne voit pas d'autre issue.

16 novembre 2009

Des spéléologues, du plastique, du football, du tribalisme : IdentNat

Essayons donc de comprendre ce que doit être la Nouvelle Identité Nationale, dès lors que l'aurait trouvée. Dans ce but, des équipes d'élite, des spéléologues pur souche, sont partis vers le Massif Central, mais nous n'avons pas, pour l'instant, de leurs nouvelles. Cela ne devrait tarder et nous vous tiendrons au courant de tous les dévéloppements en temps réel.

En attendant les enseignements de cette mission, qui n'est pas, nous tenons à le signaler, sans risque, il peut être utile de revenir sur quelques nouvelles intuitions toutes fraîches.

Depuis quelques jours, je suis resté sur l'idée que cette grande « réflexion » ne pouvait aboutir qu'à l'instauration d'une bidouille, un truc en plastique qui ne pourrait être utile qu'à une seule personne, ou du moins une seule force politique qui a choisi de « vaincre » le Front National en le remplaçant. (Diabolisons Le Pen, mais pas ses idées, en somme.) Cet état de la réflexion laissait en suspens la nature précise de l'IdentNat que nous sommes appelés à construire. (Sauf que, le temps de la réflexion à peine commencé, Sarkozy a déjà dévoilé, dans le Drôme, toutes les bonnes réponses de l'interro : on est super top français quand on lit la Princesse de Clèves...)

La question n'est pas simple : Sarkozy veut dire, en somme, que les Nations n'existent plus, et que par conséquent l'Esprit National a diminué, nous laissant aller à notre haine de soi, et à notre crise d'identité. Je me lève le matin et je dois relire tout mon passeport pour me souvenir de ma nationalité. Et puis toute la journée je me déteste. Il faut donc inventer le Nationalisme sans Nation. Et bien sûr cela n'existe que dans le football, et un peu dans le rugby. Et encore, les vrais supporters ont tendance à être bien plus fidèles à un club, qui mélange joueurs de plusieurs pays le plus souvent, qu'à une équipe nationale. Enfin, dans mon expérience. Mais le foot fournit l'exemple, ce n'est pas le hasard si tout le monde le cite. Si on peut être supporter du « maillot » d'un club, on peut tout aussi bien l'être pour le « maillot » de son pays, du moins le temps d'un match.

Mais pour le Sentiment National de la Nation qui n'est plus une Nation, par quoi va-t-on remplacer le maillot ? Par un truc un plastique, je disais. Ensuite, j'ai trouvé : c'est le sentiment « tribal ». Une sorte d'appartenance générale qui divise le monde entre eux et nous. Cela suffit, cette distinction. Eux, là bas. Nous, ici. (Et dans les DOM-TOM, mais bon.)

Et soudain tout devient très clair. Je comprends pourquoi il fallait depuis le début que ce soit le même ministère qui s'occupe de l'Identité Nationale et des Expulsions et Rafles. Car l'identité nationale, ce n'est pas dans Racine, c'est dans « eux/nous ». Voici donc, pourquoi il faut rejeter le débat sur l'Identité Nationale, car tout ce qui sera dit à ce sujet ne servira qu'à donner crédit à l'enforcement, par la police, de la distinction eux/nous. Je n'ai pas envie d'en porter la responsabilité.

Nous avons perdu le contact avec les équipes de spéléologues. Une équipe encore plus d'élite est actuellement sur zone pour tenter de les retrouver.

14 novembre 2009

Le portraitiste

C'est l'été. Soudain je suis peintre : portraitiste.

Je vais sur la place du marché, je m'installe un étal avec mon matériel et des portraits de gens célébres pour montrer que je sais peindre : Dalida, Claudia Schiffer, ainsi que quelques beaux anonymes. Derrière mon chevalet, je fais semblant de finir un portrait à partir d'une photo pendant que les badauds tournent autour avant d'aller chercher leurs poireaux. À part un sourire de temps en temps, je les ignore, me donnant entièrement à mon art.

Vers 11 heures, il commence à y avoir du monde. Enfin quelqu'un veut un portrait, un type de la quarantaine en polo jaune. Je me demande pourquoi il veut son portrait, mais tant pis, j'y vais. Je travaille, fronce les sourcils, étudie la forme du crane, les proportions du visage, l'arrondi des orbites, l'expression : c'est un fonceur, mais il faut lui donner une profondeur que je tente de deviner. Au bout de vingt minutes je lui montre l'oeuvre. Il n'est pas content du tout, me dit que ce n'est pas lui. Il est très en colère. Je regarde, pour comparer. Il a raison, ce n'est pas très ressemblant : je vois que je viens de peindre Adolph Hitler.

Excuses, pas fait exprès, vraiment désolé. Il le prend très mal quand même. Il y a du bruit, il se calme et s'en va.

Les gens partent, d'autres arrivent, curieux. Enfin un client. Je fais très attention, mais cette fois c'est le maréchal Pétain, képi et moustaches. Et tout l'après-midi c'est la même chose : Milosevic, Staline, Laval, Karadzic, Bush Jr., alors que mes modèles sont des gens tout à fait ordinaires. Il fait chaud, l'énervement monte. J'essaye d'expliquer que je n'y suis pour rien, évidemment personne ne me croit. « Ce n'est pas drôle du tout ».

À la fin de la journée mon étal est en miettes, chevalets renversés. Dalida et Claudia déchirées.

13 novembre 2009

L'amour de moi

Pas le temps de faire un vrai billet aujourd'hui, mais le Président de la R. a fait un descours hier qui donne envie de réagir à chaud, ou à tiède tout au moins.

Je prends un morceau avant de continuer (page 2 du pdf officiel, sur le site de l'Elysée) :

Je veux le dire parce que je le pense, à force de vouloir effacer les Nations par peur du nationalisme on a ressuscité les crispations identitaires.

Il le dit parce qu'il le pense. Ah. Puissant, ça.

Effacer les Nations par peur du nationalisme ? Pas parce que l'économie est devenue mondiale, pas par peur de retomber dans des guerres entre pays « civilisés » ?

C’est dans la crise de l’identité nationale que renaît le nationalisme qui remplace l’amour de la patrie par la haine des autres.

Voilà la clé du système : l'identité nationale contre le nationalisme. Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ?

A force d’abandon nous avons fini par ne plus savoir très bien qui nous étions.

« Nous » ne savons plus qui « nous » sommes parce que « nous » n'avons plus la Nation pour « nous » le dire. Admettons, par esprit de bienveillance envers celui qui a tant donné pour son Pays. Il faudra donc trouver ailleurs cette fameuse identité. Comme je disais l'autre jour, une bidouille qui remplace.

Mais a-t-on vraiment besoin de MM. Sarkozy, Besson, Hortefeux et Raoult de nous dire qui nous sommes ?

A force de cultiver la haine de soi nous avons fermé les portes de l’avenir. On ne bâtit rien sur la haine de soi, sur la haine des siens et sur la détestation de son propre pays.

L'identité Nationaliste (pardon, nationale) serait surtout un bouclier anti-« détestation de soi », autrement dit : la France a toujours était grande, y compris quand elle a fait des saloperies colonialistes. Interdit de critique, de la même manière que le député UMP Éric Raoult voudrait obliger Marie NDiaye à se taire, puisqu'elle a reçu un prix.

La finalité de la bidouille nationalistique sera donc l'amour des siens ? Je dirais plutôt, et en cela je crois avoir bien compris le message d'Éric Raoult, qui s'inquiétait qu'on puisse dire « monstrueux » et « Sarkozy » ou « Hortefeux » dans la même phrase, qui nous donnait un exemple très réfléchi du futur règne de l'IdentNat, je dirais plutôt : l'amour de soi, ou même, venant de Sarkozy, l'amour de Moi. Nous oublierons notre haine de nous-mêmes et de notre passé et notre manque d'identité dans l'amour infini que nous devons à notre Petit Prince.

12 novembre 2009

Éric Raoult est de droite et membre de l'UMP

Faut-il parler d'Éric Raoult ? C'est un peu la question que je posais hier soir sur twitter. Visiblement son jeu consiste à se faire parler de lui, créer l'événement, mini-polémique en associant son nom à celui d'une romancière reconnue et récompensée. Le monde n'a pas attendu Éric Raoult pour inventer ce petit jeu médiatique, même avec sa variante xénophobe, autoritaire et paternaliste. Après tout, des élections approche, c'est le moment d'y aller n'est-ce pas ?

Faut-il s'abaisser jusqu'à parler d'Éric Raoult dans son blog ? Marie Ndiaye semble avoir pensé tout de suite à peu près la même chose (mais sans le blog) :

Donc je me suis dit que si cette histoire était peu évoquée, s’il n’y avait pas de rebondissements, cela ne valait pas la peine de donner de l’importance à des gens de cette sorte.

Faut-il parler de Raoult?

Oui. (D'ailleurs, c'est déjà trop tard.) Voici pourquoi.

Éric Raoult en soi n'est pas particulièrement intéressant. Peuples m'a suggéré d'aller lire son article Wikipédia. Peuples a raison : on apprend des choses.

Il a soutenu un amendement visant à rétablir la peine de mort sous certaines conditions, et a co-signé la proposition de loi du 8 avril 2004 exigeant son rétablissement pour les auteurs d'actes terroristes

Et encore :

Fortement opposé à l'homoparentalité, il déclare « Dès qu'il y a un enfant, il faut un papa et une maman » lors du premier cas d'adoption accepté pour une jeune femme homosexuelle

Doit-on conclure qu'il est tout aussi fortement opposé à la monoparentalité ? Mais je m'éloigne...

En somme, un type de droite comme il y en a plein, surfant sur les différentes vagues réactionnaires au fur et à mesure qu'elles s'offrent à lui. La stratégie éléctorale de ce maire-député de la 9-3 n'est pas difficile à deviner. Il ne court pas après les électeurs verts et bayroutistes, disons.

Alors pourquoi perdre mon temps à en parler ? Marie N'Diaye n'a pas vraiement besoin de nous pour se défendre contre des bêtises pareilles. Si je m'en prends à Éric Raoult, c'est parce qu'il représente la droite. Frédéric Mitterrand prend soin de garder ses distances : "Eric Raoult a le droit lui aussi en tant que citoyen, voire en tant que parlementaire, de dire ce qu'il pense." Mitterrand est le seul dans cette histoire à s'appliquer un devoir de réserve spontanément. Bravo. Mais s'il se montre si timide, plutôt que de se sentir obligé de défendre les artistes, et si, quand même, il ne réitére pas la stupide exigeance de "réserve", c'est qu'il ne veut pas être pris dans le mini-tourbillon que Monsieur le Député cherche à créer.

Donc, pour répondre à ma question, le devoir du blogueur gauchiste est d'expliquer en quoi les propos d'Éric Raoult engagent en effet la droite en général et le sarkozyzme en particulier. (Oui, il est toujours là, notre TGH.)

Les liens entre le "devoir de réserve" de Raoult et le sarkozysme sont multiples. Ajourd'hui, cependant, c'est l'Identité Nationale qui saute aux yeux. Quand Éric (tiens, c'est le prénom du jour) Besson demande aux préfets de se demander s'il ne faudrait pas mettre plus de Marianne et de drapeaux un peu partout, et faire chanter les enfants, il devient clair que ce dont il s'agit, c'est de créer une "marque France", et que tous les vrais français se mettent au service de cette "marque". (Je parlais de McNation l'autre jour, j'aurais dû écrire "McFrance" sans doute.) Dire du mal du Très Grand Homme, c'est rabaisser la marque, c'est un acte coupable, surtout lorsque l'acte est commis par quelqu'un qui a reçu un prix et que les gens pourrait être susceptible de croire. Lorsque c'est quelqu'un qui ne s'est pas décrédibilisé.

11 novembre 2009

L'arbre, le caillou et le PS

Quand j'avais écrit ce qui est aujourd'hui mon avant dernier billet, imaginant la simplicité avec laquelle une UMP un peu caricaturale pouvait désigner un candidat présidentiel sur la base des seuls rapports de force, et fixer dans la foulée un "programme", un instrument médiatique pour dissimuler l'éternel programme de droite : baisser les charges et réduire les impôts, quand j'avais donc écrit tout cela, j'avais promis de faire la même chose pour le PS. Depuis, la situation a un peu changé, pour le pire dans l'ensemble, mais quelques indices me font penser que mon analyse d'alors, celle qui était prévue, peut encore signifier quelque chose aujourd'hui.

Pour commencer, il faut revenir à la théorie. C'est bien le PS, le Parti Socialiste, dont on parle. Il faut donc s'armer de science. Mais plutôt que de parler de Marx, de Bourdieu ou de Durkheim, revenons directement aux philosophes présocratiques, notamment à Zénon, auteur de plusieurs célébres paradoxes, dont celui-ci :

Zénon se tient à huit mètres d'un arbre, tenant une pierre. Il lance sa pierre dans la direction de l'arbre. Avant que le caillou puisse atteindre l'arbre, il doit traverser la première moitié des huit mètres. Il faut un certain temps, non nul, à cette pierre pour se déplacer sur cette distance. Ensuite, il lui reste encore quatre mètres à parcourir, dont elle accomplit d'abord la moitié, deux mètres, ce qui lui prend un certain temps. Puis la pierre avance d'un mètre de plus, progresse après d'un demi-mètre et encore d'un quart, et ainsi de suite ad infinitum et à chaque fois avec un temps non nul. Zénon en conclut que la pierre ne pourra frapper l'arbre qu'au bout d'un temps infini, c'est-à-dire jamais.

Assez facile de ramener tout cela à notre cher PS : pour désigner un candidat, il faut d'abord se mettre d'accord sur le moyen de choisir le candidat, celui-ci étant à réinventer à chaque fois. Le moyen du choix doit être déterminé démocratiquement, ou du moins en faisant appel à toutes les instances possibles. Aussi faut-il négocier les modalités de cette prise de décision, discussion qui prend en compte la réalité du terrain, celle des militants, des fédérations. Le caillou, à peine parti de la main de Zénon, doit déjà se justifier du fait de s'appeler caillou, doit revenir sur lui-même pour prouver que son mode de lancement était conforme à ce qu'on attend d'un caillou, et ainsi de suite.

Mais, il faut dire que les paradoxes de Zénon sont bien des paradoxes : les flèches arrivent à leurs cibles, Achille bat la tortue dans le 100 mètres, et le caillou va vers l'arbre, même s'il tombe à côté parfois. Et le PS finit par choisir quelqu'un, malgré toutes les introspections et manoeuvres, celles-ci ayant pour but de prendre en compte la "réalité du terrain".

Car, au final, alors que le caillou a déjà fait trois loopings devant l'arbre, une petite voix s'entend, petite voix qui va résoudre la question et permettre enfin au pauvre caillou de terminer sa course : "alors, c'est qui le plus fort ?"

10 novembre 2009

McNation

Depuis quelques mois je ne bloguais plus. C'était une erreur, je suppose. Le blogage, c'est la liberté d'expression même. Détaché de tout souci d'éditeur, d'argent, de public, même, on écrit vraiment ce qu'on veut. Quand on veut. C'est l'autre liberté du blog, celle de ne pas bloguer aussi.

Bref, il y a eu des moments où j'avais les doigts qui voulaient se remettre au clavier. L'histoire du blondinet qui se croyait plus gros que la Défense, par exemple.

Mais s'il y a un sujet qui peut vraiment me faire sortir de ma tannière, c'est cette histoire d'Identité Nationale. Grand débat. Numérique en plus. Sur le web, tous les chats sont blancs, n'est-ce pas? Ce sera moderne. Du propre.

L'argument est qu'il faut, face à l'Europe, face aux Américains, face à la mondialisation, réaffirmer une identité pour ne pas être submergés, collectivement, pour ne pas voir toutes ses précieuses valeurs diluer dans les flots et les flux du monde moderne. Et bien sûr, puisque le pauvre petit village gaulois ne peut rien contre les flux du capitalisme mondial, il s'attaque aux flux migratoires, et même à leur face la plus faible, la plus vulnérable.

La négation du passé colonial est toujours d'actualité. La politique d'expulsion, je l'ai déjà dit, n'est que symbolique : expulsons quelques misérables pour, symboliquement, effacer cette réalité que concrètement nous devons malgré tous nos principes Nationaux accepter.

Un grand débat sur l'Identité Nationale : pour décider quoi ? Décréter que désormais, à partir de l'an 2010, troisième du règne du Petit Prince, l'Identité de la Nation Française sera X. Mettez ce que vous voulez dans X, pour l'instant, même quelque chose de gentil à la rigueur. Sur quoi portera alors ce décret ? Les préfets enverront des hérauts avec leur trompettes sur les murs pour annoncer la bonne nouvelle. Les gens dans la rue diront : "Ah, c'est donc ça notre identité nationale maintenant! Je vais le noter dans mon carnet pour ne pas oublier."

Car la logique d'une Identité Nationale ainsi décidée, c'est finalement de fabriquer quelque chose, une bidouille, un slogan qui prendrait la place du patriotisme/nationalisme qui n'est plus de notre siècle, qui n'existe plus que pour ne pas effrayer les gens. On fabriquera une identité nationale en plastique, comme les jouets qui accompagnent les repas pour les enfants chez McDonalds. J'imagine déjà, distribué dans les écoles, un Vercingétorix en plastique, avec sa tenue de désert et mitraillette lance-roquette sur le bras, prêt pour aller envahir l'Algérie.

Dagrouik suggère que la gauche s'empare du débat pour le retourner contre Besson :

En gros débattons, mais changeons l'objet du débat: Nous allons montrer aux amis de Besson qu'ils sont ringards. Ça me semble simple comme analyse. Et donc sortir du piège de réponse négative ou alors du passage en mode "hou les vilains neo-pétanistes que voilà" qu'on trouve chez certains. Et ne vous trompez pas sur les réponses aux questions parfois trop simples des sondages, pour beaucoup de gens "identité nationale" c'est "vivre ensemble" et "égalité des chances".

En termes de stratégie, ou de tactique, c'est peut-être jouable. Pourquoi ne pas aller jusqu'à l'extrême canadien, déclarer une république multiculturelle et métissée, après tout ? Le problème, à mon avis, c'est que "vivre ensemble", "égalité des chances", "république multiculturelle" ne concernent plus l'Identité Nationale mais plutôt, justement, la République, le pacte républicain, le tissu social, le rôle du collectif et (par extension) l'État. Nous sommes alors sortis du terrain (piégé) de l'Identité Nationale. Car une Identité sert à vous dire qui vous êtes, et c'est pour cette raison que c'est un concept intrinséquement néfaste et, je dirais, fondamentalement nationaliste. Pardon : Nationaliste.

Autrement dit, la seule conclusion acceptable de cette grande mystification serait le dynamitage de la notion d'Identité Nationale, comme si les expulsions perpétrées par le Ministère de la Xénophobie n'avaient déjà suffi.

(En lisant le billet de Marc Vasseur ce matin, je vois que Besson a sorti ses questions identitaires. J'arrête là cette tirade. Il y a du pain sur la planche. Ça commence bien, pourtant : piste de réflexion : "notre universalisme". Flûte, je l'ai mis où, notre universalisme.)